Coffret Amos Gitai
Devarim - Trois amis mènent une existence incertaine à l'approche de la quarantaine. Yom Yom - Marié à Didi, Moshe entretient une relation adultérine avec la belle Grisha que convoite également son ami d'enfance. Kadosh - Deux soeurs sont confrontées au pouvoir des hommes: Rivka, l'ainée est répudiée par son mari, Malka, sa cadette de dix ans, doit accepter un mariage forcé.
RESISTANCE
La vision de la trilogie des villes d’Amos Gitaï (Devarim, Yom Yom, Kadosh) permet d’appréhender l’incroyable cohérence de la filmographie de l’auteur d’Alila. Architecte de formation, Amos Gitaï met en scène des paysages humains. Il capte la tempête derrière le calme, le trouble sous le vernis de la quiétude apparente. Si son œuvre a pris ces dernières années un tournant manifestement plus politique avec sa trilogie sur l’histoire de l’Etat d’Israël (Kippour, Eden, Kedma), il a toujours conservé ce regard critique sur la société de son pays, n’épargnant jamais les autorités en place, qu’elles soient civiles ou religieuses. Ses premières incursions documentaires étaient déjà polémiques. Dès 1982, House, récit historique sur l’appartenance d’une maison de Jérusalem et son Journal de campagne tenu sur le front libanais – deux téléfilms réalisés pour la télévision israélienne qui le censurera sans condition – avait installé Amos Gitaï dans la position de poil à gratter du régime: un créateur capable de mettre en images les contradictions internes d’Israël, à la fois soucieux de faire la paix avec ses voisins mais entretenant, sciemment ou non, des sources d’exaspération. Amos Gitaï n’essaie pas de démontrer à tout prix les erreurs de tel ou tel gouvernement. Il retranscrit la réalité, enregistre les faits: la lente transformation d’une vallée, l’appropriation d’un quartier ou encore la construction du colonie en Cisjordanie.
PRISE DE POSITION
Devarim, Yom Yom et Kadosh sont moins orientés sur le discours politique. Filmée dans une période de calme relatif et d’espoir réel de pacification de la région, la trilogie des villes évacue à l’arrière-plan le conflit israélo-palestinien. La question de l’identité reste cependant omniprésente, notamment dans Yom Yom avec son personnage central entre deux cultures, hébraïques et arabes. Trois films, trois villes, trois tons. Devarim décrit des habitants de Tel Aviv, nostalgiques et sans certitude, des fils de pionniers confrontés à la peur d’avoir raté leur vie. Yom Yom suit les tribulations souvent hilarantes de Moshe, séducteur hypocondriaque qui doit prendre son destin en main, mais hésite sur la direction à suivre. Enfin, Kadosh, le plus connu des trois longs métrages, est une éprouvante plongée dans la communauté ultra-orthodoxe du quartier de Mea Shearim,où l’homme détient tous les droits sur son épouse, y compris celui de la répudier sous prétexte qu’elle ne peut avoir d’enfant. Formaliste perfectionniste, Amos Gitaï filme essentiellement des rituels, à travers des plan-séquences subtils et aériens. Tel-Aviv la moderne, Haïfa la populaire, Jérusalem la religieuse; pour chaque ville, il définit un rythme, un souffle, un battement de cœur. Mais l’on retrouve toujours à l’écran sa thématique principale, la difficulté pour des êtres déracinés de trouver un équilibre entre les aspirations individuelles et les obligations collectives et sociétales.
En savoir plus
Interactivité :
La trilogie est disponible dans un coffret quatre DVD exemplaire. Outre les trois films proposés dans des copies d’excellente facture, il comporte un DVD entier de bonus nombreux et variés. Au menu, des courts et moyens métrages du cinéaste, dont le simple mais édifiant Architectura sur l’inadaptation des tours d’immeuble à la vie orientale, des bandes-annonces et un long et passionnant entretien entre Amos Gitaï et Serge Toubiana intitulé sobrement Carnet de voyage (les deux hommes prennent le train jusqu’au Festival de la Rochelle).