Chignon d'Olga (Le) / Banqueroute

Chignon d'Olga (Le) / Banqueroute
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Le Chignon d’Olga: Julien et sa sœur Emma vivent, depuis un an, avec leur père Gilles, dans le deuil: la petite famille vit là son premier été sans mère. Banqueroute: Courtier en bourse et as de la magouille, Nicolas Lanson fait sauter la banque et prend la fuite avec la caisse. Il se lance alors dans un périple automobile, au cours duquel il rencontrera Charlotte

ANTIPODEENS

A priori, on aurait pu tracer parallèle plus évident. Soit, donc, un premier film au succès critique unanime et à la jolie trajectoire publique, qui fit d’emblée peser sur le jeune Jérôme Bonnell le poids déjà prégnant de l’attente au tournant. En face, un deuxième film aussi confidentiel que le fut le premier (A la belle étoile) de l’ambitieux Antoine Desrosières, sorti dans l’indifférence générale entre deux siestes estivales. Une année les sépare. Deux univers, deux propositions artistiques, s’y trouvent frontalement opposés. Le cinéma de Bonnell touche au microcosme familial, s’y faufile en douceur, posément, sans effets ni effusions - de sang, de larmes ou d’autre chose. Celui de Desrosières est un cinéma de l’expansion, de la disproportion, du mouvement: bohème, versatile - il ne tient pas en place. Antipodes théoriques: Le Chignon d’Olga, rédigé dans le cadre d’un concours de scénario, est un enfant sage, presque orthodoxe. Banqueroute, lui, est un enfant terrible, pari osé, improvisé de bout en bout et écrit après tournage. Antipodes pratiques: Le Chignon d’Olga eut les honneurs d’un tournage rapide et efficace - professionnel oserait-on dire - planifié avec minutie et sérieux. Banqueroute est un marathon de plus de quatre années, relevant davantage de l’artisanat, de l’économie de bout de ficelle et du "faisons toujours on verra après".

LES COLOCATAIRES

Au final, sans surprise, Le Chignon d’Olga se tient plus droit que son compère. Les ingrédients s’y mélangent plus harmonieusement, les grumeaux du hasard et des accidents sont évités. Une réussite, donc, soignée, propre sur elle, humble, référencée comme il faut dans une veine intimiste très franco-française et donc prometteuse. Banqueroute, de son côté, fait davantage office de vilain petit canard, boiteux comme de juste, pas assez rigoureux, un rien prétentieux. On peut s’en tenir là, sans doute, dans cette conception très raisonnable façon thèse/antithèse d’un cinéma convenable. Ce serait cependant fermer les yeux sur les passerelles entretenues entre les deux métrages. Et tout d’abord, une foi inconditionnelle envers le cinéma (pas le même, certes: Bonnell cite Chaplin, Desrosières le Godard d’A bout de souffle) en tant que moteur fictionnel auto-suffisant. En effet, malgré un rapport opposé à l’objet scénario, ce n’est pas l’histoire, les événements, qui régissent les deux films. Après tout, la maison en Beauce de Bonnell n’est pas le théâtre de quoi que ce soit d’inédit, et la virée en noir et blanc de Desrosières se fout bien de savoir si Demy sera coffré ou non. L’important n’est pas la narration, mais bien que la caméra soit témoin du déroulement dramatique. Et de ses acteurs. Voire: surtout de ses acteurs. Credo, résumé par le scénariste Philippe Barassat: toujours savoir ce que veulent les personnages. Ce que Bonnell et Desrosières recherchent, chacun dans leur coin, c’est l’expression d’une certaine vérité de l’instant, du geste, de la parole et des silences. Et leur point commun tient en ce que, à leur manière, chacun la trouve, au même endroit. Cet espace qu’ils partagent, c’est celui de la direction d’acteurs, ici imposée en maîtresse d’œuvre. On aimerait savoir si l’un et l’autre en sont satisfaits et s’ils apprécieraient de partager leur découverte mutuelle. On ne peut qu’élucubrer. Et faire joyeusement cohabiter ces colocataires inattendus.

par Guillaume Massart

En savoir plus

Interactivité :

Le Chignon d’Olga :

Bonne ambiance du côté des bonus du Chignon d’Olga. A commencer par une jolie sélection de bouts d’essais de l’excellente Florence Loiret-Caille, en plein apprivoisement de son rôle pétillant. Naturelle, drôle, rayonnante, la jeune actrice impressionne et nous conquiert. Dans le même sillage, Nathalie Boutefeu fait des étincelles à mesure qu’avancent ses répétitions de claquettes, tandis que Hubert Benhamdine, jeune Mathieu Demy en moins cerné, aborde le tournage avec le sérieux d’un professionnel. Le reste des bonus, s’il était encore besoin de le prouver, confirme que la réussite du film tient surtout en son casting. Le court métrage Infidèle, d’abord, sans réel intérêt de mise en scène et encore moins thématique, vaut surtout, à nouveau, pour Nathalie Boutefeu, dans un rôle complètement opposé à celui qu’elle tiendra dans le Chignon d’Olga. Mais c’est principalement l’interview croisée de la même Boutefeu, décidément omniprésente, et de Jérôme Bonnell, qui retiendra majoritairement notre attention. On y découvre un très jeune auteur d’une efficace discrétion et d’une touchante modestie (le making-of le confirme), entièrement dévoué à ses acteurs et respirant par et pour le cinéma. Plaisant.

Banqueroute :

Ici aussi, le court métrage joint aux bonus fait surtout office de brouillon du long. Folie douce pareillement improvisée, L'Hydrolution fait toutefois moins bonne figure que Banqueroute, par son flagrant manque d’unité et son utilisation pas franchement exemplaire de la post-synchro. Dispensable, donc, même si instructif sur le plan esthétique. Les interviews ainsi que les scènes coupées, en revanche, ne sont pas de trop pour mesurer l’ampleur du challenge qu’a pu représenter le tournage du film. Desrosières, passionné et bavard, revient sur son expérience avec force détails, ne négligeant aucun aspect de la production (tournage, montage, retournage, réécriture, remontage, re-retournage, musique, re-remontage, etc.) et faisant montre d’une sincère reconnaissance envers tous les acteurs du projet. On en retirera d’intelligentes leçons de scénario et une réflexion sur la musique du film, joliment complétée par un entretien avec le grand Dominique A.

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