Coffret Hal Hartley
Trust Me narre la romance atypique d’une adolescente en crise et d’un jeune électricien cynique, deux êtres en rupture, tandis que Simple Men relate le périple de deux jeunes hommes en quête de leur père, anarchiste activiste évadé de prison.
TRUST HIM
Aussi oublié aujourd’hui qu’il était novateur à son époque, le cinéma de Hal Hartley constitue avant tout un témoignage flagrant et émouvant d’un certain cinéma indépendant américain qui a pu voir le jour vers le fin des années 80 – et dont le livre Sexe Mensonge et Hollywood dresse un beau portrait. Bien moins commercial et grand public que les films de Tarantino, ceux de Hartley partagent pourtant les même références (Godard, le cinéma européen), mais les digèrent totalement pour aboutir à une œuvre à part entière qui se contente d’effleurer les genres au lieu de s’y plonger. La comédie romantique pour Trust Me, le road movie pour Simple Men, sont autant de genres cinématographiques que le cinéaste traite en « amateur » (pour reprendre justement le titre d’un de ses films), détourne de leur fonction première pour asséner un discours discret mais indéniable sur une société immobilisée dans son absence d’échange et de communication. Bourré d’humour, incroyablement juste et bien joué, l’oeuvre de Hartley n’a pas pris une ride et il demeure étonnant que ce cinéaste n’ait jamais obtenu de véritable succès public. Oublié depuis l’échec critique et public de son Henry Fool (malgré un prix du scénario à Cannes), Hartley semble ne pas remonter la pente, et se perdre dans la réalisation de courts métrages invisibles.
Quinze ans plus tard, alors que Jarmush, Gus Van Sant, ou Tarantino s’en sont sortis, il reste la plus grande victime de cette modification du cinéma indépendant effectuée en profondeur par des semi majors telles que Miramax. Pourquoi le cinéma de Hartley n’a t-il pas bénéficié de la reconnaissance publique qu’il méritait ? Sans doute parce que froids et cérébraux, parfois burlesques ou grotesques, ses films n’offrent que peu de prise à un spectateur auquel il offre pourtant un miroir. Tourné dans des banlieues telles que Long Island, Trust Me et surtout Simple Men, enfin distribués en DVD par TF1 Vidéo, et dans un beau coffret, font état d’un monde où la communication devient difficile, où chaque question trouve pour toute réponse une autre question, où les échanges sont parfois brutaux sans raison (Martin Donovan, en véritable double du cinéaste, qui assène des coups de poing à ceux qui se trouvent sur son passage dans Trust Me), où les liens familiaux n’existent plus, et où le moindre mot de travers peu entraîner la mort par arrêt cardiaque. Pas de doute, et la référence explicite à Bande à part (la scène dansée de Simple Men) le confirme, nous sommes bien dans une thématique proche de celle de Godard, que Hartley digère et assimile au cinéma américain. Simple, beau, et touchant, sublimé par les partitions de Ned Rifle (qui n’est autre que le réalisateur) le cinéma de Hal Hartley est à redécouvrir impérativement.
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Interactivité :
Pourquoi ce coffret, aux caractéristiques techniques par ailleurs agréables (notamment l'image, qui restitue fidèlement les teintes froides des deux films), contient-il si peu de bonus? Quelques filmographies et entretiens compensent mal l'absence, par exemple, de court-métrage, alors que le cinéaste en a fait tant. Dommage, même si en l'état la sortie de ce coffret reste un petit événement que l'on espère pas trop isolé.