Les Frères Sisters
De Audiard Jacques
Éditeur : UGC Vidéo
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 1h56
Sortie : 23/01/2019
Charlie et Eli Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d’innocents… Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer. C’est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Eli, lui, ne rêve que d’une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?
Regarde les frères tomber
Ce n’est sans doute pas une coïncidence si de nombreux réalisateurs français primés dans les différents festivals – Michel Hazanavicius, Laurent Cantet, et donc Jacques Audiard – passent par la case américaine après leur succès. Mais dans le cas de Jacques Audiard, cela répond à une certaine logique. Le réalisateur d’Un Prophète a remaké «Fingers» de James Toback, avec De battre, mon cœur s’est arrêté et a porté au cinéma les nouvelles du romancier canadien Craig Davidson pour De rouille et d’or. Bref, les influences de son cinéma trempaient déjà dans le bain de la culture américaine et l’imagerie virile d’un certain cinéma des années 70.
On pouvait craindre qu’il enfonce le clou de la dernière partie de Dheepan en mettant en scène son premier western, qu’il reproduise les tics du cinéma de Sam Peckinpah, sans atteindre son nihilisme. Il n’en ait rien. Adaptation du roman de Patrick DeWitt, Les Frères Sisters surprend par sa douceur et son originalité. Ballade du Nord au Sud sur la cote ouest rythmée par les cuites et les coups de fusil, le récit tient de la tradition du Road Movie en terre hostile, où le voyage est plus important que la quête (ici retrouver un chimiste). Chaque étape permet aux héros d’approfondir leur relation – amicale ou fraternelle - et aux spectateurs de comprendre ce qui se cachent derrière les regards fatigués de Charlie (Joaquin Phoenix) et Elie (John C. Reilly), magnifiques personnages, peut-être les beaux et les plus tendres filmés par Jacques Audiard. Le cinéaste met en scène cette quête de l’or et du pouvoir qui gangrène le cœur des hommes et les oblige à une fuite éperdue, sans espoir de retour à moins de devenir le mâle alpha à son tour, à la place du père ou du Commodore. Bientôt riches comme Crésus, John Morris (Jake Gyllenhaal) et Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed) imaginent eux un phalanstère, une communauté où les Hommes vivraient en harmonie. Elie, lui, ne rêve que d’une chose : retrouver l’institutrice qui lui a remis une étole rouge qu’il embrasse tendrement tous les soirs. Sublime formellement – la photographie de Benoit Debie y est pour beaucoup -, riche sur le plan thématique, Les Frères Sisters est le meilleur film de son auteur.
Bonus
Making of : « His Own Private Wild West » (60’)