Other (The) / Dernier des fous (Le)

Other (The) / Dernier des fous (Le)
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film

The Other: Elevés par leur grand-mère Ada, les jumeaux Niles et Holland Perry vivent paisiblement dans une ferme du Connecticut. Mais, un beau jour, des évènements étranges et tragiques commencent à se produire. Tout laisse à penser que l'un des deux frères porte quelque chose de diabolique en lui... Le Dernier des fous: Dans la province française, de nos jours. Dans la ferme de ses parents, Martin, 11 ans, assiste désemparé à la désintégration de sa famille. Sa mère, fermée au monde qui l'entoure, vit cloîtrée dans sa chambre. Son frère aîné, qu'il vénère, se noie dans l'alcool, et son père, sous l'emprise de la grand-mère, n'est que le spectateur impuissant de la déchéance familiale. Résistant au désespoir, Martin trouve refuge auprès de son chat Mistigri et de Malika, la bonne marocaine à laquelle il est très attaché. Mais ni leur affection, ni sa volonté de comprendre et d'aider les siens ne parviennent à ralentir la marche inéluctable de ce tragique été. Martin se prépare à mettre fin à toute cette confusion...

AUX FRONTIÈRES DU RÉEL

À en croire les exégètes du cinéma fantastique qui, à raison, s'enthousiasment d'apprendre l'édition du classique oublié de Robert Mulligan, The Other aurait ceci de remarquable qu'il prendrait un pli réaliste, dans un genre qui, par nature, ne le prendrait que rarement. Après visionnage, on se pince pour le croire. Si Mulligan se repose bien sur un ancrage historique précis, reconstituant l'Amérique rurale de la Grande Dépression, les cartes postales, façon Petite maison dans la prairie (la série sera créée deux ans plus tard), qu'envoie le film ne sont jamais figées dans un souci de réalisme. Et ceci dès le plan d'ouverture, vision arcadienne et onirique, nimbée d'une lumière céleste renvoyant directement à l'imagerie du conte. La mise en scène s'appliquera ainsi, tout le métrage durant, à vicier les chromos, dérangeant la paisibilité de la nature champêtre par une utilisation peu conventionnelle et insistante de zooms inquiétants, et affirmant son étrangeté par un montage très cut, favorisant les visions fantasmagoriques (la première apparition de la mère est quasi-ectoplasmique).

Un des partis-pris de mise en scène les plus étonnants est révélé par le générique final: The Other est en effet écrit et monté de telle manière qu'il semble ne faire aucun doute que les jumeaux Niles et Holland sont incarnés par un seul et même acteur. Mulligan ne les amène jamais à partager le même cadre – tout juste sont-ils, exceptionnellement, reliés dans le même plan, à l'occasion de quelques travellings ou panos qu'on suppose truqués (on note aussi de rares plans de dos, comme lors de la séquence du chapiteau, et l'on suppose alors que Mulligan eut recours à une doublure), le reste se composant de champs/contrechamps très finement exécutés, où le seul jeu des regards et de la composition des plans suffit à distribuer les deux enfants dans l'espace (une gageure, étant donné qu'outre leur parfaite ressemblance, les frères sont presque toujours habillés à l'identique). La surprise est donc de taille lorsque l'on découvre que Mulligan fit appel à de vrais jumeaux, les frères Udvarnoky! Épatant coup de bluff…

LE NATURALISME N'EST PAS UN SURRÉALISME

Puisqu'on parle gémellité: le hasard des sorties fait coïncider celle de The Other avec l'édition DVD du Dernier des fous de Laurent Achard. On avait déjà pu dire, lors de la sortie de ce dernier en salle, combien cette "suite" théorique au splendide court métrage La Peur, petit chasseur…, nous avait déçu. Le rapprocher du film de Mulligan, arbitrairement, Achard ne s'en réclamant, à notre connaissance, pas ouvertement (mais on soupçonne MK2 d'avoir senti l'éventuelle filiation, en éditant les deux galettes dans la foulée), permet, d'une certaine manière, d'en mieux comprendre certains écueils. Les liens narratifs unissant The Other et Le Dernier des fous sont en effet nombreux: contexte (ferme isolée), personnages (gamin étrange, frère tantôt aimant tantôt violent, père plus ou moins absent, mère dépressive, aïeule compréhensive…), résolution (un carnage dans les deux cas) et ancrage "réaliste" du genre (on a déjà dit plus haut ce qu'on pensait de l'usage du terme pour le film de Mulligan). Cette dernière entrée vaut sans doute plus encore pour le film d'Achard, qui pose avec insistance son contexte socio-économique, comme une excuse préalable – et très franco-française – à l'irruption fantastique à venir.

Cette trop grande politesse se retrouvera à tous les étages: étouffé par ses références, plus ou moins bien digérées (voyez cette idée très hexagonale, supposant qu'un acteur sous-jouant est forcément Bressonien), Achard jongle tant bien que mal entre le naturalisme qui s'impose à lui et ses aspirations stylistiques. À force de vouloir en croquer sans trop oser y toucher, de préférer la distance et la froideur au plain-pied (contrairement à un Mulligan qui, jamais frileux, compte sur la solidité de sa mise en scène pour faire passer les pilules potentiellement ridicules – cf. la mort de Mrs Rowe), le film chemine petitement jusqu'à un climax grotesque et embarrassant. Ainsi, là où The Other n'hésitait pas à mettre d'emblée les pieds dans le plat, Le Dernier des fous perd l'essentiel de son temps – et de son crédit – à (échouer à) préparer le glissement du terrain naturaliste vers le fantastique à venir. L'honnêteté nous oblige à répéter qu'un tel mal n'a, par chez nous, trois fois hélas, que trop d'exemples (vous avez dit Lemming?).

par Guillaume Massart

En savoir plus

Interactivité :

Maigre fringale de bonii, pour cette moisson chez MK2.

À la décharge de l'éditeur, l'édition import Zone 2, aujourd'hui épuisée, de The Other, ne recelait purement et simplement aucun supplément. Aussi, l'effort d'avoir fait appel à Pierre Berthomieu est à saluer. On ne s'enthousiasmera toutefois pas outre mesure pour ces Modules tronçonnés en petites vignettes (histoire de faire croire à une profusion inexistante). D'autant que le ton très professoral de ces commentaires certes très informés, devient vite rébarbatif (d'autant plus que les analyses restent discutables, notamment cette fameuse histoire de "réalisme"). Les BOFophiles se réjouiront néanmoins du temps consacré à l'excellente partition de Jerry Goldsmith. Une exploration musicale suffisamment rare pour être signalée.On se permettra en revanche de grincer un peu des dents sur un point nous renvoyant à l'époque des VHS: se coltiner trois bandes-annonces (le très drôle trailer de Candy, celui, navrant mais désopilant, du Spécialiste avec notre Johnny parfois national, et celui de Baby Boy Frankie) avant d'atteindre les menus, n'incite pas à insérer souvent la galette dans le lecteur...

Des bandes-annonces, le DVD du Dernier des fous, en fait également collection: outre celle du film, le DVDvore pourra tromper l'ennui en s'enfilant celles de Sangre, de Lady Chatterley ou encore des Amants réguliers. Heureusement, il pourra aussi se rabattre sur La peur, petit chasseur, exemplaire court métrage n'ayant pas volé son excellente réputation, qui avait déjà connu les bonheurs du DVD pour les besoins d'une compilation de courts.

Quelques liens :

Partenaires