Titanic
1996. Rose se souvient. Elle avait 17 ans et embarquait sur le Titanic…
"LE PLUS BEAU MELODRAME DU MONDE"
Revoir Titanic presque huit ans après, loin des polémiques et des idées préconçues, c’est d’abord être frappé par l’incroyable simplicité, l’incroyable pureté du film. Loin des modes, James Cameron est allé pondre un authentique mélodrame dans sa forme la plus classique et la plus éloquente. Ce qui frappe, c’est la totale absence de cynisme qui parcourt le film, mais aussi sa lucidité vis-à-vis de son parti pris. Titanic est un pur film de croyance dans le cinéma; il ne pouvait de toute façon pas en être autrement: comment aborder un sujet aussi clairement éculé, aussi cliché et attendu, si ce n’est en y croyant soi-même de tout son être. C’est tout le pari du chef-d’œuvre de James Cameron: joindre intimement le spectaculaire et le secret. Certes, Titanic est parfois légèrement grossier dans certains de ses dialogues et de ses caractérisations, mais, malgré tout, n’ayons pas peur des lieux communs: l’histoire d’amour entre Rose et Jack, et la manière dont Cameron nous la montre, est d’une grâce, d’une beauté et d’une sensibilité effarantes. Et autour de ce canevas simple traité avec humilité (sans second degré, sans ironie, sans distanciation), Cameron brode un Titanic aux plusieurs niveaux de lecture: exploration presque caricaturale des thèmes qui l’obsèdent; leçon de mise en scène et d’intelligence; et surtout film incroyablement sensitif.
DIEU EN PERSONNE...
Titanic, c’est avant tout le film cameronien par excellence. Si le cinéaste quitte de manière assez abrupte son univers de prédilection à base de robots et d’extraterrestres, c’est pour mieux en explorer l’essence. Car tous les films de Cameron parlent de la même chose: l’homme face à son ambition démesurée d’apprenti-sorcier, l’homme face à la machine et l’usage qu’il choisit d’en faire, et l’homme face à sa condition sociale et les moyens de s’en libérer. Titanic est, thématiquement, l’équivalent de Terminator 2 ou d'Abyss. La confiance aveugle en la technologie, que ce soit celle de 1912 ou de 2029, ne peut que mener l’homme à sa perte: le Titanic est insubmersible, qu’y a-t-il donc à craindre? Au milieu de cette société arrogante qui, sans le savoir, vit ses dernières heures, voici Rose, étouffée par sa condition sociale, et qui va trouver en Jack un catalyseur, un révélateur qui va lui permettre de naître à elle-même, exactement comme Kyle le faisait pour Sarah Connor. Telle la fleur qui lui donne son nom, Rose va éclore. Toute l’œuvre de Cameron est dans Titanic. La sensibilité et la force avec laquelle il met en scène la naissance à soi de Kate Winslet rend toute la deuxième partie du film inoubliable.
TROIS DIMENSIONS
Titanic n’est pas un film roublard, ni même un film particulièrement malin. Au contraire, ce qui frappe serait plutôt la simplicité de l’ensemble. Dans sa réalisation, Cameron pousse à bout ce qu’on pourrait appeler la mise en scène "invisible". Contrairement à un Spielberg ou un Zemeckis, Cameron a presque toujours refusé le plan impossible ou les partis pris de mise en scène trop voyants. A aucun moment il ne laisse la caméra faire savoir qu’elle est là. Ce choix s’insère dans la démarche premier degré de Cameron: tout est spectaculaire, tout est beau à voir, mais rien n’est là pour être vu, comme l’écrivait Le Monde à la sortie du film. Mais qui dit simple ne dit pas con, et tout est résumé dans l’idée géniale de montrer le naufrage dès les premières bobines du film; certes pas dans sa version "réelle" avec force effets, mais justement sous la forme d’une prévisualisation en 3D sommaire que montre Bodine tandis qu’il explique brièvement les raisons de la catastrophe. Tout de suite, Cameron assume le fait qu’il nous donne à voir un film à effets spéciaux. Et en accentuant volontairement le côté cru et désincarné de cette première vision du naufrage (clou du film!) Cameron le désamorce. Vous vouliez le naufrage? Eh bien le voilà. Tout le reste du métrage sera désormais consacré à redonner vie, à redonner chair, et donc à redonner un sens à ce qui n’est dans l’esprit des gens qu’une statistique.
LA VERITE SANS LOGIQUE
Car c’est de chair qu’il est question dans Titanic, comme toujours chez Cameron. Titanic, tout au long de ses 3h14, s’avère un film hollywoodien incroyablement sensitif. Comme l’écrivait Alexandre Tylski dans son remarquable essai Le corps dans Titanic, le film est entièrement parcouru de liens cachés, sensibles, entre des figures, des motifs, même des textures. C’est l’aspect sans doute le moins visible au premier abord, mais c’est bien lui qui confère au film sa force tactile et émotive. Dans Titanic, le passé devient présent, le mort devient vivant lorsque Rose naît à elle-même (et inversement), l’avancée dans le temps se fait en descendant dans les profondeurs; l’eau qui tue est aussi celle qui va donner vie au portrait de Rose ou aux tableaux de Monet qu’elle possède et qui semblent s’animer lorsque la mer les engloutit. Tout n’est finalement que correspondances. C’est dans ces moments-là, lorsque de simples idées visuelles se répondent discrètement ou que Cameron choisit de nous surprendre en tissant un lien subtil et inattendu, que le tintamarre du film-catastrophe attendu cède la place à un murmure. Et Rose peut alors s’endormir et retrouver, dans un autre monde, Jack, l’homme qui lui a fait devenir elle-même. Oui, Titanic est le plus beau film d’amour du monde.
En savoir plus
Interactivité :
Ça y est. Elle est là, la fameuse édition ultime de ce film que certains qualifient de plus grand chef-d’œuvre de l’histoire du cinéma. Il aura fallu l’attendre presque huit années, le temps que le DVD connaisse l’essor qu’on lui connaît, pour que le film de James Cameron puisse enfin exister dans une édition digne de ce nom.
IMAGE & SON
Que dire si ce n’est que le souffle épique du film obtient ici une seconde naissance ? Entre une image des plus propres et des couleurs scintillantes au possible, aucun défaut ne vient entacher le transfert numérique. Même les noirs profonds, qui parsèment l’intégralité du film, ont été traités avec la justesse qu’ils méritaient. Un véritable travail d’orfèvre qui pourrait, à l’usure, avoir raison des indécrottables fans refusant de re-savourer le film autre part que sur grand écran.
Encore une fois, l’éditeur n’y est pas allé de main morte sur la qualité sonore du film. Pour rendre hommage aux images percutantes, le choix sonore se décline donc sous 3 formes possibles : VO 5.1, VF 5.1 et VF DTS 6.1. Du travail de pro. Mais plutôt que de juger sur la quantité de pistes proposées, il faut aussi savourer la qualité intrinsèque de ce DVD. Fortes dynamiques, superbe présence des graves, détails percutants… Chacune des images sait se composer au fil des éléments visibles et des ambiances nécessaires, pour faire revivre à l’exact cette sensation que nous avons tous ressenti il y a maintenant 7 ans, par un beau mois de Janvier.
BONUS
Le film étant séparé sur 2 DVD, les commentaires audio suivent forcément le même principe. Déclinés en trois versions, ils éclairent au mieux le spectateur friand de ce genre d’exercice. Le commentaire de James Cameron s’avère être des plus passionnants. Le réalisateur y analyse, explique, dissèque chaque détail de son film. De la genèse aux derniers effets de montage et d’étalonnage, tout est détaillé de manière on ne peut plus convaincue et concernée. Cameron prend même le temps de s’attarder de temps à autre sur ce que le film a impliqué dans sa vie personnelle et professionnelle. Rien que pour ces détails que l’on vous laissera découvrir de par vous-mêmes, ce commentaire peut fortement prétendre à siéger très haut sur le podium des analyses audio les plus passionnées et percutantes de l’histoire du DVD. Un peu à l’image du film, finalement.
Forcément, après avoir écouté le réalisateur, les deux pistes audio restantes paraissent un peu redondantes. Les commentaires des acteurs et techniciens souffrent de leur montage et de leur absence de spontanéité : phrases hachées, répliques qui débarquent trop rapidement, mélange des postes et redite avec la version passionnante de Cameron… Dommage.
Le commentaire historique, enfin, s’efforce tant bien que mal de s’en tenir aux faits réels retranscrits par Cameron, sans jamais parler des techniques et procédés de cinéma. Une version plus simple et plus fraîche que le commentaire précédent, mais qui ne passionnera que les plus pointilleux des spectateurs. On peut cependant reconnaître que cette vision « historique » ne s’avère jamais ennuyeuse. Ce qui n’est déjà pas si mal.
Toujours sur les deux disques du film se trouvent une soixantaine de modules explicatifs. Ce mode suppléments se présente sous deux versions, en lecture complète et d’une traite ou en lecture parallèle avec le film. En effet, durant la vision du film, un petit indice lumineux apparaît lors des moments clés et renvoie à ces petites capsules. D’une durée approximative d’une minute chacune, celles-ci ont valeur de mini-making of des scènes concernées, se chargeant de passer en revue des détails techniques tels que les maquettes, les astuces visuelles et même les costumes des comédiens. Un supplément sympathique qui prend plus de sens visionné d’une traite, qu’en se l’infligeant au fil du film.
Sur la seconde galette du coffret, on trouve aussi une fin alternative. Avec l’option des commentaires de James Cameron, on pourra comprendre pourquoi cette fin a finalement disparu du montage final. Quoi qu’il en soit, cette petite dizaine de minutes apporte certes un peu plus sur la future romance entre les personnages de Bill Paxton et de Suzy Amis, mais enlève clairement du charme à l’action finale de la vieille Rose.
Le dernier supplément de ce deuxième disque est le clip vidéo de Céline Dion sur le désormais célèbre My Heart Will Go On. Bonne nouvelle: chacun est libre de choisir ou non de visionner ce supplément.
Sur le troisième disque, la section Bonus se découpe en deux parties. La première concerne les Parodies du film. Une version « améliorée » de la fin du film par l’équipe du Saturday Night Live est ainsi visible. La participation de Bill Paxton et de Cameron lui-même, rajoute évidemment à la réussite du sketch, qui réussit le pari de faire rire avec peu de moyen. Du grand art. La seconde parodie est en fait l’une de ces interviews improbables entre le réalisateur et le duo Ben Stiller/Vince Vaughn, où chacun campe un producteur désirant voir une suite au film. Une version aussi réussie que celle que l’on a pu voir dans les bonus cachés du Retour du roi de Peter Jackson. On trouve enfin Titanic raconté par des petits lapins, qui résume le film à un spot hystérique de 30 secondes, sous forme d’animation en Flash. Peut-être la parodie la plus dispensable. Les crédits du DVD referment cette section.
Sur le troisième disque, on trouve 29 Scènes inédites d’une durée approximative de 44 minutes. Si certaines d’entre elles avaient déjà été aperçues dans les nombreux documentaires télé ayant suivi le succès du film, elles n’avaient jamais été montrées dans une qualité aussi optimale (image remasterisée et mixée 5.1) et dans leur intégralité. Agrémentées des commentaires optionnels de James Cameron, justifiant leur exclusion du montage final, ces scènes inédites nous proposent donc de passer un peu plus de temps avec tous les héros du film. Et même si certaines étaient effectivement dispensables, d’autres possèdent réservent leur lot d’émotion. Ainsi du sort funeste réservé à une enfant, de la marche de la honte de Imsay, ou bien encore du choix d’Ida Strauss et de l’appel au retour des canots de sauvetage du capitaine. À noter également que plusieurs scènes mettent en scène le désormais célèbre Ioan Gruffudd (Le Roi Arthur, Les 4 fantastiques), qui retrouve ici un peu plus de place dans le rôle de l’officier Harold Lowe. Parmi ces 29 séquences, il en est une qui retient encore plus l’attention. La vignette intitulée Bagarre entre Jack et Lovejoy est sans doute la scène amputée la plus chère et la plus complexe à tourner du film, où l’on découvre que le personnage de Cal a laissé les pleins pouvoirs à Lovejoy afin de récupérer le diamant, et que celui-ci va employer les grands moyens pour parvenir à ses fins. Alors que le bateau coule et que la panique à bord est déjà bien instaurée, il apparaît clairement que cette scène coupait le rythme du film et sabotait aussi l’intrigue secondaire désormais en place. Mais cette scène vaut malgré tout le détour car, encore une fois, elle montre parfaitement, s’il en était besoin, la maestria visuelle de Cameron.
Le quatrième disque se découpe en trois parties. La première de ces parties concerne le Marketing et se décline en six sous-parties. Pour ouvrir le bal de ces nouveaux bonus, un documentaire télé intitulé HBO First look : the heart of the ocean. Sorte de mélange de making of promotionnel et de featurette rallongée, la featurette entrecoupe des images de productions par des commentaires de plusieurs intervenants du film. Sans être passionnant et captivant, ce petit supplément (27’) se laisse tout de même regarder d’une traite sans jamais devenir ennuyeux. Mais il ne s’agit pas non plus du making-of infaillible que l’on était en droit d’attendre.
Puis c’est au tour d’un autre documentaire intitulé Fox special : Breaking new ground de pointer le bout de son nez. Pendant 42 minutes, ce reportage se concentre uniquement sur le réalisme, l’authenticité narrative du film. Narré par le comédien Peter Coyote, ce module comporte des témoignages d’historiens et de survivants de la catastrophe pour appuyer la vision de Cameron. On y apprend ainsi comment, dans un souci du détail qui lui est propre, le réalisateur a été jusqu'à choisir des comédiens par rapport à leur ressemblance physique avec certaines figures connues de l’époque. Le documentaire s’attarde aussi, en compagnie du réalisateur, sur le fait que le bateau devait être traité comme un personnage à part entière du film, qu’il ne fallait en aucun cas négliger. Enquêtes, témoignages et autres analyses remplissent donc cette partie fort passionnante et même presque trop courte.
On se permettra de faire l’impasse sur les Mini documentaires presse, ces 7 spots d’une durée totale de 18 minutes ne faisant que reprendre ce qui a déjà été dit auparavant – et en moins bien puisque plus court.
Les Bandes annonces cinéma méritent en revanche que l’on s’attarde. Entre une première version utilisant la musique de Enya (Horner n’ayant probablement pas fini de composer le fameux score du film) et l’évolution des autres bandes promo où les thèmes différents sont mis en avant (aventure, romance, action), il apparaît que même sur ces montages, un point d’honneur fut mis sur la promotion, afin d’impressionner au maximum le spectateur, sans pour autant trop dévoiler les ressorts dramatiques. La pré-bande-annonce inédite, projet de teaser à priori jamais filmé, mais monté et mis en musique ici à partir des planches de story-board, réserve aussi son lot d’enseignements… dont on vous laisse le plaisir de la découverte !
Viennent ensuite les Spots Tv, habitués des éditions Collector, et qui ne sont finalement que des versions courtes des bandes-annonces.
La section Affichage, permet de découvrir plus d’une soixantaine de clichés promotionnels du film, des premières affiches teaser portant la mention « Eté 1997 », aux toutes dernières présentant les héros du film à la proue du navire, agrémentées des logos oscars et récompenses diverses amassées par le film.
Le segment Bonus, découpé en 7 sous parties, se propose, au travers d’un documentaire de 52 minutes signé Ed March, de continuer de fouiller, en compagnie du réalisateur et des techniciens du film, parmi les mystères et autres anecdotes concernant le film, sa préparation et son tournage. Si certains segments parviennent encore à révéler les derniers secrets de fabrications, beaucoup font aussi dans la redite. Ainsi, la partie Visite guidée du Titanic, simple visite des décors du film sans aucune interaction de quelque protagoniste que ce soit, ne recèle réellement que peu d’intérêt. Reste que d’autres séquences apparaissent toutefois beaucoup plus réjouissantes, à l’image de la sous-partie intitulée L’équipage du Titanic. On y découvre des techniciens ou des acteurs faisant les pitres, des moments « off » du plateau où des conseillers techniques singent certains gimmicks des têtes pensantes du film, mais aussi un énorme trombinoscope des gens de tous bords ayant participé à l’élaboration du film, le tout monté sur la musique des Talking Heads Once in a lifetime. Il y en a donc pour tout le monde.
Pour finir en grande pompe, lorsque l’on retourne au menu principal de ce disque, on trouvera une Galerie de photos. Pour faire le tour complet des ces clichés et se concentrer un minimum sur ces photogrammes, il vous faudra un certains temps puisque le nombre de pages à visiter se chiffre en millier. A commencer par l’intégralité du Script du film (en anglais). Pour tous les courageux désirant connaître le style écrit de Cameron, ce bonus fera clairement l’affaire. On trouvera également le Storyboard (sûrement intégral vu le nombre de pages à cliquer) ainsi que les Graphismes de pré-production servant à l’anticipation et à la préparation du film. Plus classiquement, les Photographies s’attardent autant sur le tournage, les photos inédites, les plans volés ou les photos de figurants servants pour les costumières. Enfin l’on peut accéder aux Archives de Ken Marschall, un artiste ayant dessiné et peint de nombreux dessins du Titanic et dont Cameron s’est amplement inspiré pour son film. La cerise sur le gâteau se trouve dans la section Dans l’ordre, qui permet au spectateur de se remémorer l’ampleur du phénomène Titanic, devant un tableau international du box-office du film (numéro un partout dans le monde) et des nombreuses récompenses récoltées. Une Bibliographie de l’histoire du paquebot, de sa tragédie et du film referme ce disque et l’ensemble des bonus de cette édition prestige du chef-d’œuvre de James Cameron.
Christophe Chenallet