Mensonges et Trahisons et plus si affinités
Raphaël exerce le métier peu avouable de "nègre" littéraire. Alors qu’il hésite à raccrocher ce métier d’hagiographe de stars kleenex pour se lancer véritablement dans la littérature, son nouveau contrat, un footballeur bourru nommé Kévin, arrive avec des exigences assez singulières. Le hasard veut en outre que la nouvelle conquête de Kévin ne soit autre que Claire, éperdu amour de lycée de Raphaël…
PAS D'AFFINITE PARTICULIERE
La trajectoire d’Edouard Baer est un cas d’école. Débuts confidentiels (La Folie douce), explosion médiatique (La Grosse Boule sur Nova, puis un passage remarqué au sein de l’écurie Canal+, à la fin de l’époque bénie Nulle Part Ailleurs), un joli ticket chez les auteurs (Miller, Bonitzer…) et enfin un essai audacieux à la réalisation (la déjà culte Bostella). Jusqu’ici tout va bien. Puis vient le temps d’un cinéma de copinage, pour l’acceptable (Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, Le Bison, Cravate Club), le moins acceptable (Les Clefs de Bagnole), en passant par le carrément irrecevable (le désastreux Double Zéro). Mensonges et Trahisons… vient donc compléter le ventre mou d’une filmographie déclinante. Tout en platitude et archi-calibré pour la télévision, le premier long métrage siglé EuropaCorp de Laurent Tirard traîne la patte dès l’ouverture, empesée d’une voix off au cynisme tiède, substitut inefficace à une mise en scène incapable d’ampleur. Les champs / contre-champs se succèdent donc sur un rythme indolent et les acteurs hommes-troncs, cadrés pour la petite lucarne, débitent leur texte sans conviction. A leur décharge, le texte justement, inoffensif, pas drôle et surtout déjà-vu rame sec, de vague-à-l’âme trentenaire-presque-quarante, en morale dégoulinante sur fond de Carla Bruni: une compilation de gags éculés, tels que le célèbre sanglier bouffeur de voiture, rapporté maintes fois, notamment dans Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, le best-seller littéraire d’Anna Gavalda, et d’aphorismes sur l’hypocrisie des rapports amoureux, le tout assaisonné en un gloubiboulga faussement moderne de blind dates et de couples libérés. Une confortable mise à disposition des cerveaux, au service de placements de produits bien sentis – témoin une pub complète, slogan et présentation du produit inclus, glissée entre deux galéjades. Tout ceci serait à bazarder d’un revers de main distrait, n’était la performance d’acteur, hélas trop courte, de Clovis Cornillac. Enorme dans sa composition de footballeur capable de déclamer coup sur coup du Baudelaire puis de se titiller virtuellement les nichons en hurlant son propre prénom sur un mode lubrique, Cornillac, en quelques scènes, vole la vedette à un Baer qui s’ennuie – et ennuie. C’est lui, et lui uniquement, qui sauve ponctuellement de la noyade ce téléfilm familial mal déguisé.
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Interactivité :
Sortit dans la foisonnante période de l’after estival, alors que les salles de cinéma se remettent peu à peu de la crise d’août, Mensonges et trahisons est de ces habituelles comédies françaises qui font passer un agréable moment sans avoir la prétention de vouloir révolutionner le genre. La comédie de Laurent Tirard avait en outre l’avantage de tomber à point nommer pour les vacanciers fraîchement revenus des plages qui espéraient retarder encore un peu la rentrée. Marivaudages sentimentaux sur fond de crise de la trentaine, le film valait essentiellement pour la composition d’Edouard Baer en négrier paumé, et celle de Clovis Cornillac, génial et stupide footballeur qui aimerait son autobiographie « façon Baudelaire ». C’est donc sans surprise que Mensonges et trahisons sort en édition standard sur une galette, agrémentée de nombreux bonus d’intérêts variés.
IMAGE ET SON
Rien à redire, transfert impeccable au format d’origine 2.35, couleurs et contrastes de qualité. Pistes audio VF en Dolby Digital 5.1 ou DTS.
BONUS
Outre l’habituel making-of, qui fait ici plus office de bêtisier estampillé Edouard Baer, nous retrouvons non réintégré dans le film une scène coupée qui avait suscité quelques étonnements. La scène en question, où l’on voit Eric Berger (le Tanguy du film éponyme) draguer un jeune modèle en la comparant à Laetitia Casta était en effet présente en partie dans la bande annonce, mais coupé par la suite dans la copie distribuée en salle. Le DVD répare cette erreur.
Suit un vrai bêtisier, dont les moments les plus drôles sont les deux improvisations géniales de Baer pendant la reprise d’une scène. Un autre que moi, qui était le titre initial du film, est une fausse bande-annonce montrant Baer (encore lui) au début du tournage et improvisant la promotion du film.
Le documentaire "Anatomie d’une scène" est quant à lui le véritable intérêt de cette édition. Partant d’une scène (le dîner qui réunit les quatre personnages principaux), plusieurs des membres les plus importants de l’équipe du film reviennent sur la conception, l’élaboration puis l’utilisation de la scène dans le film, du co-scénariste à la monteuse, en passant par les acteurs eux-mêmes, et bien entendu le réalisateur Laurent Tirard présent à chaque étape du film.
"Rencontre avec le public" suit la promotion du film, entre projections, avant-premières et conférence de presse, où Edouard Baer et Laurent Tirard se retrouvent partout en compagnie (ou non) de Clovis Cornillac. De nombreux moments très drôles, qui montrent l’aisance de Baer face au public, malgré des questions parfois "déroutantes".
Pour finir, nous retrouvons le premier court métrage expérimental de Laurent Tirard, De source sûre, amusante réflexion sur la propagation des ragots entre un groupe d’amis (ou connaissances) pendant une soirée. Long plan-séquence d’une dizaine de minutes, nous avons le plaisir d’y croiser quelques têtes connues, comme Hélène de Fougerolles ou encore Gad Elmaleh. En outre il s’inscrit bien dans la veine comique de Mensonges et trahisons et annonçait le goût prononcé de Laurent Tirard pour le burlesque et les confrontations de personnages antinomiques.