In this World

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Pour lui offrir une vie meilleure, l'oncle d'Enayatullah lui arrange un voyage clandestin du Pakistan vers l'Angleterre. Mais seul Jamal, son cousin, maîtrise cette autre langue. Et ce dernier entend bien faire partie du voyage...

SIMPLY HUMAN DREAMING

Michael Winterbottom fait partie de ces cinéastes au rythme de croisière assez impressionnant. En l'espace de dix ans, le jeune Britannique, au style souvent épuré, a su imposer son nom au travers de ses treize films. Ours d'or au festival de Berlin 2003, In this World, sa onzième réalisation, est également l'une de ses meilleures. Ancré dans une réalité géopolitique des plus alarmantes, au milieu d'un Afghanistan ruiné par les bombardements à répétition de l'armée américaine, Winterbottom suit le parcours de deux garçons à travers l'Est de l'Europe, de l'Iran jusqu'en Turquie, de la France jusqu'en Angleterre. Ses personnages, Jamal et Eyanatullah - leurs noms réels - font partie de ces milliers d'enfants clandestins fuyant chaque jour la misère pour aller vers un ailleurs, synonyme de bonheur. Derrière les frontières se cache l'illusion d'une vie prospère. Le périple de ces deux Afghans, enfants de la nuit, orphelins de la vie, devient alors un conte. Et leur odyssée, faite de faux enchantements et de vraies brisures, est là pour nous rappeler que la réalité, celle qui nous encercle chaque jour partout dans le monde, est cruelle et sauvage. Que le dernier souffle d'une âme peut avoir lieu dans une cale à bateau, ou coincé sous un camion. La vie vue de près, zoomée sur ses pores sales. Le voyage, quête d'une vie honnête, d'un rêve presque utopique, est d'abord celui de l'espoir. Puis celui de la survie. Au delà des multiples frontières, franchies une à une, lentement, se trouve l'incertitude, le danger. Ou la mort.

MY BEAUTIFUL COUNTRY

Si le traitement formel peut en rebuter beaucoup, par l'utilisation d'une caméra DV volontairement instable, alternant couleur et noir et blanc, le fond est quand à lui étonnant de justesse et de sincérité. Par détail de réalisme, tous les dialogues furent d'ailleurs improvisés par les acteurs - des non professionnels - notamment les blagues que Jamal conte chaque nuit, avant de fermer les paupières. L'absence de pathos, l'utilisation soigneuse de la musique et le montage charcuté jusqu'à l'extrême achèvent de rendre l'expérience viscérale, avec une caméra collée à la peau de ses héros comme pour mieux les protéger de leurs déboires. Road movie aux allures de (faux) documentaire, In this World est inspiré de l'histoire vraie de tous ces êtres qui rêvent, là-bas, d'avoir un jour une vie meilleure. Et qui remettent leur vie entre les mains de passeurs inconnus, saint sauveur ou misérable opportuniste, sans garantie aucune d'une quelconque réussite, d'un quelconque résultat, si ce n'est la perte totale de repère et de famille. Le trajet, illégal, est éprouvant, aussi bien pour Jamal et son compagnon que pour le spectateur, témoin d'une réalité qu'il ne peut désormais plus renier. Quand l'aventure - si cela porte ce nom - arrive à son terme, les désillusions et les incompréhensions éclatent. Et les visages, de plus en plus déçus, reflètent alors la réalité: en s'attaquant au portrait de ces deux destins égarés, Michael Winterbottom a réussi plus qu'un tour de force réaliste, un véritable plaidoyer. On n'est pas prêts d'oublier le voyage.