Grande bouffe (La)

Grande bouffe (La)
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Quatre amis s'isolent dans une maison pour s'empiffrer jusqu'à en mourir.

ÇA, C'EST DE LA BONNE VIANDE!

A revoir, trente-trois ans après sa sortie, le film le plus célèbre de Marco Ferreri, plusieurs impressions passent par la tête du cinéphile. La première et plus évidente, concerne la légitimité du statut de chef-d'œuvre de La Grande bouffe: bonne nouvelle, elle reste indéniable. La satire tombe toujours aussi juste, ses atours scandaleux se confirment et la fascination exercée par le grotesque sublime et triste des quatre suicidaires n'a pas perdu de sa vigueur. Des premières scènes, claquant une porte fatiguée à une société devenue trop sage, à l'apocalypse apothéotique terminale, cette fin du monde en forme d'orgie jubilatoire et jusqu'au-boutiste, boyaux poussés hors du cul, persiste à hurler sa terrible pertinence. Corollaire, impression deux: puisque tout ceci est toujours vrai, puisque cette force pamphlétaire n'est pas retombée, qui, aujourd'hui, peut prétendre avoir repris le flambeau de Ferreri? Force est de constater qu'à éplucher le bottin cinématographique des derniers mois, aucun atavisme ne saute aux yeux. Un héritage vaguement formel de-ci (le travail sur le son de C'est pas tout à fait la vie dont j'avais rêvé, la sinistre guignolade boulevardienne de Michel Piccoli, peut rappeler dans le lointain – boucles, décalages, cacophonie millimétrée – les jeux acoustiques de Ferreri), ne suffit pas à faire oublier, de-là, l'absence d'héritage de pensée. Aussi, troisième impression: ce génotype spirituel manquant, s'alliant ici à une brochette d'acteurs immenses, déployant un charisme gargantuesque sans réel équivalent aujourd'hui, confère désormais au film une patine inattendue. Qu'on pourra nommer peut-être, faute de mieux, nostalgie.

par Guillaume Massart

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Interactivité :

Les plats les plus raffinés du présent DVD, en son bel écrin griffé Reiser, nous viennent de l'INA. En entrée, un trop bref rappel en images du Scandale cannois donne le ton d'une époque bénie, capable d'amener la même année au Festival de Cannes la dynamite Ferrerienne comme le non moins culte La Maman et la putain de Jean Eustache. Qui, de pair, firent bien sûr tiquer la rombière, éructant ses "Ça gagne du pognon sur le dos du pauvre populo!", au milieu des menaces de pal lancées par la foule hargneuse. Avec le recul, on en rirait presque, non sans cesser de se demander quel accueil notre si pudibonde société réserverait aujourd'hui à de tels parpaings dans la mare. On pourra compléter avec un efficace montage sonore d'une Revue de presse en forme de montagnes russes.

Les images du tournages permettent de prolonger en bouche ce goût d'époque révolue. L'ogre Ferreri s'y dévoile au travail et ses monstres sacrés de comédiens lui emboîtant le pas, dans une ambiance paradoxalement aussi surréaliste qu'incroyablement quotidienne. Hautement savoureux.

Retrouver ensuite, avec un plaisir gourmand, Michel Piccoli en entretien, nous rappelle justement que trente-trois ans ont passé et que les acteurs de son calibre ne courent plus les rues du cinéma français.

La suite donne dans l'alka-seltzer, avec deux interviews érudites, de Jean Douchet et Noël Simsolo. On aura tendance à donner l'avantage à la seconde, dynamique et pertinente, Douchet se montrant un rien trop somnifère et tautologique.

A noter qu'Opening persiste à accomplir son excellent travail éditorial: en complément de La Grande bouffe paraît également en DVD le western parisien Touche pas à la femme blanche du même Marco Ferreri.

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