Salo ou les 120 journees de Sodome

Salo ou les 120 journees de Sodome
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Dans un immense château situé dans la République de Salo, quatre fascistes enlèvent une vingtaine d'adolescents pour leurs faire subir les outrages contenus dans le célèbre livre de Sade. Les cent-vingt journées de torture seront réparties en trois cercles (cercle des passions, cercle de la merde, cercle du sang), et rythmées par les contes érotiques racontées par trois historiennes.

Dans un sens, il est presque devenu inutile de revenir sur la réussite artistique d'un film devenu un classique instantané, le dernier chef d'oeuvre d'un cinéaste parvenu à la plénitude de son art, osant poser le pavé ultime à une filmographie déjà magnifique. Impeccablement mis en scène, faisant passer le spectateur de la position de victime effrayée à celle beaucoup plus ambiguë de voyeur, Salo ou les 120 journées de Sodome est de ces films qui marquent une vie, et dont les images perdurent longuement après la vision.

Chef d'oeuvre d'une violence morale rarement atteinte, le film que Pasolini réalisa quelques temps avant de mourir aurait, n'en doutons point, fait couler ces larmes de sang à Sade lui même, ces larmes même qu'il laissa échapper lors de la perte de son manuscrit en 1790. Réadaptant pour le cinéma les écrits du divin marquis, Pasolini lui fit une petite infidélité (qui ne lui aurait certes pas déplu!) en raccourcissant le texte, et en réduisant à trois le nombre des historiennes et celui des cercles. Surtout, le cinéaste décida de transposer le roman inachevé dans le milieu de la République Sociale Italienne de Salo, Etat fantoche créé de toute pièce par les nazis afin de laisser à Mussolini un semblant du pouvoir qu'il avait avant la capitulation italienne. C'est principalement dans ce contexte historique que le film surprend, et que la sublime édition DVD proposée par Carlotta films trouve tout son intérêt. Dans cette idée d'accompagner le film de nombreux documents présentant la portée morale et surtout politique du cinéaste, le désir de faire de cette histoire une métaphore de cet Eden décadent que fut Salo.

Pour Pasolini, Salo est à l'Italie ce que le régime de Vichy est à la France, un Etat sans réelle légitimité. La République de Salo fut officiellement proclamée le 17 septembre 1943, après que les nazis ont libéré Mussolini pour le mettre à la tête de ce nouveau gouvernement. Royaume de toutes les décadences, ce minuscule Etat fut en son temps le symbole d'un pays tortionnaire et d'un régime corrompu. Théâtre de toutes les injustices, il fut également le lieu de tortures plus immondes que celles évoquées dans le film. Il faut tout le talent du cinéaste pour faire du roman de Sade une métaphore d'un système concentrationnaire qui prévoyait l'avilissement le plus total de l'être humain et la domination de maîtres dégénérés. Et il faut toute la puissance d'une mise en scène travaillée pour placer le spectateur dans cette position hybride, gênante, qui le rend à la fois complice et voyeur des atrocités commises. Une date dans l'Histoire du cinéma.

par Anthony Sitruk

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Interactivité :

L'éditeur s'est surpassé pour la sortie de ce film clé. Package remarquable, affiche d'origine, documents d'époques, interviews, etc. Deux particularités attirent cependant notre attention. La première, c'est l'excellent livret de vingt pages vendu avec le DVD. Proposant de nombreuses interviews, une explication historique des faits, un rappel des tenants du livre de Sade, une biographie de l'auteur et une du cinéaste, etc. Pasolini, à travers plusieurs interviews revient sur la création du film, et évoque le sentiment de peur qu'il a lui même éprouvé en découvrant le film terminé. La deuxième particularité du coffret est de présenter le film dans ses deux versions: la version italienne sous titrée et, surtout, celle doublée en français, la seule que Pasolini acceptait, lui qui ne concevait que l'on puisse traduire en italien le texte de Sade. Cinéphiles, faites donc pour une fois entorse à la règle, et laissez tomber la version originale sous titrée, c'est l'auteur qui vous le demande.

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