R. W. Fassbinder - coffret 3

R. W. Fassbinder - coffret 3
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Alors que les deux premiers coffrets viennent de se voir décerner le Prix DVD Cahiers du cinéma 2005, Carlotta continue son exploration de l’œuvre du cinéaste allemand avec les éditions 3 et 4 de sa collection R. W. Fassbinder. Cinq films pour le premier coffret (L’Amour est plus froid que la mort, Le Rôti de Satan, Le Soldat américain, Prenez garde à la sainte putain, Roulette chinoise) et autant pour le second (Effi Briest, L’Année des 13 lunes, Le Marchand des 4 saisons, Les Dieux de la peste, Martha), autant de preuves de l’immortalité d’une filmographie qui «capte le spectateur, le retient, à condition que l'autre accepte le dispositif qui consiste à le malmener un temps pour lui révéler quelque chose de lui-même» (Frédéric Sabouraud). Auteur, en l’espace de douze ans, d’une quarantaine de métrages réalisés aussi bien pour le cinéma que pour la télévision, Fassbinder a tenté d’explorer toutes les facettes du mélodrame dans une Allemagne post hitlérienne et américanisée. Retour sur deux des films les plus connus du coffret

L’AMOUR EST PLUS FROID QUE LA MORT

Allemagne, 1969

Rainer Werner Fassbinder, Hanna Schygulla, Ulli Lommel, Peter Berling

Franz est poursuivi par un gangster répondant au nom de Bruno. Bientôt, les deux hommes deviennent amis et se partagent la même femme, Johanna. Mais celle-ci, lassée de Bruno, le dénonce à la police alors qu'il s'apprête à braquer une banque... Premier film, première image, et déjà le choc esthétique. Celui d’un noir et blanc magnifique et contrasté (peu de gris), transcendé par la fixité des plans et la composition des cadrages. Avec plusieurs années d’avance sur ses compatriotes cinéastes (Herzog, Wenders, Schlondorff…), Fassbinder impose un style qui hésite sans cesse entre l’onirisme (personnages figés) et le naturalisme (certaines scènes, comme par exemple celle du vol de lunettes, rappellent les fleurons de la Nouvelle Vague française). D’une liberté de ton insolente, d’une invention discrète mais persistante, le cinéma de Fassbinder s’impose avec ce premier film comme un éclat, un pavé dans la mare. Plus possible de passer à côté dorénavant, plus possible d’oublier ces personnages déjà un peu morts, se déplaçant d’ailleurs comme des zombies, figés comme des statues dans leur posture ridicule, incapable d’éprouver le sentiment qui pourrait les sauver. L’amour, triste comme l’indique le titre, se limite ici à des échanges de monnaie, à quelques mots, quelques gestes. L’ennui, le désespoir, transportent les personnages pour mieux les laisser sur le bas côté de la route. Ceux-ci, dans une Allemagne encore sous le choc de la guerre, n’ont aucune chance de s’en sortir.

PRENEZ GARDE À LA SAINTE PUTAIN

Allemagne, 1970

Avec Lou Castel, Eddie Constantine, Hanna Schygulla, Marquard Bohm, Rainer Werner Fassbinder, Ulli Lommel, Margarethe von Trotta, Werner Schroeter

Dans un hôtel quelque part au bord de la mer en Espagne, l'équipe d'un film attend le metteur en scène, la star, l'argent et le matériel nécessaire pour commencer le tournage. Tendue par des intrigues et jalousies amoureuses, l'ambiance oscille entre hystérie et apathie. Quand le metteur en scène arrive enfin avec la star, il devient aussitôt le centre du chaos. Les couples et groupes se font et se défont. «Quand on évoque les circonstances dans lesquelles fut réalisé le film-clé, rétrospectif et autocritique, de la première période de Fassbinder, Prenez garde à la sainte putain, on renvoie parfois aux conflits qui se produisirent sur le tournage de Whity. La "putain" en question, c'est le cinéma en général et la réalisation de films en particulier», écrit Thomas Elsaesser dans son essai Rainer Werner Fassbinder, un cinéaste d'Allemagne. A partir d’un point de départ finalement proche de celui utilisé plus tard par Wenders pour le sublime Etat des choses, Fassbinder déploie un univers bariolé, clos, renfermé sur lui-même, un univers avec ses propres codes, qu’ils soient sentimentaux, vestimentaires, professionnels, etc. Un univers qui n’a pour seule porte vers l’extérieur que les allers et venues des producteurs et de l’argent. Les personnages s’ennuient, s’engueulent, et cet ennui nourrit le film, le transcende, pour l’élever au niveau de la Comédie Humaine que Fassbinder a développé de film en film. Oeuvre charnière dans la filmographie du cinéaste, Prenez garde à la sainte putain, présenté dans une copie magnifique, est sans doute le film du coffret à ne pas manquer.

par Anthony Sitruk

En savoir plus

Interactivité :

Comme toujours chez Carlotta, le coffret est blindé de bonus, ici des documentaires et portraits dispatchés sur les cinq DVD que contient le coffret :

- Life, love and celluloïd - Rio das mortes - Le Documentaire : Fassbinder à Hollywood - Le Clochard - Le Documentaire : Rainer Werner Fassbinder, 1977 - Frauen über Fassbinder

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