Snowpiercer, Le Transperceneige
Snowpiercer
Corée du Sud, 2013
De Bong Joon-Ho
Scénario : Bong Joon-Ho
Avec : Chris Evans, Song Kang-ho, Tilda Swinton
Durée : 2h05
Sortie : 30/10/2013
2031. La terre n’est plus qu’une étendue gelée. Les derniers survivants sont à bord d’un train condamné à tourner autour de la terre.
LE TRAIN DE LA FOLIE
Cela fait une dizaine d'années maintenant que la nouvelle vague coréenne secoue le cinéma mondial. L'un des principaux artisans de cette renaissance est Bong Joon Ho, metteur en scène au style flamboyant qui, comme il l'a prouvé, peut s'adapter à tous les genres: polar, film de monstre, drame, science-fiction. Mais aussi différents que peuvent être ses longs métrages, il circule entre eux un grand thème commun. De même, des cinéastes aussi divers que Bong, Park Chan-Wook, Lee Chang-Dong ou Kim Ki-Duk sont travaillés par une question: celle de la folie. Cette folie s'exprime de façon tout à fait hétérogène: drames naturalistes autour de personnages mis dans des situations extrêmes chez Lee, approche poétique et surréaliste chez Kim, expression baroque de la folie par la forme chez Park. La folie s'exprime de manière encore plus directe chez des cinéastes méconnus chez nous - dans le totalement barré Self Referential Traverse, Kim Sun plonge Park Geun-Hye et Lee Myung-Bak (la présidente de Corée et son prédécesseur) dans une farce à l'hyper-violence bouffonne.
La violence et la politique: voici deux éléments clefs dans le paysage de folie tel qu'il est traité dans le cinéma coréen. Peppermint Candy, The President's Last Bang, Memories of Murder, autant de films politiques qui retracent en filigrane une histoire de la Corée, sa violence et sa brutalité encore récentes. On retrouve cette même brutalité dans Snowpiercer, Le Transperceneige dont la dimension politique est évidente. Le totalitarisme dans le train de Snowpiercer a une portée universelle comme l'indique cette Arche de Noé sur rails. Il est aussi directement lié à ce qui soucie le cinéma coréen, et Bong en particulier. La folie guette toujours chez le cinéaste, qu'il s'agisse du serpent de mer d'une fresque policière dans Memories of Murder ou d'une mère prête à tout dans Mother. La folie dans Snowpiercer, Le Transperceneige est celle d'une situation (les derniers survivants sur Terre parqués, classés par couche sociale dans un train qui tourne en rond) et par là même celle de ses personnages: gens d'en bas prêts à tout pour survivre, gens d'en haut prêts à tout pour garder leurs privilèges.
Bong Joon Ho sait donner de l'ampleur à son huis clos même si, étrangement, sa mise en scène est moins impressionnante que celle de Mother, probablement son œuvre la plus accomplie à partir d'un sujet moins spectaculaire. La shaky-cam ici ou là laisse place avec bonheur à une mise en scène davantage chorégraphiée (si possible à la hache). Si le sempiternel personnage d’élu à grosse voix (+ barbe) incarné par un Chris Evans monolithique fait souvent bailler, les performances d’équilibristes de Tilda Swinton et de Song Kang-Ho sont elles beaucoup plus réjouissantes. Bong Joon Ho parvient lui à signer un divertissement ambitieux, grand public, personnel et réussi. Vous avouerez que ça ne court pas les rues.