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The Incredibles
Etats-Unis, 2004
De Brad Bird
Scénario : Brad Bird
Avec les voix de : Craig T. Nelson, Holly Hunter, Samuel L. Jackson, Spencer Fox, Sarah Vowell, Jason Lee, John Ratzenberger, Brad Bird
Musique : Michael Giacchino
Durée : 1h55
Sortie : 24/11/2003
Super-héros à la retraite, Bob et Hélène Parr (ex-Mr. Indestructible et ex-Elastigirl) mènent une vie insipide et presque ordinaire avec leurs trois enfants, Violette, Flèche et Jack-Jack. Convié sur une île pour une mission secrète, Bob saisit l'occasion pour enfiler de nouveau sa combinaison en latex.
UN AIR DE FAMILLE
Mariés, trois enfants, pavillon excentré, inertie et neurasthénie. L'American Way of Life de Brad Bird n'a rien à envier aux romans-photos pastel, dépressifs et policés. Et pourtant. Insolent dans ses moindres déraillements, échevelé, passionné, le dernier champion des studios Pixar engloutit (une nouvelle fois) toute concurrence et la renvoie (encore) à ses laborieuses études. La maturité, l'intelligence, la subtile balance entre les déferlements d'humour et les prouesses abracadabrantes: plus adulte et plus extravagant que ses prédecesseurs, Les Indestructibles et son ingénieux pilote brassent en moins d'un quart d'heure tous les superlatifs. Impossible de lutter, impossible de passer sous silence une telle régularité dans l'excellence. Le Monde de Nemo semblait un Olympe inébranlable, Les Indestructibles se presse à ses côtés et gravit l'échelon manquant, celui des humains. Les jouets, les fourmis, les monstres et les poissons parlaient sans détour de la famille, réajustée ou écartelée. Le second long métrage de Brad Bird, transfuge bienheureux du département animation de la Fox, s'empare elle d'un vrai ménage, sans pièces rapportées ni psychologie hâtive. Les travaux pratiques frisent le prodige, Bird porte à bras le corps un vaisseau turbulent. Les personnages et leur chapelet de névroses ont beau reposer sur une trame séculaire et une maîtrise flamboyante, Les Indestructibles n'a pas à rougir de ses excès.
QUAND JE SERAI GRAND...
L'équation est simple, l'impulsion enfantine. Mais Brad Bird croque avec hardiesse et sensibilité les travers de la vie quotidienne, épingle les medias, exhume super-héros, gravures rétro, bonhomie seventies, dans un étourdissant manège de clins d'oeil gourmands et d'influences carillonnantes. Le métissage brocarde aussi bien la mythologie James Bond, Le Surfer d'argent, Les Quatre Fantastiques, X-Men, Godzilla - et la liste ébouriffante est loin d'être exhaustive -, mais ce bonheur de la citation n'entrave jamais l'intrigue. L'amusante ressemblance physique entre Syndrome et Brad Bird jette un parallèle piquant. Garnement buté, fan idôlatre de M. Indestructible, le rouquin pernicieux ressuscite une aire de jeux nostalgique, à la mesure de son amour (et de sa haine) pour les sauveurs anonymes en collants. L'inspiration de Bird est motivée par la même impatience: les gimmicks, les punchlines, ces fameux monologues assumés clament son attachement sincère pour la série B, à laquelle s'ajoutent des digressions émouvantes sur la vie de couple et l'enfer de la différence. Là où d'autres patinent dans un entonnoir de soupe aux simagrées (l'horripilant Gangs de requins), Les Indestructibles prend le temps de s'échapper. Bob et Lucius tergiversent sur leurs dangereuses missions bénévoles, Helen s'est résignée à une pieuse destinée de mère prodigue. Mais le doute s'insinue; parachuté dans la jungle, un bedonnant colosse masqué dévale les précipices et cavale après une jeunesse perdue.
LA VIE COMME ELLE VIENT
Brad Bird célèbre les enfantillages jusqu'à l'absurde et au fétichisme, mais ce plaisir du travestissement et ces dilemmes identitaires propres à l'univers des super-héros, n'esquivent aucune noirceur. Aucun Parr n'est indestructible et l'innocence des enfants n'est jamais bêtifiée. Fins tacticiens, jamais dupes de leur condition, les jouets rivalisaient avec les hommes dans Toy Story. Ouvertement régressif, Les Indestructibles revient vers l'âge tendre pour mieux apprécier les lâchetés et les petitesses de la vie d'adulte. La satire de la bureaucratie, cette pesante anormalité qui paralyse Flèche et Violette, l'égoïsme et la culpabilité des parents: un lieu commun ailleurs qui prend ici une dimension salvatrice. Peu de films d'animation (à l'exception de la parenthèse enchantée Ghibli et Pixar, chefs de file incontestés) réconcilient les publics, les genres et les registres avec autant de finesse et de pertinence. Bird ne touille pas dans un pot-pourri de raccourcis paresseux, il les précède ou les réinvente, fait sienne une histoire d'une banalité presque embarrassante. Mais à la vision du métrage, la réussite est saisissante et totale. Les mentons proéminents et les mollets filiformes, les contorsions et les métamorphoses fascinantes ne détournent pas de l'essentiel. Les Indestructibles a durement gagné ses galons de meilleure comédie familiale, meilleur film d'action, meilleur ambassadeur de super-héros de ces dernières années. Incroyable? Mais vrai.
Danielle Chou
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Brad Bird connexion
Mai 2000. Dans un communiqué de presse dithyrambique, Pixar annonce l’arrivée au sein de l’équipe d’un nouveau trublion, Brad Bird. Réalisateur virtuose du magique Géant de fer, injustement boudé à sa sortie, Bird n’est pas un inconnu de la maison. Ancien camarade de formation de John Lasseter, rencontré sur les bancs de Disney, le cinéaste partage avec le vice-président de Pixar un même enthousiasme et un même souci du détail et des finitions. Produit par la Warner, mis en scène avec une poésie et une inventivité enchanteresses, Le Géant de fer conte l’amitié improbable entre un enfant et un robot amnésique, tourmenté par des réflexes assassins. L’animation est irréprochable, l’humour au diapason, les dessins inspirés des travaux de Norman Rockwell. Brad Bird se moque malicieusement de l’Amérique paranoïaque des années cinquante. A l’origine du film: Pete Townsend, guitariste des Who et Des McAnuff, réalisateur de Tommy version Broadway. Les deux hommes contactent la Warner et tentent de convaincre les producteurs de monter une comédie musicale adaptée d’un roman pour enfants (The Iron Man), du poète anglais Ted Hugues. Le projet n’aboutit pas.
Entre-temps, Brad Bird s’est distingué dans la réalisation - Les Simpsons et The Family Dog, satire tirée d’une production télévisuelle de Steven Spielberg, Histoires fantastiques (1986). Le métier d’animateur, Bird l’affectionne depuis sa plus tendre enfance. A quatorze ans, il appose la touche finale à son tout premier film d’animation. L’adolescent suit une formation à la prestigieuse Cal Arts Institute de Disney. Le légendaire Milt Kahl, animateur pionnier (Pinocchio, Bambi, La Belle au bois dormant…), devient son mentor. Peu à l’aise avec les formules toutes faites et la pression de ses aînés, Brad Bird décide de voler de ses propres ailes. Un détour formateur par la Fox complète ses études. Hasard ou coïncidence, il se voit confier un projet d’envergure, Le Géant de fer. Ni chanson, ni romance, ni sidekick comique. Le film affiche une étonnante sérénité. Entre un mollasson Excalibur, l’épée magique et un falot Space Jam, la nouvelle production animée de la Warner intrigue. L’ambition de Brad Bird: garder le meilleur du savoir-faire disneyen sans jamais renier sa personnalité. Emouvoir, concilier les genres, sans négliger l’histoire (ni abuser de la chansonnette).
Danielle Chou
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