Ces deux dernières décennies ont vu l’émergence de nouveaux fleurons de l'animation. De grands auteurs tels que Hayao Miyazaki (Le Voyage de Chihiro), Mamoru Oshii (Ghost in the Shell), Nick Park (Wallace et Gromit) ou le tandem Tim Burton-Henry Selick (L’Etrange Noël de Monsieur Jack) ont imposé un style immédiatement reconnaissable, en créant des univers originaux. Ils ont ainsi élevé l'animation à un rang majeur du septième art. Pixar fait bien sûr partie prenante de ce phénomène. Sous la houlette de leur distributeur Disney, les artistes du studio américain abreuvent le monde depuis 1995 de films d’animation à la qualité exceptionnelle. Plus conventionnelles, les productions Disney, malgré leur qualité, ne s'en relèveront probablement pas. La chance sourit aux audacieux.


LUCASSETER

Difficile de prétendre avoir apporté plus aux effets spéciaux modernes que le visionnaire George Lucas. On lui doit l'essor de l'ère numérique et plus particulièrement la création du studio Pixar (sous le nom moins poétique de Lucas Computer Graphics Division), département autonome au sein d'ILM (Industrial Light & Magic). John Lasseter, venu de l'animation traditionnelle - il a participé au dessin animé Le Noël de Mickey - est engagé dans cette filiale. Il travaille alors sur le Le Secret de la pyramide de Barry Levinson et co-réalise un premier court métrage en images de synthèse: Les Aventures d’André et Wally B. racontant l'histoire d'une facétieuse abeille. En 1986, Steve Jobs - le fondateur d'Apple - rachète la division à Lucasfilm et la rebaptise Pixar. Le nouveau-né va définir dès lors les futurs axes de l'animation du 21ème siècle. Très tôt, afin de prouver leur savoir-faire, les employés de Pixar mettent en scène de nombreux courts métrages. Ces histoires sans dialogue à la bande-son jazzy chère à Woody Allen sont des petites merveilles d'animation.


SOURCES

Les productions Pixar des années 80 impressionnent la planète. La compagnie reçoit de nombreux prix. Et si l'Oscar du meilleur court animé échappe à Luxo Jr. en 1986 - lequel offrira son "héros" au logo de Pixar - il reviendra à Tin Toy deux ans plus tard. Ces différentes prouesses leur permettent de décrocher des contrats publicitaires. Ce sera dans un premier temps leur unique source de revenus. Signant jusqu'à quinze spots en 1991, la firme s'impose dans le domaine de la 3D et acquiert une maîtrise incomparable de leur art. L’équipe passe alors à la vitesse supérieure. Produit en cinq ans, Toy Story sort fin 1995 et devient ainsi le premier long métrage entièrement réalisé sur ordinateur. Deux ans seulement après la formidable avancée qu’avait représenté les dinosaures du Jurassic Park de Steven Spielberg, Pixar bouleverse l’histoire de l’animation. Au même moment, la firme ouvre son capital au public, est distingué par plusieurs statuettes et obtient un Oscar d'honneur. Pixar cesse en 1996 de réaliser des publicités pour se consacrer pleinement à la fabrication de longs métrages. Avec le court Le Jeu de Geri, le studio anime des êtres humains de façon réaliste et prouve sa suprématie technique.


ANIMAUX

En 1998 sort en salles le deuxième long de la firme, 1001 Pattes. Le film impose de nouveaux standards, introduit la profondeur de champ et s'offre un format en 2.35 pour représenter la nature d'une façon épique et inédite. Pixar triomphe de son concurrent direct, PDI/DreamWorks, qui a l'outrecuidance de produire un autre film au thème "insectoïde", Fourmiz. PDI est accusé de plagiat, mais l'affaire se règle à l'amiable. L’année suivante, Toy Story 2 offre un succès spectaculaire à la compagnie de Lasseter, et empoche près de 500 millions de dollars à travers le monde. 2001: PDI et Pixar sont au coude à coude. Si leurs oeuvres respectives ont pour héros des monstres, les histoires n’ont rien en commun. Shrek cumule plus de recettes sur le sol américain que Monstres et Cie. Bien plus innovant que son rival, le film de Pixar demeure toutefois vainqueur à l'international. En 2003, Le Monde de Nemo obtient le plus gros succès de l'été américain. Il établit un record historique dans l’animation et bat le favori du box-office, Matrix Reloaded, à plates coutures. Les images époustouflantes de Nemo marquent une étape décisive dans l'évolution de la 3D. Les Indestructibles ouvrent en 2004 une nouvelle ère dans l’animation, gommant la frontière entre live action et film d’animation. De son côté, Cars renoue avec une tradition plus classique; l’anthropomorphisme échevelé (les monstres mécaniques remplacent les animaux), un monde transposé, débarrassé de ses humains. Alors qu’est déjà prévu pour 2007 Ratatouille, le second film de Brad Bird, qui remplace au pied levé Jan Pinkava: l’histoire d’un rat gastronome ayant élu domicile dans les cuisines d’un grand restaurant français..


Nicolas Plaire