Aram
Tous croyaient Aram mort. Pourtant, cet ancien militant arménien refait surface à Paris, et il a des comptes à régler.
Passé plus qu’inaperçu lors de sa sortie en salles en novembre 2002, à tel point même que votre serviteur FDC ne s’en est pas fait l’écho, le bon Aram de Robert Kéchichian mérite qu’on s’y attarde. Premier film de son réalisateur, assistant sur Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre notamment, Aram fait un pari ambitieux en France aujourd’hui: réaliser un film de genre noble et sérieux. Et le pari est réussi, du moins en partie. L’intrigue tourne autour du retour en France d’Aram, ancien militant de la cause arménienne et porté disparu depuis plusieurs années. Tout autour de lui gravitent la DST, un trafic d’armes, une organisation kurde, l’extrême droite turque, et la famille même d’Aram. Canevas complexe pour un film court (1h30), nerveux, avançant avec aplomb et talent. Le toujours excellent Simon Abkarian, dernièrement à l’affiche de Ni pour, ni contre (bien au contraire), s’impose avec talent dans le rôle-titre. Habitué aux deuxièmes rôles, il prouve de la plus belle des manières qu’il peut porter un film sur ses épaules.
Les personnages secondaires, parmi lesquels Mathieu Demy et Lubna Azabal, sont bien au-dessus de la moyenne du film français et la caméra de Kéchichian nous livre quelques scènes d’action courtes et tendues. En parlant d’image, le film ne prend jamais son 16mm comme une fatalité destinée à réduire le budget. Sûr de ses choix, assumant à fond son ratio 2.35, Kéchichian et son excellent chef-opérateur Laurent Dailland (déjà derrière Place Vendôme et Est-Ouest), créent une image granuleuse, dense, très belle et ambitieuse. Sans égaler Nikita (plus spectaculaire) ou le splendide Les Patriotes de Rochant, Aram n’a pas à rougir. L’échec sans appel d’un tel film laisse inquiet par rapport à l’avenir d’un cinéma de genre différent en France, écrasé par la vague du spectacle creux (Dobermann, Vidocq) et de l’amateurisme franchouillard (Belphégor).
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Interactivité :
La présentation, sobrement animée, et accompagnée de la musique du film, conserve l’esprit du premier long-métrage de Robert Kéchichian. L’édition n’est pas des plus riches en bonus, mais s’avère néanmoins intéressante par la présence de suppléments plutôt pertinents. Outre la bande-annonce, la galerie de photos et les filmographies fonctionnelles, un court-métrage et une série de scènes coupées figurent également sur le disque. Les scènes coupées recèlent peu souvent de perles négligées, et Aram ne déroge pas à la règle, malgré leur présentation par le réalisateur, qui s’attarde sur l’aspect inabouti des segments, le justifiant par une brève leçon de montage (absence de l’étalonnage et du mixage du son).
Bonus qu’on aimerait voir plus souvent, notamment sur les DVD de réalisateurs américains, le format court se retrouve souvent sur les éditions de films français, tels que ceux de Mathieu Kassovitz par exemple. Le court-métrage de Kéchichian, déjà intitulé Aram, permet justement de découvrir la source d’inspiration du long, dont le style et l’atmosphère sont déjà présents dans ce premier essai. Une dominante chromatique noire traverse cette version originelle sombre, froide et mélancolique, encore une fois agrémentée de mélodies aux sonorités arméniennes. Si la nationalité en elle-même ne joue pas un grand rôle dans l’histoire de ses films, elle transparaît cependant au travers d’un rapport au passé important dans l’œuvre de Kéchichian. On retrouve d’ailleurs, en dehors de la page des suppléments, une section nommée « Pour mémoire » qui établit un résumé de l’histoire de l’Arménie depuis la veille du génocide. Ce genre de texte informatif se retrouve généralement sur les DVD de films historiques. Loin d’être du niveau d’un Atom Egoyan, rien n’exclue la possibilité de voir Robert Kéchichian réaliser un jour un film sur ce passé qui le hante, comme beaucoup d’autres issus de la communauté arménienne. Robert Hospyan