Acrobate (L')

Acrobate (L')
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Léon, un garçon de bain trentenaire, est aussi malheureux en amour qu’au travail. Souffre-douleur de ses collègues, il enchaîne sous leurs rires amusés les déconvenues amoureuses. Son inscription dans un cours de danse change sa vie du tout au tout. Ses dons pour le tango, danse latine et sensuelle, lui valent de nombreux prix et bientôt les faveurs de la belle prostituée Fumée...

MOI JE SUIS TANGO TANGO, J'EN FAIS TOUJOURS UN PEU TROP

De Jean-Daniel Pollet, on admirait (et admire toujours) les brillants essais filmiques: poésie indomptable de Méditerranée, bouleversante sobriété et puissance de L’Ordre, splendeur clair-obscure de Pour Mémoire (La Forge)… C’est donc avec curiosité et enthousiasme qu’on s’apprêtait à découvrir le pan fictionnel oublié d’un cinéaste complet, sautant sans complexe d’un format à l’autre (court, long, moyen), d’un support à l’autre (vidéo, 16mm, 35mm) et d’un genre à l’autre (documentaire, essai, fiction). On mesurera donc à cette aune l’intense déception que constitue cet Acrobate mal vieilli, tentative vainement comique de faire parler la figure à la Keaton du personnage de Claude Melki, modelée avec délicatesse dans deux courts métrages de belle tenue (voir les bonus). Quand le noir et blanc et la quasi-absence de dialogues de Pourvu qu’on ait l’ivresse et Gala ancraient l’univers fictionnel et musical de Pollet dans une intemporalité bienvenue, renouant en cela avec une certaine tradition de la poésie burlesque, L’Acrobate, au bagout trop marqué seventies pour encaisser le nombre des années (cf. Guy Marchand, verres fumés, perfecto et bécane), ronronne comme un gros chat fatigué, de tangos en tangos, de simili-slapstick banal en blagues grivoises peu nécessaires, et s’impose très vite comme le moins bon film de Pollet — en fait, le plus ordinaire. Qu’il puisse être vu comme l’ancêtre de Venus Beauté (Institut) n’y change rien: revoyez le film de Tonie Marshall et constatez comme, à son tour, il semble déjà fatigué. Les Editions de l’Œil annoncent depuis plusieurs mois un coffret DVD, sans cesse repoussé, rassemblant les principaux films-essais du cinéaste, de Méditerranée à Dieu sait quoi. Qu’ils se dépêchent: ce Jean-Daniel Pollet-là vaut, lui, tout l’or du monde.

par Guillaume Massart

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Interactivité :

Bonus majeur, par son poids, de cette édition DVD, l’enfilade d’entretiens élogieux livrée sous le titre Souvenirs autour de Jean-Daniel Pollet, est assez révélatrice du statut mineur de L’Acrobate dans la filmographie du cinéaste. Interrogés sur leur vieil ami décédé en 2004, Pierre-André Boutang, Jean-François Davy, Jean Douchet, Pierre-Henri Deleau, Jean Narboni et Noël Simsolo, tournent forcément en rond et en reviennent, inévitablement, au monument Méditerranée. Les divers interlocuteurs en venant de fait, souvent, à se répéter, on conseillera surtout de prêter oreille à Jean Narboni, qui en propose la meilleure synthèse.

Mais la véritable pépite du DVD se cache ailleurs et, pour tout dire, est double. Pourvu qu’on ait l’ivresse et Gala, deux courts métrages d’une vingtaine de minutes, s’imposent paradoxalement comme les véritables raisons de se procurer le DVD de L’Acrobate. Ces deux élégances dansées, tournées dans un noir et blanc soigné, révèlent le potentiel clownesque et mélancolique de Melki et dessinent ce que L’Acrobate aurait pu être, s’il s’était astreint à la rigueur muette de ces morceaux de bravoure swingués. L’on y songe notamment au Forman des premiers temps, période Les Amours d’une blonde ou Konkurs, l’audition, ce qui n’est pas rien. Et c’est alors qu’on met le doigt sur quelque chose: Pourvu qu’on ait l’ivresse et Gala, c’est encore 1958 et 1962 — L’Acrobate, c’est déjà 1976. Entre-temps, la Nouvelle Vague a cessé d’être neuve et Pollet, acteur méconnu du mouvement, a beau souffler, sa flamme n’est plus la même.

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