Hulk
Bruce Banner est un jeune scientifique brillant et réservé, toujours épris de Betty son ex-petite amie. Exposé à de puissants rayons gamma, il échappe miraculeusement à la mort, mais n’en ressort pas tout à fait indemne. Depuis ces dangereuses expérimentations, il possède la faculté de se transformer, dès qu’il cède à la colère, en une gigantesque créature verte à la force destructrice: Hulk.
RAYONS X
On pouvait légitimement s'interroger sur le choix d’installer Ang Lee aux commandes de Hulk, le blockbuster le plus attendu de l’été, énième film de super-héros bénéficiant de moyens colossaux et de moult effets spéciaux. Le défi était d'envergure pour le réalisateur de Raison et sentiments et de Tigre et Dragon. Garder la maîtrise du projet malgré l'énormité du budget, s'approprier un symbole important de la (contre-)culture américaine et signer un long métrage divertissant mais profond et personnel. Le pari est réussi. Hulk est un peu le "Windtalkers" des adaptations de comic books: un grand film malade, bancal même - notamment dans sa construction narrative -, mais en permanence traversé par les obsessions du cinéaste. Le film brasse les grands thèmes qu’affectionne Ang Lee: le récit initiatique, la transmission du savoir et l'enfermement sociétal. La créature Hulk sied parfaitement à l'univers de Lee. Il ne s’agit pas d’un héros bienveillant et positif, mais d’un homme qui subit son pouvoir comme une maladie honteuse même si, de son propre aveu, il aime ces brusques abcès de colères, ce stade régressif qui lui donne la possibilité d'exorciser ses blessures passées.
MON PERE CE HEROS
Dès le long préambule, Ang Lee place l’accent sur la relation filiale en modifiant imperceptiblement l'origine de la malédiction. Le docteur Banner n'est pas un simple scientifique exposé à des rayons radioactifs. Il porte en lui une empreinte génétique, une expérimentation initiée par son père qui le prédispose à devenir Hulk. Contrairement à l'histoire inventée par Stan Lee, ce père n'a pas que des intentions louables pour son rejeton... A ce premier récit familial tourmenté se greffe un deuxième conflit de génération entre Betty Ross, la fiancée tourmentée de Bruce Banner, et son père militaire de carrière. On comprend alors l'irrésistible attraction qui réunit ces deux êtres au vécu similaire. Betty Ross a fait le deuil d’un amour qui ne lui a jamais été donné. Pas Bruce Banner, que la moindre contrariété renvoie à des schémas primitifs de destruction. L'alchimie entre les deux acteurs, Eric Bana - une vraie révélation - et Jennifer Connely, rehausse le drame humain et intimiste qui se noue sous nos yeux. Le rival amoureux est évacué aux deux tiers du film, le discours scientifique relégué à l'arrière-plan. Le cinéaste ne conserve que la tragédie oedipienne, sans toutefois oublier d’honorer le cahier des charges et d’orchestrer de spectaculaires scènes d'actions.
BABY BOOM
Plus sombre et complexe que les traditionnels films de divertissement, Hulk détonne par un parti pris formel osé pour une entreprise d'une telle envergure. Au risque de déplaire et de désorienter le spectateur, Ang Lee agrémente une mise en scène discrète par une virtuose utilisation du split screen, donnant ainsi littéralement l’impression de lire une bande dessinée. Cette excellente idée débouche sur de très belles séquences: en proie à la colère, Hulk détruit San Francisco, tandis que le visage figé de son père apparaît dans une case au-dessus de l’écran. Enfin, impossible de ne pas évoquer la créature in fine. Si les scènes de métamorphose sont partiellement réussies, la créature de synthèse est dotée d’une personnalité convaincante et attachante. Gros bébé susceptible qui saccage pour notre plus grand plaisir tout ce qu'il trouve devant lui, base militaire, tank, hélicoptère, F-16, il suscite une immédiate empathie. Malgré un final à rallonge et quelques défauts de narration, Hulk est un film haut de gamme qui, s'il ne renouvelle pas le genre (ce n'est pas là l'ambition d’Ang Lee), trouve sa pertinence dans la filmographie d'un auteur toujours en quête de genres différents.
En savoir plus
Interactivité :
- Image et son : Rien à redire de ce côté. L’image est superbe et le son (pistes Français 5.1 et DTS, Anglais 5.1), notamment lors des séquences de destruction, sert admirablement le titan vert.
- Les menus : ils sont simplifiés à l’extrême, avec de petites scènes du film pour se promener entre chaque section. S’ajoutent à cela des dessins de qualité moyenne qui se superposent aux images réelles. Rien de bien excitant.
- Le commentaire audio de Ang Lee : Ang Lee nous explique tout au long de son commentaire sa vision du film et justifie ses choix de mise en scène. Malheureusement, le réalisateur est un peu avare d'informations et il y a de nombreux blancs.
- Hulk Cam : Inside the rage : Il est possible de visionner le film en activant cette fonction. On peut alors, dès l’apparition d’une petit icône, accéder à un petit making of sans commentaire sur certaines scènes. Un supplément intéressant qui nous en apprend plus sur la création du film.
- Le making of de Hulk : Ce documentaire se divise en trois parties. La première porte sur le casting, avec des interviews des comédiens, une deuxième sur les effets physiques permettant de faire croire aux destructions occasionnées par le monstre et enfin, la troisième sur le travail remarquable d’ILM. Certains passages sont de pures featurettes peu intéressantes mais, comme à d'habitude, celles sur les effets spéciaux sont passionnantes.
- L’anatomie de Hulk : Petit gadget qui nous permet d’analyser le corps du personnage point par point. Un outil qui plaira aux fans du personnage.
- Scènes inédites : Une série de scènes sans grand intérêt, livrées en pâture…
- Hulkification : Quatre dessinateurs (Adam Kubert, Tommy Ohtsuka, Salvador Larroca et Katsuya Terada) ont reproduit pour l’édition DVD la scène où Banner se transforme dans sa maison et envoie valdinguer Talbot. Chacun d’entre eux nous offre, à travers leur style unique, leur vision de cette séquence. Le bonus permet de voir à la fois l’image du film, celle du dessin en couleurs et également en noir & blanc. Un petit supplément sans grand intérêt mais fort sympathique.
- Evolution de Hulk : La genèse de Hulk est racontée par Stan Lee dans ce supplément. Le créateur du géant vert nous y explique comment lui est venue l’idée de L’Incroyable Hulk en 1962. On apprend ainsi que le monstre est issu de la combinaison de la créature de Frankenstein et de la dualité Jeckyll/Hyde. Le bonus s’attarde également sur la série télé qui a permis au grand public de connaître Hulk. Voir ces vieilles images issues de notre enfance est un réel plaisir.
- L’incroyable Ang Lee : Un documentaire assez consensuel sur le travail de Ang Lee. Les comédiens en disent, bien évidemment, beaucoup de bien. Cependant, on peut voir le réalisateur à l’œuvre sur le plus gros projet de sa vie et le calme avec lequel il mène son équipe. Mais l’intérêt principal de ce bonus est de nous montrer Ang Lee incarner le monstre lors des séquences de motion capture. Le réalisateur, également comédien, est le modèle de référence des mimiques du personnage pour les animateurs d’ILM. Lee a ainsi obtenu exactement les expressions faciales qu’il désirait pour le personnage. Rarement un réalisateur n’aura été aussi investi dans les trucages de son film. Ang Lee, le corps couvert de capteurs, saute, casse, hurle sur le plateau… A voir absolument.
- Le making of du combat avec les chiens : Là encore, nous avons la possibilité de voir Ang Lee interpréter Hulk lors des scènes de capture de mouvements mais, surtout, on assiste à une réunion de production où l’on budgète la scène. Un bonus très instructif sur les différents aspects de la création d’une scène aussi complexe.
- Le making of du montage : Le montage de Hulk est tout simplement remarquable. Tim Squyres, le monteur, et Ang Lee ont réussi à retranscrire l’aspect "cases" des comic books comme personne n’avait encore oser le faire. Ce petit documentaire nous permet de comprendre quelles techniques ont été utilisées pour donner cette impression unique de regarder une bande dessinée au lieu d’un simple film.
Benjamin Parent