Coffret Douglas Sirk partie 3
LA FILLE DES MARAIS : En se rendant à la foire aux servantes du village, Karsten Dittmar assiste à une scène bien singulière : au tribunal a lieu le procès d’Helga Christmann, de la ferme du marais, qui supplie son ancien employeur de reconnaître l'enfant qu'elle porte. LES PILIERS DE LA SOCIETE : Une troupe de cirque quitte l’Amérique pour se rendre en Norvège. Après vingt ans d’exil, Johann Tönnessen appréhende son retour au pays. Là-bas, son beau-frère, le richissime consul Bernick, règne en seigneur sur la ville. Il s’apprête à lancer un vaste projet de chantier naval contre l’adhésion des pêcheurs locaux… PARAMATTA, BAGNE DES FEMMES : Londres, au XIXème siècle. Scabreuse et allusive, la chanteuse Gloria Vane fait scandale au théâtre Adelphi. Son amant, Albert Finsbury, est nommé capitaine aux colonies et doit partir en Australie, promettant à Gloria de revenir la chercher dans un an. Criblé de dettes, il falsifie un chèque avant son départ... LA HANABERA : En voyage à Porto Rico avec sa tante, la Suédoise Astrée Sternhjelm succombe aux charmes des lieux et du chevalier Don Pedro de Avila, qui règne en maître sur l’île. Au moment de repartir, Astrée s’enfuit retrouver Pedro et devient son épouse. 10 ans plus tard, sa vie est devenue un enfer...
DANS LA TOURMENTE
Avant son départ pour les Etats-Unis, Douglas Sirk s’appelle encore Detlef Sierk et travaille pour la prestigieuse société de production allemande UFA (Universum Film AG), organisme d’Etat sous le Troisième Reich. Connu pour ses convictions anti-nazies, Sirk a pourtant réussi à imposer pendant ces années troubles une sensibilité, un lyrisme et une signature bien à lui. Féru d’adaptations littéraires, le « maître du mélodrame », celui du Secret magnifique, de Tout ce que le ciel permet, affiche dès ses débuts un attrait irrésistible pour les héroïnes subversives, les dilemmes sentimentaux, le fossé entre les classes, la nature embrasée et les grands espaces. Ce troisième coffret édité par Carlotta présente quatre titres moins connus du grand public : deux adaptations (un roman de Selma Lagerlöf, un autre de Henrik Ibsen) et deux films qui ont consacré Zarah Leander. Actrice et chanteuse d’origine suédoise, elle devient la star de la UFA, l’égérie du cinéma allemand pendant le nazisme, notamment après la défection de Marlène Dietrich, opposée au régime et devenue entre-temps citoyenne américaine. Zarah Leander refusera néanmoins la carte du Parti, de même que la citoyenneté allemande. Son retour en Suède après la guerre – où elle devra se justifier de son succès en Allemagne – amorcera le déclin de sa carrière. Avec Paramatta, bagne des femmes et La Hanabera, les deux titres les plus intéressants et les plus « sirkiens » du coffret, Zarah Leander est au firmament. Douglas Sirk fait d’elle l’archétype de la femme tragique, amante suppliciée ou amoureuse éconduite.
FEMMES EN MIROIR
Effrontées, inflexibles, prêtes à l’exil et à tous les sacrifices pour prouver la force de leur amour, Gloria Vanes et Astrée Sternhjelm se retrouvent piégées par leur amant. La première s’accuse d’un crime qu’elle n’a pas commis. Un procès injuste l’envoie dans une prison pour femmes en Australie. La seconde découvre trop tard le vrai visage de son amant, le tyrannique Don Pedro de Avila. Abandonnées à leur pauvre sort, elles chantent et subliment leur détresse. Sirk revient littéralement aux sources du mélodrame. Parametta, bagne des femmes et La Hanabera sont entièrement voués à leurs héroïnes déchues, à leur beauté exquise et bafouée. A leur sens du sacrifice, Sirk oppose l’hypocrisie et les artifices de la haute société, les mensonges et la lâcheté des hommes. L’héroïne de La Fille des marais, elle aussi victime d’un procès expéditif, se heurte quant à elle aux préjugés d’une petite communauté rurale. A force de courage et de patience, elle fait taire les vipères, et réussit même à s’attirer la sympathie de sa rivale. Du prologue américain des Piliers de la société aux décors de carte postale de La Hanabera, Sirk joue avec les conventions, bouscule un récit parfois trop sage par d’incessantes recherches formelles (fondus, ellipses, ruptures de ton, stylisation à l’extrême…). Si La Fille des marais et Les Piliers de la société laissent entrevoir timidement les thèmes chers à Sirk (le Bien, le Mal, l’innocence et la corruption, le poids de la culpabilité…), Parametta… et La Hanabera révèlent le cœur de son cinéma : une héroïne solitaire, déracinée, mais qu’aucune tempête ne peut véritablement abîmer.
En savoir plus
Interactivité :
Chaque long métrage est accompagné d’une brève préface (de 4 à 11 min) signée Jonas Rosales qui revient sur la genèse, le contexte historique et quelques anecdotes. Paramatta, bagne de femmes et La Hanabera bénéficient d’un bonus plus consistant : un témoignage éclairant de Douglas Sirk sur son actrice Zarah Leander (28 min). Le documentaire Confinement et nostalgie (17 min) s’attarde quant à lui sur les principales thématiques de La Hanabera.