Lorsque Pixar put enfin réaliser son premier long métrage Toy Story, Disney fut la première compagnie sur les rangs pour en assurer la distribution. C'est alors que débuta une collaboration fructueuse et intelligente. L'innovation et le talent artistique de Pixar alliée à la puissance marketing d'un Disney toujours en mal de renouvellement. L'histoire d'une success story remplie de conflits d'intérêt et de gros sous. Les chroniques du business entre deux nababs de l'animation.



GOD MONEY

Alors que Toy Story est en pleine pré-production, un premier accord est signé entre Disney et Pixar. Celui-ci prévoit que Disney finance à 50% les films Pixar et récupère 50% des recettes ainsi qu’une part non négligeable des revenus sur les produits dérivés. L’accord est prévu uniquement pour les trois premiers film de la firme fondée en 1986 – bien qu’il sera renégocié à cinq films juste avant la sortie de 1001 Pattes en 1997, faisant courir le contrat jusqu’à Cars. La compagnie de Steve Jobs et John Lasseter conserve alors un statut créatif à 100% indépendant du studio de Mickey. De son côté, Disney peut utiliser à loisir l’image des personnages Pixar dans leur parc d’attraction ou tout autre produit de merchandising. Cependant, les tensions ne tardent pas, à commencer par un désaccord concernant la sortie direct to vidéo de Toy Story 2 et le refus de Disney de l’inclure dans le deal initial des cinq films. En 2004, alors que le contrat touche à sa fin, Pixar en position de force cherche à négocier un accord de distribution exclusive avec Disney, en assumant à 100% le financement et le contrôle sur ses films, obligeant son ancien partenaire de ne se contenter que des miettes des fantastiques recettes des films. Disney refuse, les relations se détériorent, la guerre est désormais ouverte entre Steve Jobs et Michael Eisner qui se détestent cordialement.


LE BOUT DU TUNNEL

Seulement, Disney est en mauvaise posture. Son département 2D est fermé suite aux résultats catastrophiques des derniers dessins-animés et veut se lancer seul dans l’aventure 3D. Stratégiquement, il ne peut se passer de Pixar qui redore son image de marque écornée et le maintient financièrement hors de l’eau. Pixar se dit prêt à accueillir les plus offrants mais conserve une place de choix à la table des négociations pour son partenaire historique. Avec le départ de Eisner fin 2005, les relations repartent sous de meilleures auspices. Disney commence par inclure Ratatouille – premier film initialement prévu hors de l’écurie Disney – sous une bannière conjointe similaire à l’accord proposé par Pixar en 2004. Mais, le 24 janvier 2006, Disney décide d’acheter Pixar pour 7,4 milliards de dollars sous forme d’actions Disney. Steve Jobs, actionnaire majoritaire de Pixar prend donc la place de Michael Eisner au conseil d’administration de Disney, tandis que John Lasseter devient le chef du département créatif de Disney, fonction qu’il occupait déjà chez Pixar. Ed Catmull quant à lui devient le président du studio animation de Disney. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’une fusion entre les deux sociétés, chacune continuant à co-exister. A partir de Ratatouille, les films, annulant le précédent deal, seront désormais brandés Disney-Pixar. La morale est sauve.


Nicolas Plaire