Coffret Ed Wood
Tout le monde connaît Ed Wood, notamment à travers la splendide biographie filmée que lui a consacré Tim Burton en 1995 (Ed Wood, avec Johnny Depp). Mais rares sont finalement ceux à avoir vu ses films, à l’exception sans doute du célèbre Plan 9 from Outer Space, déjà édité en VHS il y a quelques années. Et Glen or Glenda ? Bride of the Monster ? Night of the ghouls ? Invisibles, pour la plupart… Jusqu’à aujourd’hui ! Ne mâchons pas les mots, la sortie dans un splendide coffret DVD de cinq des œuvres les plus célèbre du « maître », accompagnés de deux courts-métrages introuvables, est un véritable événement !
PLAN 9 FROM OUTER SPACE
Des extra-terrestres, exaspérés par la bêtise des humains, mettent au point le plan 9, qui consiste à faire revivre les morts pour marcher sur les capitales du monde. Un pilote s'opposera aux zombies pour sauver sa femme… Sacré plus mauvais film de tous les temps, ce "chef d'œuvre" d'Ed Wood paraît en effet, à première vue, incroyable de nullité. Gaffes à gogo et dialogues qui se contredisent, acteurs pathétiques (le mage Criswell, arnaqueur illuminé, l'ex-star de télé Vampira, l'ancien catcheur Tor Johnson), décors en carton à la limite de tomber à chaque instant et mise en scène approximative, les cadres étant plus qu'hasardeux et le montage fait à la va-vite. De plus, le vieil ami de Wood, Bela Lugosi, décède pendant le tournage. Qu'à cela ne tienne, des petits bouts de l'acteur filmé devant chez lui seront intégrés ça et là dans le métrage, tout à fait gratuitement, et son rôle sera repris par le dentiste du réalisateur, en tenant bien haut sa cape sous ses yeux. Wood fait tout: écriture, réalisation, montage, production (avec l'aide de pasteurs baptistes qu'il a entourloupés) et se donne à fond pour cette œuvre qui sera la plus connue de sa carrière. La passion qui transpire du film lui permettra d'avoir une seconde chance (ainsi bien sûr que l'hommage de Tim Burton) et de devenir culte.
GLEN OR GLENDA
Tim Burton a tellement marqué les esprits avec sa somptueuse biographie du plus mauvais cinéaste de tous les temps, qu’il est aujourd’hui devenu difficile de regarder Glen or Glenda, premier film d’Ed Wood, sans revoir Johnny Depp affublé d’un pull angora. Pourtant, aussi incongru que le film puisse paraître, et clairement aussi raté qu’on a bien voulu le dire, ce métrage s’impose paradoxalement comme une œuvre à part entière, celle d’un réalisateur dont les thèmes (la monstruosité, la différence sexuelle), les goûts (le pull angora), les obsessions, sont déjà bien présentes. Alors, Ed Wood, un auteur ? Et bien oui. Un auteur catastrophique, certes, incapable de choisir ou de diriger ses acteurs tous plus monolithiques que jamais, totalement inapte à placer une caméra, mais ayant une telle foi en son art et en ses capacités qu’il en vient à créer une forme de poésie désuète. Qu’on se le dise, pas un plan, pas une ligne de dialogue, n’est réussi dans Glen or Glenda. Maître étalon du nanar, aux côtés de l’invraisemblable Plan 9 from outer Space, Glen or Glenda constituerait presque une date dans l’Histoire du cinéma, tant les limites sont ici repoussées. Et voir l’inénarrable Bela Lugosi hurler face à la caméra des dialogues dépourvus de tout sens, reste d’une force évocatrice rarement atteinte.
Le coffret, indispensable, contient également les tout aussi foirés (ou réussis, selon le point de vue) Jail Bait (1954, avec pour la première fois à l’écran Steve Reeves, futur star mondiale dans Les Travaux d’Hercule), Bride of the monster (1956, dans lequel le catcheur débile Tor Johnson fait son apparition dans l’univers d’Ed Wood), Night of the Ghouls (1959, pseudo suite à Bride…).
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Interactivité :
Présenté dans un joli digipack et accompagné d’un livret de dix pages contenant textes biographiques et analytiques sur la carrière d’Ed Wood ainsi que quelques photos assez rares, ce coffret contient trois DVD sur lesquels sont proposés les cinq films en question. Sur le premier DVD, on retrouve le méconnu Jail Bait, ainsi que le fondamental Glen or Glenda. Sur le second sont proposés Bride of the Monster ainsi que l’énormissime et célèbre Plan 9 from Outer Space. Enfin le troisième DVD contient le film Night of the Ghouls et quelques bonus.
Notons tout d’abord le côté astucieux des menus. En noir et blanc, assez pauvres en regard de ce qui est proposé sur les éditions d’autres films, ils apparaissent finalement comme en adéquation totale avec les films proposés. L’éditeur ne cherche pas à en faire trop, et se met au contraire au diapason de l’œuvre. Un bon point, donc.
Si les bonus sont peu nombreux, ils brillent par leur caractère événementiel ! Outre les habituelles filmographies (ultra complètes ici) et les bandes annonces (celles de deux inédits d’Ed Wood), on trouve surtout deux courts métrages très rares :
- The Streets of Laredo, d’une durée de 19 minutes, est resté inachevé. Le tournage et le montage terminés, Ed Wood n’a jamais pu finaliser la bande son, faute de moyens financiers. Que reste t-il ? Un western intégralement muet dans lequel éclate malgré tout déjà tout le génie du cinéaste. Acteurs figés, les bras ballants, montage chaotique, cadrages hasardeux… Et surtout, un plan incroyable, involontairement drôle, dans lequel un cheval se met en travers d’un duel entre deux cow-boys, ceux-ci devant alors se décaler afin de continuer. On mesure là, dans ce plan pourtant court, toute la malchance d’un auteur sur lequel le sort est décidé à s’acharner.
- Crossroad Avenger, d’une durée de 25 minutes, et proposé en anglais avec sous-titres, est déjà plus connu car présentant la particularité d’avoir été tourné en couleur. Les dialogues y sont dramatiques, l’histoire (un sheriff venu enquêté sur un meurtre dans une petite ville du Far West) proche de l’incohérence la plus totale, et les acteurs dirigés à-la-Ed-Wood : figés, les bras systématiquement le long du corps, ils débitent des lignes de dialogues sur un ton monocorde comme s’ils jouaient dans un film de Bresson.