Mélo

En 1926, une femme mariée et le meilleur ami de son mari entament une liaison passionnée et destructrice...

Mélo est l'une des nombreuses adaptations au cinéma d'une pièce du trop méconnu Henry Bernstein (1876-1953). De toutes, sa création est sans doute la plus singulière. Filmé à l'économie pour sept millions de francs, les comédiens ont répété dans les décors pendant le mois précédant le tournage, le cinéaste imaginant le montage pendant ces répétitions. Ensuite, le film a été tourné en vingt-et-un jours, un vingt-deuxième ayant été consacré à la seule scène extérieure, sur les quais de la Seine. On pense d'abord que l'on va voir du théâtre filmé, un rideau se levant en guise d'introduction, ponctuant les trois actes, mais on oublie vite le côté artificiel du premier décor avec toile peinte, l'absence d'accompagnement musical, pour être captivé par le texte et les êtres.

Alain Resnais reprend les principaux interprètes de L'Amour à mort (1984), Fanny Ardant, André Dussollier, Sabine Azéma et Pierre Arditi. Ces deux derniers forment de nouveau un couple, mais cette fois-ci, la situation est inversée, ce n'est plus le personnage incarné par Azéma qui ne conçoit pas la vie sans Arditi, mais le contraire. Romaine est une femme qui aime deux hommes de façon bien différente. Elle est attachée à son mari, mais éprouve une véritable passion pour Marcel. L'un est un homme simple, modeste musicien, l'autre est un séducteur, violoniste renommé dans le monde entier. Marcel se décrie d'être un "homme à femmes". Selon lui, dans la relation amoureuse, il est toujours la victime. La suite de son aventure avec Romaine lui donnera raison, en quelque sorte...

Le morceau de bravoure de ce film est un monologue d'André Dussollier d'une dizaine de minutes, sur une mésaventure sentimentale à la Havane. Resnais filme la scène par un lent travelling circulaire autour du comédien. Plus la confession devient intime, plus la caméra se rapproche de ce dernier, l'effet est saisissant. Sabine Azéma compose une incandescente Romaine, qui ressent une multitude de sentiments, bonheur, douleur, culpabilité (elle tente d'empoisonner son mari pour ne plus vivre qu'avec Marcel). Dans la longue scène finale, Pierre et Marcel se retrouvent après la mort de Romaine. Pierre veut savoir si sa femme le trompait avec Marcel. Tout ce qu'il avance s'avère juste, pourtant, son ami niera jusqu'à la fin et l'on se demande si ce mensonge n'a pour but que de protéger leur amitié ou si Marcel veut seulement garder pour lui ce qu'il sait de Romaine. On souffre pour tous les protagonistes de ce drame.

Etonnant Alain Resnais, dont on ne connaît pas toutes les facettes de la créativité et dont certaines, hélas nous seront toujours cachées, surtout quand on pense que dans les années 70, il avait des projets avec Stan Lee, l'un des créateurs de Spiderman, ou qu'il avait proposé à un producteur américain de réaliser un Conan le Barbare, bien avant le film de Milius! Imaginez, Conan le Barbare, un film... d'Alain Resnais!

par Yannick Vély