House By The River
L'écrivain Stephen Byrne habite, avec sa femme Marjorie, une maison près de la rivière. C’est un écrivain raté et aigri. Un soir, en l'absence de sa femme, il tente d’abuser de leur servante Emily, et comme elle se débat, il l'étrangle. Il est surpris par son frère John qui lui conseille de tout révéler à la police. Stephen réussit à obtenir son silence en lui faisant croire que Marjorie est enceinte et que la révélation d'un tel acte lui serait fatal. Les deux hommes mettent alors en scène une fugue de la servante, font disparaître quelques uns de ses effets personnels pour paraître crédibles, et jettent le corps d'Emily dans la rivière...
BARQUE SUR LE STYX
Il n'est pas anodin que Fritz Lang, qui s'était donné pour règle de considérer comme artistiquement ratés ses échecs publics, n'accordait de son vivant qu'à demi-mot ce statut à House By The River (sur les cendres duquel il bâtit l'intrigant Secret derrière la porte). Peu vu, car quasiment invisible, en France (à l'exception notable du Cinéma de Minuit), le film fut objet de passion pour cinéphiles aguerris et aventuriers du cinéma partant, ainsi qu'en témoignent les bonus de la belle édition DVD qui ici nous intéresse, à sa quête à l'étranger. Tel acharnement valait-il la peine? Assurément: étape vivace de la période américaine du maître, House By The River se pose en classique dès la première vision.
Sur un scénario romanesque, tortueux et sournois, le film mène une réflexion sur les liens entre pulsion de destruction et inspiration créatrice. L'occasion pour Lang de se livrer à une réflexion plastique sur les correspondances entre l'ombre et la lumière, en un noir et blanc expressionniste somptueux, tirant, par des jeux d'ombres et de caches (importance de la cage d'escalier), les perspectives de son décor pavillonnaire, jusqu'à les faire grimacer. Espace d'expérimentation esthétique, le film s'aventure aussi sur les sentiers plus risqués du trucage élémentaire (poisson jaillissant d'un miroir par l'entremise d'une incrustation grossière, rideau étrangleur...), que la rigueur de la mise en scène parvient à tenir éloignés du grotesque. Et au milieu coule la rivière, flux de fantasmes et d'onirisme, tumultueuse et imprévisible, dont on peut fortement supposer que Charles Laughton se souviendra, cinq ans plus tard, pour sa magistrale Nuit du chasseur...
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Interactivité :
Comme à son habitude, Wild Side a soigné ce nouveau venu dans sa précieuse collection Introuvables. On salue tout particulièrement ce supplément de choix que constitue l'Entretien accordé par Fritz Lang à William Friedkin en 1975. Soit une cinquantaine de minutes passionnantes, superbement photographiée par William A. Fraker, où le jeune cinéaste témoigne de son admiration pour le vieux loup borgne. L'occasion pour ce dernier de réaffirmer son personnage, qu'il s'agisse de sa mythologie personnelle (le fameux épisode de l'entretien avec Goebbels) ou de son regard rétrospectif, esthétique et thématique, sur sa carrière. Et si House by the river n'y est pas une seconde évoqué, le choix de Wild Side n'est absolument pas hors-sujet. Tout semble en effet mener au film, alors même que son titre n'est jamais prononcé!Ce morceau de choix est complétés d'entretiens passionnés avec Pierre Rissient et Patrick Brion, qui permettent de retracer le destin singulier du film en terre cinéphile.Mais la vraie pépite est dissimulée sur le DVD: une fois inséré dans un lecteur d'ordinateur, il vous permet d'accéder à une reproduction au format .pdf du scénario original, titré The River. Inestimable attention de la part de Wild Side, qui confirme, s'il en était besoin, tout le bien qu'on pouvait déjà penser de l'éditeur.