Se7en
La première fois que nous avons entendu parlé de SE7EN, c'était en hiver de l'année 1995. Le magazine Première avait fait un article sur les résultats au Box Office des films de la saison automnale aux USA. SE7EN était un des deux seuls films à avoir survécu cette saison, et éventuellement fit un score de 100 millions de dollars sur le territoire américain seul. Le réalisateur était David Fincher, dont personne n'avait entendu parler, si ce n'est un groupe restreint de gens qui savaient qu'il était un réalisateur de pubs et de clips assez réputé, et aussi qu'il était le réalisateur du troisième volet de la saga Alien. Mis à part la probable attraction générée par les deux acteurs principaux, Brad Pitt et Morgan Freeman, le succès de ce film était loin d'être une garantie, ce qui fait de SE7EN un des films les plus ingénieux des années 90
En 1991, Le Silence des Agneaux, de Jonathan Demme, sortit et fut considéré comme l'ultime thriller : la psychologie des personnages, leurs interprètes, en particulier Anthony Hopkins qui reste gravé dans les mémoires, et l'atmosphère envoûtante du film sont tous des faits concrets justifiant le succès, l'estime et les nombreuses récompenses obtenues par le film, dont les Oscars pour meilleur scénario adapté d'un autre média, meilleur acteur, meilleure actrice, meilleur réalisateur et meilleur film. Tenter de rivaliser avec ça semblait impossible. C'est pourquoi Andrew Kevin Walker, auteur de SE7EN, choisit de ne pas concurrencer la complexité du travail de Thomas Harris (auteur du livre relatant les aventures d'Hannibal Lecter), mais de réduire la psychologie des personnages à celle d'un buddy-movie (le genre "duo" qui comprend des films comme l'Arme Fatale, 48 heures, etc.) marquant le duo central avec le très simple, déjà vu des centaines de fois, éternel conflit des générations. Le vieux sage noir versus le jeune flic blanc, ambitieux et impulsif. En faisant ça, Walker recentre le film sur les meurtres eux-mêmes au lieu de ces personnages, et sur ce que ces crimes représentent dans notre société, dans notre monde. Les crimes sont le jugement d'un homme, ces crimes sont la représentation de cet homme, cet homme EST le film lui-même.
SE7EN fut réellement le film qui lança tout le genre serial-killer, accouchant d'une bande d'ersatz désespérés de série B, qui n'arrivent pas à la cheville de l'intelligence dégagée par les thèmes du film de Fincher. Comme par exemple la diversité parfaitement exploitée des points de vue proposés dans le film, celui de David Mills, celui de William Sommerset et celui de John Doe ; et on approuve à un certain point chacun des points de vue. C'était l'objectif principal de Fincher, qui fit la même chose avec son dernier film, Fight Club. Cependant, sa plus importante et capitale contribution au film est indéniablement la morbidité de l'ensemble. En collaboration avec son chef opérateur Darius Khondji (que je considère personnellement comme le meilleur chef op actuel), il a conféré à son film une ambiance qui vous met presque mal à l'aise, l'omniprésence des gammes de vert et de brun et toute l'obscurité qui caractérisent cet univers sombre sont tout simplement les choix les plus parfaitement appropriés. L'harmonie dérangeante de tous les éléments techniques et des éléments de mise en scène crée l'esthétique parfaite pour un scénario tordu et malin qui parvient à éviter les clichés, ceux d'un final trop attendu par exemple. Ce visuel fut également pillé par un bon nombre de thrillers qui suivirent.
Un chef d'œuvre. Purement et simplement.
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Interactivité :
Ou l'autopsie minutieuse et exhaustive d'un thriller perfectionniste.
Le deuxième DVD consacré donc aux suppléments commence avec une analyse du générique qui est aujourd'hui gravé dans les annales, avec une étude en multi-angles (storyboard, version intermédiaire, version définitive) et commentée. Ce commentaire est par ailleurs des plus complets, à l'image de tous les autres suppléments.
Scènes coupées et prises intégrales : sept scènes dont la coupure du montage final ne s'avère pas très préjudiciable, mais dont le commentaire audio par le réalisateur lui-même est très explicatif sur la fabrication du film mais aussi sur le métier de réalisateur en lui-même. Plus ou moins comme les trois commentaires audio différents réalisés pour le métrage lui-même, qui vont plus loin que la simplicité anecdotique.
Fins alternatives : l'une (filmée) est très proche de la fin choisie mais le commentaire de Fincher en explique plus clairement les différences et les nuances plus ou moins importantes, et l'autre (storyboardée seulement) s'avère assez intéressante tout comme son commentaire très précis sur le pourquoi du choix.
Galeries photos : pour la première fois dans l'histoire du DVD, les galeries photos sont au-delà du niveau habituel et font même partie des suppléments les plus instructifs sur la fabrication du film. Elles sont divisées en quatre parties :
- les photos de John Doe : la galerie ne bénéficie pas de l'habituelle présentation qui permet à l'utilisateur de faire défiler les photos mais d'un véritable montage accompagné d'un commentaire audio du véritable auteur des photographies (comme toutes les autres galeries photos) et là où l'intérêt est généralement sans extase, ici il se fait ressentir de façon flagrante, car ce commentaire en profondeur témoigne à quel point le travail fut minutieux, la photographe à la demande de Fincher fut chargée de prendre des photos en ayant pénétré l'esprit du tueur, puis de les abîmer, de les maltraiter, alors que sur la grande quantité des photos prises (et visibles dans cette galerie) seul un nombre restreint peut être vu, ou plutôt aperçu, dans le film. C'est une preuve irréfutable du perfectionnisme qui caractérise la préparation et la fabrication du film, un perfectionnisme digne d'un Kubrick.
- Les photos de police : encore une fois un montage de photos accompagné d'un commentaire de leur auteur, qui explique comment il a pris ces photos de façon à ce qu'elles ressemblent véritablement à du travail policier.
- La décomposition de Victor : Fincher commente ce montage représentant la dégradation de la victime de la "paresse" en racontant le casting de l'acteur qui incarne Victor.
- Les photos de plateau : une galerie qui se rapproche déjà plus des habituelles galeries photos mais seulement dans sa composition car sa présentation est identique aux autres galeries (montage photo + commentaire).
Dessins de production : accompagné d'un commentaire audio du dessinateur, ce montage représentant les croquis établis marque l'étape intermédiaire entre l'univers décrit dans le script et les décors fabriqués pour le film, l'ambiance est déjà plus ou moins là.
Matériel promotionnel : une featurette très très conventionnelle, qui vend le film et la bande-annonce excellente en VF ou VOST.
Précisons que TOUS les suppléments sont sous-titrés dans leur INTEGRALITE, et que vu la quantité des suppléments c'est d'un professionnalisme indéniable.