Ne dis rien

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Pilar s’enfuit de son foyer et se réfugie chez sa sœur. Antonio, son mari la bat régulièrement depuis des années. Obligée de choisir un travail, elle reprend confiance en elle. Le mari comprend qu’il n’a plus d’autre choix que d’aller voir un psychologue et de suivre des sessions de groupe. Ils grandissent tous les deux mais le mari n’accepte pas si bien l’évolution de sa femme.

PARLONS-EN

Ce film ne mérite sans doute pas sa note. Mais devant un tel sujet, si facilement assimilable à un téléfilm amélioré, il faut utiliser les grands moyens. Ne Dis Rien se pose dans la grande tradition des films qu’on ne peut que qualifier "d’humaniste", comme les œuvres de Jim Sheridan, par exemple. Qui a vu My Left Foot ou Au Nom du Père, en garde généralement un souvenir impérissable. Ne Dis Rien est de cette trempe-là. Sauf que ce n’est qu’un petit film espagnol et, même si les films de Sheridan sont excellents en soi, s’ils rencontrent un large public, c’est grâce à la présence de Daniel Day Lewis, soyons honnêtes. Alors sortons l’artillerie lourde : 6 sur 6. Mais c’est un plaisir parce qu’on reste très loin d’un téléfilm France 2 et il faut que ça se sache. Il montre ce qu’on n’attendait pas : une véritable histoire qui sort des faits divers stéréotypés, des scènes violentes et douloureuses, mais sans jamais être racoleur. Que disait Serge Daney à propos de Moi Christiane F, droguée, prostituée? "Un film qui veut traiter d’un fait de société arrête d’être un film à la minute où il ne voit que le problème de société". Ne Dis Rien est un grand film parce qu’il ne parle pas "des femmes battues" - ce n’est pas un film à thèse - mais d’une femme et d’une seule. A ce sujet, on rendra justice à l’actrice principale, sidérante. Quand le film commence, difficile de ne pas la trouver laide. Au fur et à mesure, on s’y habitue. Et tout à coup, son visage s’illumine, cette femme malheureuse qui puait la mort semble, à cet instant, respirer le bonheur et elle en devient belle. Et de réaliser que jusque là, elle n’avait pas souri. Pas un seul instant. Et de comprendre que cette laideur, c’est le visage d’une femme terrorisée par son mari qui la bat. Dans cet instant lumineux, c’est toute la force dont le film est capable qui se révèle. Un 6 sur 6, normalement, cela ne devrait aller qu’à un film qui repousse les limites, il ne devrait y en avoir que deux ou trois par an. Mais si Ne Dis Rien n’est pas au premier abord une œuvre novatrice, il n’en est pas moins un film d’une espèce rare : un film réussi à tout point de vue, émouvant de bout en bout. Difficile de ne pas vouloir que la terre entière le voit. Alors 6 sur 6. Définitivement.

par Yannick Vély

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Interactivité :

Interview de la réalisatrice, Iciar Bollain: Longue d’une trentaine de minutes et découpée en chapitre, ce bonus est le complément impeccable d’un film déjà bien copieux. Si les réponses du début sont un peu conventionnelles, très vite la cinéaste s’enflamme et parle de son travail sur la mise en scène, l’écriture et de sa méthode de travail en général. La réussite du film n’est donc pas due au hasard : cette cinéaste a une forte personnalité, c’est une bosseuse et son point de vue sur la réalisation est aussi réfléchi que sain.

Court-métrage Un Amour qui Tue: Ce film est en fait à l’origine de Ne Dis Rien. Un homme entre dans un "centre de rééducation pour agresseurs". Il ne veut pas reconnaître qu’il a fait la moindre faute mais il doit séjourner là s’il veut éviter la prison. Au fur et à mesure de son séjour, il va légèrement évolué mais restera toujours prisonnier de sa violence. Prémisse très intéressant du long-métrage, et la patte de la cinéaste est là mais on reste frustré par sa courte durée. Plus à considérer comme un élément intéressant d’un DVD, un work in progress, que comme un programme intéressant à regarder en soi. Non pas par son manque d’intérêt mais parce qu’il ne prend pas le temps de dire plus.

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