Mouche (La) - Edition prestige
Seth Brundle vient de créer une machine qui révolutionnera le monde : un téléporteur. Après quelques essais sur des objets inanimés, puis sur des babouins, il décide de tester l’appareil sur lui. Au moment de la téléportation, une mouche se glisse dans la cabine, et fusionne avec l’inventeur. Peu à peu, il se transforme, sous les yeux de la femme qu’il aime.
FINE MOUCHE
Porté par la partition douce et angoissante de Howard Shore, La Mouche traverse les années sans prendre une ride, sans souffrir le moins du monde du temps et de l’évolution d’un cinéma fantastique depuis longtemps acquis à la bouffonnerie ou à la mise en abîme. Rare vestige d’un cinéma sérieux et à prendre au premier degré, le film de Cronenberg s’impose comme un classique intemporel dans lequel les archétypes des années 80 demeurent absents, et l’un de ses meilleurs films. Reprenant un à un les codes thématiques (la notion de chair forcément, la perte progressive de l’âme, la monstruosité…) mais aussi visuels (dans la façon notamment de filmer les décors et l’architecture) de l’œuvre du cinéaste, La Mouche se révèle surtout une formidable histoire d’amour dans laquelle Cronenberg fait même référence à des classiques obligés (certains plans font sérieusement penser à Notre Dame de Paris ou à La Belle et la bête). Rarement le cinéaste, malgré l’aspect vomitif du film et de ses maquillages et effets spéciaux fabuleux, sera apparu comme aussi émouvant, aussi sensible. La destinée de Seth Brundle, devenant un être que sa fiancée ne reconnaît plus, devient sous la caméra de Cronenberg absolument bouleversante. La raison en serait peut être que le cinéaste, intimement touché par cette histoire (remake d’un classique des années 50 qu’il surpasse allègrement), en a fait une parabole sur le cancer qui a rongé son propre père lorsqu’il était enfant, père qu’il a vu s’éteindre à petit feu sous ses yeux. Un film essentiel, à l’interprétation sans faille, au succès public et critique immense, qui fait office de charnière dans la carrière du cinéaste.
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Interactivité :
Fox Vidéo avait pris une fâcheuse habitude ces derniers mois de proposer des éditions prestiges similaires ou presque à celles existant déjà (quoi de vraiment neuf dans l’édition prestige du Rocky Horror Picture Show ou de Conan le barbare ?), les enveloppant dans des digipacks fort classieux mais un rien inutiles. La Mouche - Edition prestige vient changer la donne, apportant une pierre définitive au monument de David Cronenberg. Deux DVD, dont l’un consacré exclusivement aux bonus. Passons rapidement sur le gros point faible (des menus certes jolis et collant bien à l’atmosphère du film, mais assez longs à se mettre en place et précédés de l’insupportable et interminable publicité contre le téléchargement) pour entrer dans le vif du sujet.
Le DVD des bonus est une mine d’or à lui tout seul, même si Cronenberg n’y apparaît qu’en de très rares occasions. Composé de plusieurs sous menus, il propose notamment deux modules absolument indispensables : le making of et les scènes coupées. Le reste intéressera principalement le fan hardcore de la série, puisqu’il s’agit du scénario original du film et de son modèle (La Mouche noire), de la nouvelle originale, et de critiques écrites à l’époque de la sortie, en 1987. Sans oublier bien entendu quelques essais filmés de maquillage, ainsi que les traditionnelles bandes-annonces, devant lesquelles on prend conscience de l’évident impact du film lors de sa sortie : la bande-annonce et la pré-bande annonce sont si bien construites que l’on voit mal comment le film aurait pu passer à côté de son sujet.
Les scènes coupées valent le détour principalement pour deux d’entre elles, devenues mythiques depuis : celle du bébé papillon, et celle du singe chat. La première, supposée clore le film, propose une alternative positive à la fin originale, dans laquelle Veronica rêve d’un bébé papillon s’envolant vers la lumière. Incroyablement kitch, en contradiction totale (aussi bien visuellement que thématiquement) avec le reste du film, cette scène ne convenait à l’époque à personne et fut retirée après une projection test désastreuse. La seconde, de près de sept minutes, montre une expérience ratée de Brundle-Mouche, dans laquelle il croise un babouin avec un chat, avant de tuer la créature à coups de barre de métal. Intéressante et bien montée, presque émouvante (la mort du monstre prouve là encore le chemin emprunté par le film, supposé émouvoir et horrifier à la fois), cette scène contraste pourtant avec le reste du métrage. Redondante, inutile, elle montre subitement Brundle comme un monstre dénué de compassion, ce qu’il n’est pas dans le reste du métrage. Sa suppression en devient donc évidente (et sera expliquée en long et en large dans le making of). Les autres scènes coupées sont plus anecdotiques.
Abordons maintenant le morceau de choix, d’une durée de 2h45 : le making of du film. Qu’on se le tienne pour dit, celui-ci est un événement tant il analyse en long et en large toutes les étapes de fabrication et de production du film. Chaque interview est passionnante, et ce documentaire permet de revenir sur la production du film et sur l’implication de Mel Brooks (que les intervenants remercient pour la liberté qu’il leur a laissé), sur la recherche du scénario idéal (qui aboutit à celui de Cronenberg), sur le refus initial du cinéaste, trop impliqué sur le tournage de Total Recall (projet abandonné)… On y apprend le budget du film, le salaire du réalisateur, on y revient sur la relation qui unissait Goldblum à Geena Davis, etc. Bien entendu, une large part est dédiée aux effets-spéciaux, qu’ils soit de maquillage (la transformation de Goldblum), ou autre (les effets de lumière dans les cabines de téléportation, ou encore le décor qui tournait sur lui-même), et Chris Wallas, responsable des maquillages, reste l’un des intervenants les plus passionnants à écouter. Les producteurs reviennent sur les projections tests et sur la suppression des scènes coupées, sur l’accueil fait au film par le public et la critique, sur l’impression, au fur et à mesure que le tournage avançait, de participer à un chef d’œuvre qui irait au-delà du film d’horreur habituel pour devenir une magnifique histoire d’amour. Enfin, le réalisateur Robert Bierman (Embrasse moi vampire) initialement pressenti est interviewé également et le mot de la fin lui est laissé : devant lâcher le projet à quelques semaines du tournage, en raison du décès de sa petite fille, il garde un souvenir amer du film, qu’il n’a toujours pas vu. Un réel moment d’émotion, qui permet d’entrapercevoir ce que La Mouche a failli être.
Si Cronenberg est absent de ce documentaire, il demeure très présent sur le DVD puisqu’il se charge de l’excellent commentaire audio disponible sur le premier disque. Déjà rompu à ce genre d’exercice (voir celui passionnant de l’édition zone 2 du Festin nu), Cronenberg livre, outre un tas d’anecdotes sur le tournage et l’écriture du scénario, une réflexion captivante sur la place du film dans son œuvre.
Au final, une édition grandiose pour un film magnifique, dans laquelle tous les bonus sont sous-titrés en français ! Rappelons que le prix de base (moins de 20€) suffirait à lui seul à convaincre n’importe quel cinéphile d’acheter ce monument absolument indispensable.