Cannibal Holocaust

Cannibal Holocaust
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Une équipe de télévision avide d’images obscènes et de scoops graveleux part faire un reportage sur une tribu cannibale d’Amérique du Sud. Sans nouvelles des quatre journalistes, la chaîne envoie une équipe de reconnaissance pour les rapatrier au pays. Mais ce sont leurs cadavres que l’on retrouve, ainsi que les bobines du film qu’ils étaient en train de tourner. Et c’est en visionnant ces images que la vérité sur le sort que leur ont réservé les indigènes se fait jour…

EN PAYS CANNIBALE, LE CANNIBALISME EST MORAL

C’est un peu le syndrome du boomerang qui, sans prévenir, vous revient en pleine tête. Vingt-cinq ans plus tard, le brûlot sauvage de Ruggero Deodato revient nous hurler à la face son anti-conformisme au parfum de scandale, avec un sentiment d’actualité troublant. C’est à cette résistance au temps que se font remarquer les plus grands. Docu-menteur autant que docu-mateur, Cannibal Holocaust n’a rien perdu de son efficacité tapageuse et de sa pertinence provocatrice. Visuellement, d’abord, puisque c’est évidemment ce qui frappe au premier abord, "le film le plus controversé de l’histoire du cinéma", comme le hurle outrageusement la jaquette du DVD, n’a pas à rougir de son âge. Si l’ouverture autorise de légères craintes, avec son look trop typé eighties, la suite rend honneur aux qualités d’esthète de l’Italien déviant. Avec, évidemment, une mention toute particulière à l’objet du délit, à savoir les rushes du fameux documentaire, déconcertants précurseurs formels trash de tout un pan "fantastico-réaliste" du cinéma de genre, jusqu’au récent Projet Blair Witch. Caméra déchaînée à l’épaule, comme échappée d’un Dardenne, amorces de pellicule visibles, montage volontairement approximatif, cadrage travaillé pour sembler fortuit … Deodato impressionne par ses mises en abyme autant audacieuses que pernicieuses, superposant les regards intra- et extra-diégétiques, et ne se pliant à aucun compromis.

ANTHROPOPHAGES, FAUTE DE GOUT

Paradoxalement, c’est sur cette frontalité constante, adressée directement à l’intelligence morale du spectateur, et qui est la qualité majeure du film, que la critique de l’époque tiqua. On se remémore avec délice les quelques lignes lapidaires publiées par les Cahiers du Cinéma, incapables de faire la différence entre la dénonciation subtile et la vulgarité obscène: "A la limite on pourrait trouver drôle, voire sympathique ce mixte de je-m’en-foutisme formel et de naïveté intellectuelle, s’il n’était accompagné de trop d’hypocrisie et surtout d’un racisme primaire comme, je dois le dire, je n’en avais pas vu depuis longtemps". Il est à ce stade tentant de rapprocher la situation critique, à l’époque, de Cannibal Holocaust, de celle de Starship Troopers lors de sa sortie. Soudainement, Verhoeven devenait le chantre du totalitarisme, un Hitler de la caméra, un impérialiste forcené. L’analogie vaut d’autant plus lorsqu’on se souvient de la conclusion de la critique sus-citée: "De Ruggero Deodato, on peut dire, comme, en 1940, les Anglais de Mussolini: 'Si vous rencontrez cet homme, changez de trottoir’". Alors bien sûr, à ce mur d’incompréhension, plusieurs explications. En premier lieu, une campagne promotionnelle stupide (les bande-annonces présentes sur le DVD en témoignent… de même que l’actuel packaging, comme quoi rien ne change), parce qu’inutilement sulfureuse. Ensuite, le mystère volontairement entretenu par Deodato sur les circonstances du tournage, afin d’aviver les rumeurs de snuff et de viols. Enfin, la censure qui, armée de ses grands ciseaux, s’était amusée à amputer le film de plusieurs de ses scènes (dont le désormais célèbre dépeçage de tortue), alimentant les fantasmes les plus méprisables pour combler ces creux apparents. N’empêche, le temps passe, la fascination reste, et les vestes se retournent. Les Cahiers ont aujourd’hui réhabilité le chef-d’œuvre de Deodato et cette édition collector se dispute les honneurs de la presse dite respectable. Et Starship Troopers, dans tout ça? Idem.

par Guillaume Massart

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Interactivité :

Difficile de faire la fine bouche devant le remarquable travail fourni par Opening sur cette édition. On retiendra notamment la très instructive et érudite interview de Julien Sévéon du magazine Mad Movies (ainsi que sa coiffure… étonnante), qui vient joliment compléter la longue interview du sieur Deodato par Fathi Beddiar, parue parallèlement dans la revue. On portera également une attention toute particulière aux soixante minutes du "Cannibal Holocaust Documentary", qui brouille joyeusement les cartes d’un tournage dont nous ne connaîtrons jamais le fin mot. Après ces deux morceaux de choix, la conférence de presse de Deodato se montre moins savoureuse, mais pas pour autant dénuée de tout intérêt. Outre ces entretiens, le bagage habituel de tout DVD qui se respecte répond présent à l’appel, à savoir les scènes coupées (intégrées au montage du DVD), deux bandes-annonces, la sempiternelle galerie de photos et une filmo. On se permettra cependant de déplorer l’absence de The Last Road to Hell (éprouvant documentaire tourné en Ouganda, dont on peut voir quelques extraits marquants dans le film), uniquement disponible sur le zone 1 EC-UltraBit.

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