As Tears Go By

As Tears Go By
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Tributaire des Triades, Wah est partagé entre sa vie de voyou et son amour pour Ngor, sa cousine douce et réservée, la seule à lui faire envisager un avenir plus serein.

FAUX DEPART

As Tears Go By présente deux intérêts, son générique et son année de naissance. Premier long métrage de Wong Kar-Wai, cette variation fauchée de Mean Streets ne se démarque guère des polars hong-kongais des années 80. John Woo et ses Syndicats du crime ont instauré une nouvelle norme et ouvert la voie à tous les amateurs d'emphase lacrymale et d'hémoglobine héroïque. Wong, alors moins extravagant, obéit à un canevas sans surprise et étroitement encadré. Les voyous se donnent rendez-vous dans des coupes-gorges, pas un tripot suspect ne manque. Les trèves civilisées tournent court et les femmes en détresse attendent sagement à la campagne. Au regard de sa filmographie, As Tears Go By est la plus mauvaise copie de Wong. Deux intrigues se débattent en permanence: le polar schématique et d'un intérêt limité, la romance recluse et avec elle, la tentation de l'exil. Le deuxième horizon est de toute évidence celui qui excite le plus le styliste schizophrène. Bon élève mais un rien dissident, Wong cherche lui aussi à fuir un genre périmé. Les premières séquences dans l'appartement de Wah (Andy Lau) ne dépareillent pas avec ses prises de vue fétiches. Wong bredouille encore une histoire qu'il mettra dix ans à affiner. Le recyclage à tout-va (une version cantonaise de Take My Breath Away, emprunté à Top Gun) et les accélérations inspirées tentent de dynamiser un terrain d'affrontements rébarbatifs. Le personnage de Maggie Cheung esquisse timidement les imbroglios domestiques de Chungking Express, les parenthèses belliqueuses s'ouvrent et se ferment sur des écrans de fumée; Wong s'en souviendra pour Les Anges déchus. Même lesté d'un encombrant héritage, As Tears Go By finit par faire entrevoir une singulière signature. Le trio de tête (les juvéniles Andy Lau, Maggie Cheung et Jackie Cheung) reviendra dans Nos Années sauvages, second long métrage et vrai premier baptême.

par Danielle Chou

En savoir plus

Interactivité :

L'étui en carton, d'une sobriété exemplaire, est le seul véritable attrait de cette édition DVD. CTV International propose sept bandes-annonces maison et les brèves interviews de deux spécialistes du cinéma asiatique. Gérard Delorme (Première) et Fathi Beddiar (Mad Movies) reviennent sur les coulisses du tournage d'As Tears Go By et analysent le film sous un angle thématique et historique. Extraits et photos à l'appui, les journalistes offrent deux points de vue inégaux, le premier sur l'oeuvre de Wong Kar-Wai et ses récurrences formelles (Nos Années Triades, 15'52 min), le second, plus érudit mais aussi plus confus, sur l'industrie hong-kongaise et les nombreux emprunts d'As Tears Go By au cinéma américain (Jerry Bruckheimer, Paul Schrader, Tony Scott et Martin Scorsese pour Mean Streets) (WKW 80, 13'01 min).

Les noms propres et les titres de films cités ont beau s'afficher à l'écran, les non avertis se sentiront quelque peu perdus au milieu d'une avalanche de références plus ou moins évocatrices. Fathi Beddiar n'aura de toute façon pas le temps de les étayer, les clins d'oeil cinéphiles tenant lieu de commentaires. Sur le fond, les avis sont plus hésitants. Si les deux hommes reconnaissent qu'As Tears Go By est un film de commande sous influence, le premier s'inquiète de la santé mentale d'un formaliste en panne d'inspiration à force d'"exploiter le même filon" (2046 au piquet), le second y voit sans rougir le meilleur travail de Wong. Un bon travail de copiste en somme, qui "a déjà tout dit" en 1988 et n'a donc cessé de régresser par la suite. C'est réduire le cinéma de Wong à sa plus pâle expression, le ressassement et l'altération du souvenir étant les maîtres mots d'une filmographie plus nuancée qu'il n'y paraît.

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