Martin
Elevé dans une famille qui le prend pour un vampire, Martin tue des femmes pour boire leur sang et les violer. Il n’a pas les caractéristiques du vampire, ne craint pas le soleil ni l’ail, mais se persuade malgré tout peu à peu de sa condition.
VAMPIRE VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ?
Proclamé un peu partout comme «l’un des chefs d’œuvre de George Romero», Martin, de prime abord, déçoit. Une discours intéressant, une approche originale du mythe du vampire, mais un aspect légèrement amateur, notamment dans l’interprétation, dû principalement à un budget étriqué de 270.000 dollars. Pourtant, ce film, que Romero lui-même considère comme son meilleur, n'est pas inintéressant, loin de là, et l'on reconnaît même dans sa forme la mise en scène et le soucis du montage du cinéaste, habitué aux plans fixes mis en mouvement par le montage (cf. Zombie), ponctués de plans caméra à l'épaule. Martin s'impose ainsi, au même titre que Zombie, comme un modèle de réalisation à la Romero (voire la scène centrale et terrifiante dans laquelle Martin tue une femme et son amant à l’intérieur d’un appartement labyrinthique). Une synthèse de ses exigences formelles, élevée à un niveau bien plus réussi que ne l'était, par exemple, The Crazies et son montage bien trop rapide. De la même façon, par le biais d'un visuel proche du cinéma-vérité faisant la part belle à des plans réalistes de la ville de Pittsburgh, Romero se rapproche d'un modèle documentaire déjà à l'oeuvre dans La Nuit des morts vivants. Visuel moderne, donc (du moins très seventies), contrastant volontairement avec l’aspect gothique que peut donner le cinéaste à certaines scènes, dont les fameuses en noir et blanc. C’est toute la thématique du film qui se trouve dans ce clivage : d’un côté, un adolescent moderne, au comportement proche de celui d’un tueur en série ; de l’autre, une famille aux allures et croyances rétrogrades, dont le patriarche passe son temps à clamer « Nosferatu » dès qu’il aperçoit Martin. Le film fait d’ailleurs références aux grands classiques, et Murnau est régulièrement invoqué au travers de certains plans. Au-delà même de ses petites ratées, Martin parvient à émouvoir et à choquer. C’est, reconnaissons le, le principal.
En savoir plus
Interactivité :
Une fois admis que les scènes manquantes (le film durait à l’origine trois heures) resteront sans doute perdues à jamais, il faut se contenter des quelques documentaires proposés par Wild Side Video. A partir de peu (il n’y a que peu de documents vidéo sur le film et son tournage), l’éditeur parvient à réaliser un DVD plus que convenable dans lequel le point fort reste bien entendu l’interview du réalisateur lui-même (George Romero, la profession de foi), mais aussi celles de sa femme, du directeur de la photographie (Michael Gornick), du maquilleur (Tom Savini) et du compositeur. Dans ces deux petits modules, tous s’accordent à dire que le tournage fut idéal, malgré l’argent qui manquait, et une équipe technique réduite à son minimum (quatorze personnes, en comprenant les acteurs). Romero y revient sur la genèse du film, à l’origine une comédie satirique sur la difficulté d’être un vampire de 200 ans. Les participants de ce documentaire reviennent pour un commentaire audio un rien redondant, mais assez amusant.
Pour cette sortie DVD, Wild Side a choisi d’interviewer Olivier Père, programmateur de la cinémathèque française… Choix un rien bizarre car cette interview constitue la seule fausse note du DVD, tant l’intervenant s’y révèle incapable d’aligner des propos intéressants. Sa comparaison entre Martin et Monkey Shines est d’un vide sans nom, qu’il parvient mal à cacher par des arguments inexistants.
En revanche, le module de 26 minutes proposant une interview croisée de Jean-Baptiste Thoret (revue Panic) et Alain Schlokoff (L’Ecran fantastique) se révèle bien plus passionnant. Les deux journalistes explorent les thèmes du film et l’œuvre du cinéaste par le prisme de leur méthode respective (analytique pour Thoret, historique pour Schlokoff), et la mise en parallèle des deux commentaires se révèle réjouissante.