Affreux, sales et méchants
Un bidonville, une famille nombreuse, un microcosme dans lequel les générations s’affrontent, les habitants vivent de larcins, les filles se prostituent, et le grand-père menace de tuer celui qui lui volera l’argent de son assurance vie.
DECADENCE DE L’EMPIRE ROMAIN
Prévu à l’origine pour être un documentaire, le film de Scola devient au fur et à mesure que sa production avance une fiction explorant d’une manière documentariste la banlieue romaine dans laquelle se débattent les habitants les plus pauvres. Affreux, sales et méchants reste ce que l’Italie a produit de pire, c’est-à-dire dans ce genre de cinéma décadent dont Ferreri était le chantre avec La Grande Bouffe, le plus fort, le plus drôle, le plus dérangeant. Un cinéma social avant tout, dans lequel la fiction restait anodine, et d’une violence morale, d’un humour noir et malgré tout réaliste, qui aboutissait en l’occurrence au film le plus gerbant de l’Histoire. Pour cela, Scola s’appuie avant tout sur un souci impressionnant du détail, grâce à une caméra scrutant par de longs panoramiques chaque parcelle de cet univers: les enfants ont la morve au nez, les époux se tabassent au fond du plan, les bébés sont trimballés de main en main, etc. Mais il s’appuie surtout sur un casting exemplaire fait de professionnels et d’amateurs, gravitant autour de l’immense et regretté Nino Mandredi, impérial dans le rôle du plus affreux de tous: le grand-père, c’est-à-dire l’argent (celui de l’assurance, suite à un accident qui lui a brûlé l’œil gauche) à portée de tous. Et l’argent, c’est ce qui rend ces pauvres - venus trouver à Rome des conditions décentes de vie et de travail – envieux, malhonnêtes, et d’autant plus affreux, sales et méchants. Une comédie tout à fait politiquement incorrecte, dans laquelle le discours social devient incroyable de violence et de pertinence. Une œuvre à redécouvrir impérativement, à condition d’avoir l’estomac accroché.