Héros sacrilège (Le)
Kyoto 1137. Gouverné par deux Empereurs, le Japon est en crise: entre les nobles et les moines qui exercent leurs privilèges par la politique ou la superstition, les samouraïs, de rang inférieur, sont tenus à l’écart du pouvoir. Dégoûté du mépris enduré par son clan, le jeune Kiyomori Taïra décide de ne plus obéir aux ordres de la Cour. Mais on complot ourdi contre son père le pousse à passer à l’action.
LA LEGENDE DU CLAN TAIRA
Avant-dernier film de Kenji Mizoguchi, sorti un an seulement avant la disparition du maître suite à une leucémie, Le Héros sacrilège vient couronner un décennie (les années 50) absolument faramineuse pour le cinéaste. Il y signe, entre autres, et durant cette période, des films aussi essentiels que La Vie d’Oharu, femme galante (1952) ou Les Contes de la lune vague après la pluie (1953), et dont le retentissement parvient jusqu’en Europe. Le Héros sacrilège est son second film en couleurs, et quelles couleurs puisque le long-métrage est un feu d’artifice chromatique permanent sur lequel Mizoguchi et son directeur de la photographie, Kazuo Miyagawa, ont porté un soin très particulier. Le réalisateur japonais s’éloigne quelque peu des mélodrames intimistes à héroïnes maltraitées qui ont fait sa gloire pour s’orienter vers une fresque épique du Japon médiéval, conservant néanmoins certains stigmates de son œuvre. Ici, c’est la lutte des classes qui est au cœur des enjeux, où le pouvoir est partagé et disputé entre nobles, moines et samouraïs. Kiyomori Taïra sera lui un héros un peu à part, tragique et shakespearien. Quelques mois plus tard, Mizoguchi vivra le crépuscule de sa carrière en filmant La Rue de la honte, retrouvant un thème (la prostitution) et un genre (le mélo féminin) dans lequel il excelle tout autant.
En savoir plus
Interactivité :
L’édition Films sans frontière du Héros sacrilège s’avère particulièrement riche. Le premier dvd comprend, en plus du film (dont les couleurs éclatantes sont très honorablement restituées), de nombreux documents écrits, des témoignages de collaborateurs de Kenji Mizoguchi, ainsi que des critiques publiées après la sortie du film. Sont présents également quelques repères historiques sur l’époque de Heian pour mieux situer ce jidai-geki («film d’époque»). Les traditionnelles photos de plateau, ainsi que des filmographies viennent compléter cette première partie de bonus. Le second dvd affiche, pour sa part, le principal attrait de cette édition, via un documentaire monumental de 2h30, signé par Kaneto Shindo (réalisateur de la sublime Ile nue). Shindo, un ami du cinéaste qui a travaillé avec lui pendant quinze ans en tant qu’assistant et collaborateur à ses scénarios. De facture très classique (et c’est peut-être sa seule limite), ce document retrace toute la carrière du maître, du quartier de Tokyo où il est né à l’hôpital de Kyoto où il s’est éteint. Shindo interroge de nombreux intervenants ayant travaillé avec le cinéaste, dont quelques unes de ses grandes muses comme Machiko Kyo et surtout Kinuyo Tanaka (Shindo l’interrogeant d’ailleurs sur le lien très fort qui l’unissait au réalisateur). Le documentaire, réalisé en 1975, restitue également quelques enregistrements d’époque de Mizoguchi. En complément, un dernier bonus publie les propos de Kaneto Shindo issus des Cahiers du cinéma (n°158) sur l’art et les thèmes d’un des plus grands cinéastes du monde.