Coffret Ozu

Coffret Ozu
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Où sont les rêves de jeunesse Adaptation d’une célèbre pièce de Meyer-Förster – également mise en scène par Ernst Lubitsch en 1927 sous le titre Le Prince étudiant – Où sont les rêves de jeunesse ? mêle à l’humour potache et aux emprunts hollywoodiens des premiers films d’Ozu la nostalgie du passage à l’âge adulte. Le réalisateur japonais y conçoit son propre style, au moment où l’art muet, qui le fascinait et l’inspirait, prend fin à Hollywood

Une femme de Tokyo

Mélodrame bouleversant, tourné en seulement huit jours, Une femme de Tokyo puise son récit à la fois dans le film social américain et dans la réalité de la crise mondiale qui toucha durement le Japon. Le style d’Ozu se précise, avec l’attachement au cinéma muet condamné, insérant plans d’horloges, d’objets usuels et de reflets en contrepoint des scènes les plus dramatiques.

Histoires d'herbes flottantes

Avec Histoire d’herbes flottantes, Ozu quitte les faubourgs de Tokyo et adapte une intrigue amoureuse typique du cinéma muet hollywoodien. Porté par une mise en scène qui s’autorise encore le lyrisme de certains mouvements de caméra, le récit des amours et des jalousies est aussi la description attentive d’un monde. De cette œuvre au noir et blanc velouté, Ozu fera le remake en couleurs en 1959.

Récit d'un propriétaire

Pour son premier film d’après-guerre, Ozu traite avec distance une histoire réaliste, et gêne les spectateurs de l’époque éprouvés par la destruction du pays. Pourtant, en s’affranchissant d’un réalisme jugé par trop fictionnel, en le pliant à son style désormais affirmé, le cinéaste réussit un portrait critique de son époque.

Printemps tardif

Elu Meilleur film de l’année 1949 par la critique japonaise, Printemps tardif inaugure la période la plus célèbre de l’œuvre d’Ozu, et impose définitivement son art et sa manière. On y retrouve ses fidèles interprètes, Chishu Ryu et Setsuko Hara.

Crépuscule à Tokyo

Oeuvre à part, d’une noirceur singulière, dans la filmographie d’Ozu, Crépuscule à Tokyo dépeint les mœurs de la jeunesse d’après-guerre tout en évoquant, par son récit et ses décors, certaines de ses œuvres mélodramatiques du muet. C’est aussi son dernier film tourné en noir et blanc.

LE MYSTERE OZU

Félicitons d'abord le travail de l'éditeur Carlotta Films. En sortant sept films du maître japonais en DVD, six (Où sont les rêves de jeunesse ? Une Femme de Tokyo, Histoire d’herbes flottantes, Récit d’un propriétaire, Printemps tardif, Crépuscule à Tokyo) dans un magnifique coffret, un septième, Il était un père, en édition séparée, Carlotta effectue un vrai travail de cinéphile. Gageons que le grand public dvdvore découvre ainsi l'oeuvre d'un authentique génie du septième art. Cité en modèle par de nombreux cinéastes (Wim Wenders, Aki Kaurismäki), Yasujirô Ozu reste un metteur en scène relativement méconnu pour le spectateur occidental. Affublé à tort d'une réputation d'extrême lenteur, son cinéma simple et émouvant a pourtant une dimension universelle et intemporelle. Quiconque découvre aujourd'hui Voyage à Tokyo, sans doute son chef-d'oeuvre, est frappé par la modernité du regard d'Ozu et son infinie délicatesse pour évoquer des sujets aussi difficiles que la vieillesse ou la mort. Pour fêter le centenaire de sa naissance, Hou Hsiao-Hsien lui a rendu un bel hommage avec Café lumière. Retour sur un cinéaste hors norme, expert pour décrire les fêlures humaines.

LA REVOLUTION EN DOUCEUR

De Yasujirô Ozu, le grand public ne connaît finalement que la partie émergée de l'iceberg, principalement ses derniers films, les plus sereins et stricts sur le plan de la mise en scène, et ignore la première partie de sa filmographie, celle d'avant l'avènement du cinéma parlant. Pour bien comprendre l'impact du cinéma d'Ozu sur les réalisateurs contemporains, il faut en effet revenir aux origines de son parcours et saisir sa démarche artistique. Plus que tout autre réalisateur, il n'aura de cesse d'épurer son style, de revenir à la matière essentielle, les acteurs et le scénario, de débarrasser sa mise en scène de tout effet superflu. Les mouvements d'appareil et les effets de montage seront ainsi peu à peu bannis de son vocabulaire. Pourtant, dans ses oeuvres de jeunesse des années 20 et 30, il n'hésitait pas à imiter le cinéma américain. Alors amoureux d'Ernst Lubitsch, fasciné par la perfection technique des productions hollywoodiennes, il peaufinait avec l'aide d'un scénariste comédies romantiques et policiers (dont la plupart sont désormais hélas invisibles). Cette première carrière, qui constitue en nombre l'essentiel de la filmographie d'Ozu (trente des cinquante-quatre longs métrages du maître sont muets) est souvent ignorée à l'heure de l'analyse. Le réalisateur est réduit pour ses détracteurs à la mise en scène monolithique de ses derniers films, considérée comme une tare alors qu'elle marque juste une évolution intellectuelle, une façon de penser le cinéma

LA PARABOLE DU CUISINIER

Pour Yasujirô Ozu, une fois qu'un cinéaste a trouvé sa signature, il ne doit pas en changer. Il se comparait souvent à un cuisinier qui réaliserait chaque jour le même plat pour atteindre la perfection. "Je dis toujours que je suis un restaurateur de tofu, qui ne fait que du tofu. Une même personne ne peut pas créer des films si différents les uns des autres. D'ailleurs, on ne mange pas correctement dans un grand restaurant où l'on trouve de tout. Même s'ils apparaissent identiques aux yeux de tous, mes films expriment tous des choses différentes et j'y trouve un intérêt toujours renouvelé. Exactement comme un peintre qui s'évertue à toujours dessiner la même rose." (extrait de Ozu ou l'anti-cinéma de Kiju Yoshida, Actes Sud). Une approche du cinéma qui explique certainement sa réticence à abandonner le muet puis le noir et blanc, pour finalement céder aux sirènes de la modernité par souci d'appliquer les directives du studio. Dès Gosses de Tokyo en 1932, Yasujirô Ozu va perfectionner une narration et une mise en scène très personnelle, presque minimaliste dans laquelle la perfection des cadrages rivalise avec la douceur des rares mouvements de caméra. Son genre de prédilection sera tout naturellement les shomin-geki, récits sur la vie simple des Japonais de son temps. Son dispositif formel lui permet d'esquisser dans les moindres détails les élans qui traversent ses personnages d'anti-héros engoncés dans la routine de la vie quotidienne. Rires, pleurs, temps qui passe et qui porte à vif les cicatrices du passé: la caméra d'Ozu capte le moindre bruissement, le moindre soupir.

SIMPLE ET FUNKY

"Les films d'Ozu parlent du long déclin de la famille japonaise, et par-là même, du déclin d'une identité nationale. Ils le font, sans dénoncer ni mépriser le progrès et l'apparition de la culture occidentale ou américaine, mais plutôt en déplorant avec une nostalgie distanciée la perte qui a eu lieu simultanément. Aussi japonais soient-ils, ces films peuvent prétendre à une compréhension universelle. Vous pouvez y reconnaître toutes les familles de tous les pays du monde ainsi que vos propres parents, vos frères et soeurs et vous-même. Pour moi le cinéma ne fut jamais auparavant et plus jamais depuis si proche de sa propre essence, de sa beauté ultime et de sa détermination même: de donner une image utile et vraie du 20ème siècle." (Wim Wenders, extraits de Tokyo-Ga, documentaire sur le cinéaste nippon). On ne saurait mieux définir les thèmes abordés par le cinéaste. Ozu aimait les jeux de correspondance entre ses longs métrages, s'exerçant même à l'art du remake de ses propres oeuvres avec Bonjour, Herbes flottantes et Fin d'automne, comme un peintre qui reviendrait sans cesse dessiner le même modèle pour mieux en cerner les infinies subtilités. Décédé en 1963, le jour même de son 60ème anniversaire, Yasujirô Ozu a quitté le cinéma avant d'être reconnu sur le plan international. On ne lui connaît ni de vie privée, ni d'héritier légitime - son style est demeuré unique -, Ozu reste un mystère bien gardé.

par Yannick Vély

En savoir plus

Interactivité :

Le travail de Carlotta ne s'est pas arrêté à la simple et superbe réédition des films. On retrouve sur chaque DVD un précieux supplément. Sur le premier, un court métrage de 24 minutes, Kagamijishi, sur le deuxième, un autre court métrage, Un garçon honnête, sur le quatrième, également, un petit film, Amis de combat. Mais le clou des bonus est sur la troisième galette. En effet, un long périceux documentaire, Conversations sur Ozu y figure. 80 minutes d'analyses et de conversations avec les plus grands cinéastes contemporains, de Paul Schrader à Hou Hsiao-hsien. Essentiel.

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