Cheval de guerre

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Cheval de guerre
War Horse
États-Unis, 2011
De Steven Spielberg
Scénario : Richard Curtis, Lee Hall
Avec : Niels Arestrup, Jeremy Irvine, Peter Mullan, Emily Watson
Photo : Janusz Kaminski
Musique : John Williams
Durée : 2h26
Sortie : 22/02/2012
Note FilmDeCulte : *****-
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Une histoire d'amitié entre Albert un jeune garçon et son cheval Joey. Vendu à la cavalerie britannique dans les premières heures de la Première Guerre mondiale, Joey est directement envoyé au front. Mais il est capturé par les Allemands qui n'hésitent pas à s'en servir dans les combats. Albert, qui est encore trop jeune pour s'engager, décide de se lancer dans une mission de secours pour libérer son cheval...

LE CHEVAL LE CHEVAL, CA M'A PRIS TRÈS TÔT

Déjouant sans cesse les attentes de ses fans, Steven Spielberg a la chic pour choisir des projets sortis de nulle part qui viennent soudainement se concrétiser alors que le cinéaste se traîne plusieurs arlésiennes cinématographiques parfois semblablement condamnées à ne jamais voir le jour (Lincoln, enfin tourné, mais surtout son film de science-fiction, Interstellar). Quand cette adaptation d'un roman et d'une pièce méconnus en France fut annoncée, avec ce pitch improbable d'amitié entre un garçon et un canasson, lequel d'entre nous ne fut pas dérouté au plus haut point? Nous étions nombreux à être en proie au doute. C'était oublier que s'il y a bien un metteur en scène capable de réussir un pari aussi casse-gueule, c'est Steven Spielberg. En effet, Cheval de guerre s'avère être une histoire parfaitement dans ses cordes, comme la rencontre entre E.T. et Empire du Soleil. Une double promesse d'émotion et d'ampleur. Les mauvaises langues, pour ne pas dire les abrutis, ont tôt fait de caricaturer le cinéaste dont il réduisent l’œuvre à un condensé de "bons sentiments", sempiternelle accusation dénuée de sens, et pour ce film-ci, les échos négatifs évoquent un film "manipulateur", autre qualificatif irréfléchi. Comme s'il y avait une honte à éprouver un quelconque sentiment communiqué par la mise en scène, alors qu'il s'agit du propre du cinéma. Toutefois, cela n'a rien d'étonnant tant Steven Spielberg semble avoir parfois un lien direct avec le cerveau et le cœur des spectateurs. Devant ses films, on se retrouve comme des pantins, répondant à chacun des choix, des plus élémentaires au plus complexes. Mais au-delà de l'efficacité redoutable et de l'universalité intrinsèque du cinéma de Spielberg, le metteur en scène ne cesse de nous étonner, par son incroyable inventivité, parfois à la pointe de la modernité (Minority Report, La Guerre des mondes, Tintin) et parfois inscrite dans une approche plus classique. Par bien des aspects, Cheval de guerre aspire à un retour vers un cinéma autre, oublié, et c'est paradoxalement en ressuscitant cette forme d'antan que Spielberg se renouvelle, signant un film sans doute mineur - si ces considérations présentent un quelconque intérêt, mais non moins réussi, même si l'ouvrage n'est pas exempt de maladresses.

LE CHEVAL LE CHEVAL, JE TROUVAIS CA TROP BEAU

Une fois de plus, l'impressionnante maîtrise de Spielberg transpire de chaque pore du film. D'un point de vue formel, l'essai est vraiment surprenant. En effet, il semble revenir à une esthétique old school, vis-à-vis de l’œuvre du cinéaste lui-même déjà et évidemment vis-à-vis du genre. Ainsi le film apparaît-il par moments comme un hommage à ses illustres modèles, qu'il s'agisse de John Ford, avec ces paysages et ces personnages qui renvoient à des films comme Qu'elle était verte ma vallée, ou de David Lean lors de la charge de la cavalerie qui évoque évidemment Lawrence d'Arabie. Et comment ne pas penser à Autant en emporte le vent durant la dernière scène? En référence à ces prédécesseurs, Spielberg a voulu faire du paysage un personnage à part entière, élargissant ses cadres au détriment du gros plan et même de la caméra portée qui lui est si chère depuis 1993 et sa rencontre avec Janusz Kaminski, devenu son chef opérateur exclusif. Lui aussi change de méthode en abandonnant les tonalités les plus froides et maussades auxquelles il nous avait habitués, pour une imagerie baignant parfois dans la lumière dorée du soleil, jamais délavée ou sinistre, même lors des passages les plus sombres, Cheval de guerre s'apparentant presque davantage à un conte sur fond de guerre. Spielberg ne souhaitait pas refaire Il faut sauver le soldat Ryan, par conséquent, la guerre n'est jamais filmée de la même manière. Au réalisme choc de ce dernier, le cinéaste substitue des idées de mise en scène inventives pour palier à l'horreur brute, se fondant de manière cohérente dans l'approche plus "poétique" du film, comme lors de la charge du camp allemand (laissant le montage entre les chevaux montés et les chevaux seuls remplir les blancs) ou de la scène du moulin. S'ouvrant sur une succession de plans survolant les champs, le film confère une importance particulière à cette terre, terre destinée à être massacrée par la guerre, terre vers laquelle les protagonistes inspirent tous à revenir, en bon personnages spielbergiens qui veulent "rentrer chez eux", Cheval de guerre annonce la couleur d'un film somme toute assez différent des Spielberg de ces dix dernières années.

LE CHEVAL LE CHEVAL, LE CHEVAL C'EST GÉNIAL

A vrai dire, plus qu'E.T. ou Empire du Soleil, le film auquel Cheval de guerre peut faire penser, c'est...Amistad. Dans le fond, les deux films n'ont absolument rien à voir, mais dans la forme, on retrouve ce même Spielberg capable du meilleur comme du plus lisse, qui semble n'avoir fait le film que pour quelques scènes-clé, souvent muettes et définitivement les plus fortes : le début avec la naissance et le dressage de Joey, la charge du camp allemand et le moulin donc, et surtout, la séquence du No Man's Land. Sans aucun doute, LA séquence dont tout le monde parlera, une des scènes les plus mémorables de la filmographie de Spielberg, sorte de mini-film dans le film, où l'on retrouve tout Spielberg, animé par la magie de la communication. Ce segment représente un peu le penchant optimiste et poétique de la discussion entre Avner et Ali dans les escaliers dans Munich, où deux hommes de camps opposés évoquaient le conflit qui les divise sans qu'aucune issue ne soit envisageable. Ici, la rencontre de deux hommes de camps opposés est porteuse d'espoir. Au même titre que Joey, principal protagoniste du film, muet, figure presque divine comme E.T., guidant le récit d'un camp à l'autre et vice-versa, symbole de l'espoir de communication entre les deux adversaires se livrant la guerre...ou entre un père et son fils. A propos du film, Spielberg dit qu'il ne s'agit pas d'un de ses films de guerre mais d'un film sur ce que cet être, de nature effectivement presque surnaturelle, apporte à chaque personne qu'il rencontre. Et le seul problème du film est là, inhérent à la structure du scénario, qui avance au gré des mésaventures du cheval - depuis sa ferme jusqu'au champ de bataille, traversant le conflit et ses divers aspects, parmi les soldats ou chez les civils, d'un camp à l'autre - et s'impose comme une chronique de la vie en temps de guerre, avec la focalisation du cheval comme prétexte. Le souci, c'est que cette approche impose presque fatalement une inégalité entre les vignettes, parfois trop classiques (le long mais nécessaire début à la ferme) ou superflus (le passage chez les français avec le personnage de Niels Arestrup et sa petite fille). En enchaînant Les Aventures de Tintin et Cheval de guerre, Steven Spielberg signe peut-être son film le plus "jeune" et son film le plus "vieux" coup sur coup, renouant avec un optimisme qui semblait l'avoir quitté dans les décennie précédente et s'offrant un rafraîchissant retour aux sources. Tour de force souvent impressionnant, parcouru de séquences qui transportent, Cheval de guerre se clôt sur une dernière scène belle à en faire hurler les cyniques, sublime d'un point de vue formel - avec ces silhouettes de profil découpées sur un coucher de soleil rougeoyant - et thématique, laissant le vrai fond du film apparaître, plus spielbergien que jamais.

par Robert Hospyan

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