Human nature

Human Nature est un film unique, original, loufoque, émouvant: la rencontre de deux jeunes hommes talentueux: le scénariste de Dans la peau de John Malkovich, Charlie Kaufman, et le meilleur réalisateur de clips français, Michel Gondry.

Human Nature était un test pour le jeune metteur en scène. Comment transposer son univers si particulier et son visuel féerique dans un long métrage? Génie de l'image - il a réalisé les petits joyaux que sont les vidéos de Björk (Army Of Me, Bachelorette, Joga), Daft Punk (Around the World) ou encore Massive Attack (Protection), il se heurtait pour la première fois à la distance, à la difficulté de raconter une histoire, de créer et faire vivre des personnages dans la durée. Pour cela, il ne s'est pas empressé de filmer son premier long-métrage mais a attendu patiemment le bon scénario. Spike Jonze lui donna un script complètement fou, jubilatoire et hilarant, un scénario avec une femme à poils, un homme élevé par des singes et un savant soucieux des bonnes manières. Car oui, il faut le crier haut et fort: Charlie Kaufman est Dieu. Il invente au fil de ses histoires un univers, un monde parallèle dans lequel tout est possible: entrer dans la tête d'un acteur célèbre, apprendre à des souris à manger à la fourchette, chanter nue dans la forêt mais où tout est empreint d'un humanisme et d'une émotion rare.

Human Nature fait donc partie de ces films qui font pleurer et rire. Pas de grande leçon de morale ici mais une fable philosophique, un conte de fées avec des personnages faillibles, obsédés par le sexe, profondément humains donc irrésistibles: Nathan perdu dans son rêve d'éducation parfaite, Lila victime d'un mal qui la condamne à fuir les hommes et la civilisation, et enfin Puff, homme sauvage, contraint d'apprendre les bonnes manières. Les acteurs sont tous au diapason de ce script bouleversant. Patricia Arquette à poil au propre comme au figuré pendant presque tout le film, est magnifique de vulnérabilité, Tim Robbins parvient à rendre sympathique son personnage de savant fou et que dire de Rhys Ifans, l'ami encombrant de Hugh Grant dans Coup de foudre à Notting Hill. Il trouve ici le rôle de sa vie. Qu'il maîtrise avec beaucoup de mal ses pulsions sexuelles, qu'il explique la 'singeneïté' de l'homme devant la Cour suprême ou qu'il apprenne à parler, il garde dans le regard, dans le jeu, une fragilité, une émotion, qui donne au film, à son apprentissage burlesque, un ton mélancolique émouvant.

Michel Gondry n'a rien perdu de son talent visuel. On peut certes regretter la structure en flash-back et le personnage de la jeune étudiante française trop caricatural, mais certaines scènes confinent à la magie, surtout les séquences en forêt d'une poésie proche de Badlands de Terence Malick. Féerique, bouleversant, intelligent, Human Nature est plus qu'un premier film c'est un véritable enchantement et sans doute la naissance d'un grand cinéaste.

par Yannick Vély