Double vie de Véronique (La)

Double vie de Véronique (La)
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film

Véronique a une double vie : sans le savoir, elle est Véronique en France, et Weronika en Pologne… Et chacune des deux a l’intime conviction de n’être pas seule.

DOPPELGANGER

L’édition – tant attendue ! – de La Double vie de Véronique par MK2, ainsi que sa ressortie symbolique en salles le 15 février, sont une occasion unique de se replonger dans ce beau film énigmatique de Krzysztof Kieslowski, alors à mi-chemin entre la Pologne, son pays d’origine, et la France, où il finira sa carrière. Après un Décalogue qui avait commencé à rompre avec le côté relativement documentaire de ses films polonais, La Double vie de Véronique pose les bases de la future trilogie Trois couleurs. Le cinéma de Kieslowski y devient plus sensitif, plus aérien, plus féminin aussi, après un Décalogue encore largement dominé par les hommes. C’est aussi le film de la rencontre avec Irène Jacob, que Kieslowski retrouvera dans Rouge et qu’il contribuera à révéler (le rôle devait initialement être tenu par Andie McDowell). Elle trouve ici un de ses plus beaux rôles avec sa composition d’un personnage double, les deux faces étant à la fois similaires et complémentaires l’une de l’autre.

TROIS COULEURS : JAUNE

C’est dans La Double vie de Véronique que Krzysztof Kieslowski a clairement affirmé son dernier style. Après s’être petit à petit lancé avec Le Décalogue (dont les dix épisodes ont été éclairés par neuf chef-opérateurs différents), Kieslowski expérimente réellement avec la lumière avec l’aide du brillant Slawomir Idziak. Véronique est souvent à la limite du surnaturel dans ses teintes audacieuses, faites de verts et de jaunes qui imprègnent le film d’une irréalité sensible, douce. Film d’images mais aussi de son grâce à la fameuse partition de Zbigniew Preisner (signée sous le pseudonyme Van Den Budenmayer), et emportée par la voix de Véronique. S’il avoue lui-même n’avoir aucun sens du rythme musical, Kieslowski a néanmoins laissé Preisner imbiber le film de ses accords, puissants, exagérément beau et qui contribuent à faire de Véronique une expérience sensible, quasi-sensuelle, un amalgame de sensations pures. Le début du film nous fait scruter des indices, chercher des pistes. Pourquoi sont-elles deux ? Est-ce la même ? Mais des indices il n’y en a pas, juste une vague de sensations simples, directes.

VIS MES VIES

Ce que Kieslowski accomplit d’extraordinaire, plus ici que dans Bleu par exemple, c’est qu’il réussit à faire tenir debout son personnage et son parcours sans laisser la forme étouffer le reste de l’œuvre. Car La Double vie de Véronique reste un film limpide, qui ne va jamais plus vite que nous et semble lui-même se découvrir sous nos yeux. C’est un film d’une beauté très simple et accessible sur, comme le dit Kieslowski lui-même, la vie là-bas, et la vie ici, celle que l’on imagine, celle que l’ont vit. Qu’est-ce que je ressens, qu’est-ce que l’autre ressent ? Le tout est sans doute l’œuvre de Kieslowski la plus détachée des rythmes conventionnels, la plus aérienne. Mais tout a beau y être éthéré, tout reste tactile, palpable, comme en témoigne le fabuleux, mais tout simple, dernier plan. La Double vie de Véronique est mystérieux, mais il est frais, sans prétention, sans pose. C’est ça, le miracle Kieslowski.

par Yannick Vély

En savoir plus

Interactivité :

A l’instar des autres films de la collection Kieslowski chez MK2, cette édition propose quelques jolis et forts intéressants bonus proposés sur un deuxième DVD, la pièce centrale étant sans nul doute Kieslowski – dialogue, un documentaire de 52 minutes réalisé à l’époque du tournage et qui fait la part belle aux images de la réalisation du film, dénuée de commentaires extérieurs, ne laissant la parole qu’à Kieslowski et ses collaborateurs. Le tout est un document précieux, d’autant plus étonnant que rares sont les films de cette envergure, même maintenant, à bénéficier d’un traitement aussi captivant et approfondi.

Rencontre avec Irène Jacob est une interview d’un quart d’heure avec la toujours belle double héroïne du film qui revient en détails sur ses premières rencontres avec le metteur en scène et ses appréhensions au premier abord vis-à-vis du scénario.

Kieslowski, cinéaste polonais est un documentaire de trente minutes commenté par le critique Luc Lagier qui revient de manière assez détaillée sur la carrière du réalisateur.

Pour compléter cette superbe et étonnement complète édition, on trouve cinq courts-métrages réalisés par Kieslowski à ses débuts et montrant ses talents de documentariste.

L’ensemble, très joliment présenté, comme souvent chez MK2, s’avère quasi-indispensable pour quiconque aime ou voudrait mieux comprendre l’œuvre du cinéaste.

Partenaires