Vie est un roman (La)

Vie est un roman (La)
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Dans un château, trois histoires entrelacées se déroulent à des époques différentes; un comte mégalomane pratique des expériences sur ses amis volontaires, des enfants construisent un monde médiéval imaginaire, enfin, un colloque consacré à "l’éducation de l’imagination" réunit des enseignants. La quête est identique: la recherche du bonheur et de l’amour.

On prête à Napoléon la phrase qui sert de titre au film puzzle d’Alain Resnais. Avec Jean Gruault, scénariste de son précédent film, Mon Oncle d’Amérique (1980), le réalisateur a rassemblé quelques obsessions pour bâtir le(s) monde(s) de La Vie est un roman. Trois époques sont présentes dans un même lieu, traitées avec une qualité de pellicule différente pour bien en démarquer l’ambiance. Comme constantes, le thème du bonheur et des personnages égarés, comme le disait Bruno Nuytten (directeur de la photographie).

- L’histoire se déroulant au début du vingtième siècle: Resnais étant attiré par l’architecture anglaise fin dix-huitème, début dix-neuvième, Gruault s’est souvenu de William Beckford, un aristocrate ayant fait construire un château extravagant, où il organisait vraisemblablement des parties fines avec ses amis. Dans le film, Beckford, devenu Forbek, a bâti un château tape-à-l’œil dans lequel il a l’utopie de vouloir faire régner le bonheur. Les invités doivent boire un philtre d’oubli pour réapprendre toutes les sensations et les rapports humains, sous la férule de Forbek (Ruggero Raimondi). Mais Livia (Fanny Ardant), la femme qu’il aime, fait semblant de boire le liquide, pour mieux observer ce qui se trame. L’atmosphère emprunte beaucoup aux bandes dessinées, comme plus tard, I Want to go Home (1989). C’est aussi un hommage à la littérature policière du style Harry Dickson (Jean Ray), qu’ affectionnait Resnais et qu’il aurait bien aimé adapter au cinéma avec Dirk Bogarde dans le rôle-titre.

-L’histoire se déroulant en 1982: un colloque d’enseignants a lieu dans la partie conservée du château de Forbek. C’est sûrement la partie la plus déroutante du long-métrage, Resnais ayant déclaré vouloir faire coexister la voix parlée et la voix chantée, afin de gagner du point de vue émotionnel. Dans cette partie, davantage que dans les autres, les protagonistes se mettent parfois à pousser la chansonnette. Le résultat n’est pas très convaincant, ni très agréable à entendre, d’autant plus que les acteurs sont doublés par des chanteurs, comme dans certains films de Jacques Demy. L'impression reste qu’une voix différente est plaquée sur un visage connu dont on connaît la vraie voix. Cet emploi par Alain Resnais de l’irruption du chant préfigure On connaît la chanson (1997), qui sera plus réussi en ce domaine, les chansons étant alors des références évocatrices pour un large public nostalgique. Plus intéressant est de voir vivre cet aréopage de grands acteurs, comme Vittorio Gassman n’ayant pas trop de mal à paraître séducteur, ou Pierre Arditi et Sabine Azéma, qui deviendront des fidèles du metteur en scène. Et d’assister à un marivaudage orchestré par Géraldine Chaplin et Martine Kelly (au charme piquant), qui font un pari sentimental, la première ayant pour dessein d’éviter que l’homme qu’elle aime ne soit trop tenté par une jeune femme, qu’elle va alors chercher à jeter dans les bras d’un autre homme!

-L’histoire légendaire: les enfants, en vacances pendant que se déroule le colloque, imaginent un monde comprenant un preux chevalier ressemblant au prince Vaillant, une belle en détresse, un dragon faisant la pige à Kermit la grenouille, ainsi que des nains aux chapeaux ornés d’un ressort. Ce qui marque surtout, c’est l’emploi devant la caméra des Glass-Paintings (plaques de verre peintes), représentant une végétation bizarroïde, réalisées par Enki Bilal, pour que la féerie soit intense. En fait, le dessinateur intervenait après le décorateur Jacques Saulnier, pour ajouter des éléments surnaturels de son style inimitable, sur les décors servant dans les autres parties du long-métrage. On doit aussi à Bilal l’étonnante affiche du film, sur laquelle il arrive à reproduire les visages des acteurs avec un réalisme réellement fabuleux. La grosse faute de goût en vérité n’est pas le décor volontairement surchargé, mais l’usage du chant, notamment celui de la mère expirante du héros qui n’est pas des plus… mélodieux.

par Yannick Vély

En savoir plus

Interactivité :

-Sur le DVD, on trouve un documentaire de Guy Seligmann de vingt-neuf minutes, intitulé Resnais est un roman. Le réalisateur de La Vie est un roman apparaît comme un homme ouvert d’esprit et aux propositions de tous ses collaborateurs. On apprend qu’il délivre à ses comédiens des biographies sur les personnages qu’ils doivent incarner.

-Une courte interview audio du réalisateur, pour qui le tournage est un moment de repos (et de reprise de poids), comparé à la phase douloureuse de l’écriture.

-Un extrait d’interview de Sabine Azéma qui raconte le début de son amitié avec Pierre Arditi.

-De plus longs entretiens chapitrés de: Jean Gruault (scénariste) qui nous parle, entre autres, des références du film; Sylvette Baudrot (scripte), dont la particularité est de garder tous les documents concernant les films sur lesquels elle a travaillé. Elle nous apprend aussi une partie du travail de scripte, consistant à prendre des photos sur le tournage, afin de permettre les raccords. Vous saurez enfin qui il faut blâmer en cas de faux raccord dans un film!; Jacques Saulnier (décorateur), qui nous apprend que Resnais voulait que les décors soient le plus laids et composites possible, une véritable pâtisserie.

-Complètent le tableau le sous-titrage amovible du film en anglais, et cinq bandes-annonces des films de la collection Alain Resnais.

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