Anguille (L')

Anguille (L')
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Takuro, après huit années passées dans un pénitencier, retrouve la liberté et ouvre un salon de coiffure. Désespérément muet, ne communiquant avec personne en dehors d’une anguille, il voit son existence bouleversée par l’arrivée d’une jeune femme qu’il se décide à engager pour l’aider auprès des clients.

Existe t-il palme d’or moins contestée que celle-ci durant les années 90 ? Lorsqu’en 1997, Isabelle Adjani, présidente d’un jury magnifiquement cohérent, annonce Shohei Imamura vainqueur pour la deuxième fois du Festival de Cannes (après La Ballade de Narayama), savait-elle qu’elle consacrait définitivement ce cinéaste comme l’un des plus grands auteurs du vingtième siècle ? La palme attribuée ex-æquo au pourtant très bon Goût de la cerise était même de trop, tant la suprématie de L’Anguille sur tous ses concurrents, y compris le film de Kiarostami, était évidente cette année là. Il y a dans ce film une telle jeunesse, un si grand sentiment d’originalité, que cette histoire pourtant lente et contemplative d’un meurtrier mis en liberté conditionnelle paraît plus proche du jeune cinéma japonais que de celui des contemporains du réalisateur. Imamura n’est pas Ozu, et encore moins Kurosawa, et avec tout l’amour que l’on peut porter à ces deux cinéastes, il faut bien reconnaître que les films du réalisateur de Pluie noire paraissent plus légers et accessibles. Et s’il fallait chercher un point d’ancrage pour le film, il faudrait aller du côté de Kusturiza et de son étrange Arizona dream. Comme le cinéaste yougoslave, Imamura a la particularité de dépeindre avant tout une galerie de personnages originaux, parfois proches de l’onirisme, et systématiquement drôles, plongés dans des situations singulières et surprenantes, au milieu d’un no man’s land. Le succès de L’Anguille a d’ailleurs permis a Imamura de reprendre une carrière interrompue trop tôt suite à un échec au box-office – celui de Pluie noire, justement.

L’Anguille, c’est avant tout l’histoire de ce repris de justice désirant se faire oublier, recommencer une vie plus calme durant laquelle il pourra expier la faute qui l’a conduit au meurtre de sa femme. Seul dans son salon de coiffure, il a pour seul compagnon son anguille, élevée dans la cour de la prison. Il y a quelque chose d’étrangement occidental dans ce récit d’un homme rattrapé par son passé – thème rebattu du cinéma américain, auquel De Palma a donné son meilleur représentant avec L’Impasse. L’originalité du film tient à la façon dont le cinéaste fait fusionner ce thème avec les siens. Personnages extraordinaires (au sens propre), monde du rêve, magnifiquement représenté par cette anguille, symbole de la vie passée de Takuro. Ainsi, les scènes de pêche méritent, à elles seules, le détour, tant elles sont symptomatiques d’un cinéma tournée entièrement vers la notion de rêve éveillé. Visuellement splendides, elles justifient pleinement l’achat d’un film méritant une seconde carrière.

par Anthony Sitruk

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Autant le film est beau, autant le support proposé est pauvre. Passons rapidement sur l’image, qui restitue plutôt bien la magie des scènes de pêche. L’on ne saurait faire à l’éditeur le reproche de ne pas soigner ses copies, soit. Mais un tel film aurait ô combien mérité quelques suppléments, ne serait-ce que les images de la remise du prix à Cannes, ou une interview du cinéaste. Il faut malheureusement se contenter de la filmographie d’Imamura, et du synopsis du film. Dommage, d’autant que le tout est emballé dans un boîtier dont la jaquette ne garde étonnamment pas la somptueuse affiche utilisée pour la sortie en 1997, et la remplace par une photo relativement terne du film. Bien entendu, il reste l’œuvre dans toute sa splendeur, et il est déjà heureux qu’un film ayant reçu un tel échec en salles (à peine plus de cinquante milles entrées à Paris) ait pu bénéficier du transfert DVD. Au final, c’est tout ce qui compte, mais il est bien évident qu’il y aura toujours un regret pour les vrais fans du film et du cinéaste.

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