Mitraillette Kelly
Dans les années trente, George Kelly, surnommé Machine-Gun Kelly par sa compagne Florence Becker, cherche à se faire reconnaître dans le grand banditisme. Le fait qu’il soit phobique et de volonté faible ne contribue pas à sa prospérité.
Roger Corman fut un réalisateur prolifique de films fantastiques ou policiers, avant de se tourner vers la production et révéler des cinéastes tels que Francis Ford Coppola, Monte Hellman, Martin Scorsese, Joe Dante. Ses films se caractérisent par leur rapidité de tournage et la modicité de leur budget, les plus connus sont ses adaptations de Edgar Allan Poe, dans les années 60. Mitraillette Kelly appartient à sa série de films policiers, dont l’action se situe dans les années 30. L’Affaire Al Capone (1966), avec Jason Robards dans le rôle-titre, reprenait même le fait divers sanglant qui servait de toile de fond au film de Billy Wilder, Certains l’aiment chaud (1959). Pour son film de 1958, Corman s’inspire vaguement de la vie du vrai George Kelly, poussé au crime par son ambitieuse femme Kathryn. Pourtant, le budget étriqué ne permet pas de s’appesantir sur la reconstitution des années 30, et l’action pourrait aussi bien se jouer à une autre époque.
Charles Bronson, qui interprète Mitraillette Kelly, n’est pas un débutant, puisqu’il s’agit de son vingt-deuxième film, mais il se voit enfin accéder au rôle principal. Il est de bon ton de critiquer la fin de carrière de l’acteur, qui s’est figé dans des personnages de justicier prônant l’auto-défense (la série Un Justicier dans la Ville), c’est oublier assez vite qu’il pouvait jouer de manière extrêmement convaincante, et cela, jusqu’à la fin. Dans l’une de ses dernières apparitions à l’écran, il incarnait avec beaucoup de justesse le père de David Morse et de Viggo Mortensen (The Indian Runner, Sean Penn, 1991), une scène magnifique le montrait en train de regarder des films en super 8 de ses deux enfants, avant de se suicider. Son incarnation du pathétique George Kelly est l’une de ses meilleures compositions, il est impressionnant au possible, en gangster sur la défensive, incapable de réprimer sa phobie de ce qui touche à la mort.
Mitraillette Kelly participe à un hold-up avec deux acolytes, et Corman, par manque de moyens financiers, se contente de filmer le sol où l’on voit l’ombre d’un policier qui vise les bandits, tandis que le vol s’effectue hors-champ. Après un échec dû à sa faiblesse, Kelly encaisse les piques que lui envoient sa petite amie, Flo, et la mère de celle-ci, les dialogues sont plutôt réussis:
- Kelly: "Si la vieille la boucle pas, elle aura besoin d’un râtelier."
- La vieille: "Y’a longtemps que j’en ai un!"
Susan Cabbot campe une garce calculatrice et dominatrice, dans la lignée de celle jouée par Mary Windsor, dans le glaçant L'Ultime razzia (Stanley Kubrick, 1956). Il faut voir la façon dont Kelly, égaré comme un enfant et tout penaud, lui demande ce qu’il doit faire, afin d’échapper à la vindicte de ses ennemis, pour comprendre combien elle a d’ascendant sur lui. Flo a jeté son dévolu sur Kelly afin qu’il devienne l’ennemi numéro un, et compte bien en profiter au maximum.
Malheureusement, ce qui constitue, en général, la plus importante faiblesse des films policiers des années 30/60, c’est leur côté moralisateur, qui allait de pair avec la censure imposée par le code Hays. Les gangsters parlent toujours un langage châtié, et doivent obligatoirement perdre à la fin. Le long métrage de Roger Corman ne déroge pas à cette règle, forcément, on devine que le périple de Mitraillette Kelly finira mal pour lui et son amie/ennemie. Le bandit signe sa perte de manière absurde, en ayant recours à un malfrat minable (et très stéréotypé) qui l’avait précédemment trahi. Ensuite, il paraît étonné d’être de nouveau abusé! Le final expéditif et un tantinet bâclé, empêche Mitraillette Kelly de se hisser hors du rang de l’honnête série B.
En savoir plus
Interactivité :
- L’éditeur One Plus One a sorti sept films de Roger Corman, à raison de deux par dvd, Teenage Caveman (1958)/Viking Women and the Sea Serpent (1957), Rock All Night (1958)/Sorority Girl (1957), The Undead (1957)/Day the World Ended (1956). Vendu en solitaire, Mitraillette Kelly se voit complété d’un entretien respectueux de Roger Corman par Adam Simon (22 minutes, avec sous-titres français amovibles). Corman, interrogé par le réalisateur du méconnu Brain Dead (1990), qui ne doit pas être confondu avec l’illustre film de Peter Jackson (1992), affirme sans sourciller qu’il croit en l’existence d’un lien entre l’horreur, le sexe et la comédie. Pour lui, les maisons que l’on retrouve dans ses films, et d’où survient l’épouvante, représentent le corps de la femme, dont le couloir ou l’escalier seraient le vagin! La traversée du "vagin" par le personnage masculin serait alors une expérience merveilleuse et effrayante. - Film en noir et blanc présenté seulement en version originale, avec sous-titres français amovibles. - Rubrique en défilé "A propos du film" - Galerie de photos - Filmographies et biographies en défilé de Roger Corman et de Charles Bronson, on apprend que ce dernier est malheureusement atteint de la maladie d’Alzheimer et refuse dorénavant toute proposition de tournage. - Extraits en V.O sous-titrée (amovible) des autres films de la série Roger Corman. - Extraits en V.F des films de la série Mario Bava: Une hache pour la lune de miel, Lisa et le Diable, Baron Vampire - Le court-métrage Chasseur d’Hôtel (5 minutes 48), réalisé par Yvan Gauthier et Bernard Jeanjean (1992)