Lone Ranger
Lone Ranger (The)
États-Unis, 2013
De Gore Verbinski
Scénario : Ted Elliott, Justin Haythe, Terry Rossio
Avec : Johnny Depp, Armie Hammer
Photo : Bojan Bazelli
Musique : Hans Zimmer
Durée : 2h29
Sortie : 07/08/2013
Tonto, guerrier indien, raconte l’histoire méconnue qui a transformé John Reid, un ancien défenseur de la loi, en un justicier légendaire. Ces deux héros à part vont devoir apprendre à faire équipe pour affronter le pire de la cupidité et de la corruption.
COMPLETEMENT A L'WEST
Difficile de se faire une place dans le panorama surchargé des blockbusters de cet été, entre les franchises de super-héros et les films de science-fiction originaux, pour une adaptation d'un héros méconnu en France et relativement oublié du grand public même outre-Atlantique. L'unique argument de vente du trio derrière Pirates des Caraïbes résidait dans la promesse de voir appliqué au western le même traitement que le réalisateur Gore Verbinski, le producteur Jerry Bruckheimer et la star Johnny Depp avaient su apporter au film de pirates pour en faire un blockbuster à la fois classique et moderne. Malheureusement, ce produit (mal) calibré lorgne davantage du côté des derniers efforts de Bruckheimer, comme Prince of Persia. Pour une adaptation d'attraction, La Malédiction du Black Pearl avait créé la surprise en dynamisant le matériau de base par la création d'une mythologie propre, étendue dans les suites, certes plus bancales mais toutefois ambitieuses et assurant toujours le spectacle malgré les longueurs. Ici, il ne reste plus que les longueurs. L'ouverture, divisée sur trois temporalités, cristallise d'entrée tous les problèmes du film. Un prologue qui part d'une idée plutôt classe, rendant hommage à Little Big Man, avec son exposition de l'Ouest légendaire et son indien-relique, suivi d'un premier flashback, inutile et lourdingue, qui désamorce d'emblée le charisme des personnages, et le vrai retour en arrière racontant l'histoire depuis le début, commençant par une première scène d'action qu'on s'étonne de trouver si longue...avant de réaliser qu'il n'y en aura aucune autre avant deux heures. A elles seules, ces 25 premières minutes annoncent la couleur d'un film qui semble ne pas toujours savoir sur quel pied danser. Ou plutôt qui danse avec deux pieds gauches.
LOSE RANGER
Le dosage relativement foireux de l'humour dans le film fait évaluer encore plus haut le talent de Shane Black sur son blockbuster à lui de 2013, Iron Man 3. On peut tourner en dérision le héros, ou son sidekick, ou tout le monde en fait, mais quand cet exercice nuit à l'iconisation nécessaire, il y a un souci. Ce qu'il y a de génial avec Jack Sparrow dans les Pirates des Caraïbes, notamment le premier, c'est que son excentricité comique n'entrave jamais le charisme et le caractère iconique du personnage. Parfois, l'humour sert même l'iconisation (cf. l'excellente entrée du protagoniste). Dans Lone Ranger, il y a un problème concernant le personnage éponyme, commun à l'autre héros créé par George W. Frendle, le Frelon vert : son acolyte est plus mémorable que lui. Ainsi, à l'instar de l'adaptation signée Michel Gondry, c'est le partenaire "ethnique" (là-bas un chinois, ici un indien) qui semble être le vrai cerveau de l'opération. Mais Le Frelon vert avait au moins l'audace d'aller jusqu'au bout de cette théorie pop. Lone Ranger se voudrait le récit de la naissance d'un héros - comme l'indique son sous-titre français superflu - mais tout ce que l'arc aurait pu avoir de fort, en revisitant le classique "Refus de l'Appel" du monomythe selon Joseph Campbell, est anéanti par la peur du film d'assumer le premier degré. En effet, Verbinski & Co semblent parfois avoir honte de leur héros passé. Par conséquent, ils donnent plus ouvertement dans le cartoon, et on en vient à regretter Orlando Bloom, dont le personnage était au moins un peu plus incarné. Une fois de plus après Blanche-Neige, le talent d'Armie Hammer est au service d'une écriture ratée. Et qu'en est-il de Johnny Depp qui promettait que le challenge était de composer pour Tonto une performance complètement différente de Jack Sparrow? Et bien c'est à peu de choses près un copier/coller, un peu plus calme mais témoignant des sempiternelles mêmes mimiques. Il faut dire que son personnage suit à la lettre la formule de Pirates des Caraïbes, arc personnel de vengeance révélé à mi-film inclus.
SUR DES RAILS
Une infinité de personnages et aucun qui ne soit pas un archétype au parcours complètement prévisible, à l'instar de cette intrigue à base de complot inintéressant de chemin de fer et de mines d'argent. On comprend pourquoi la première version du scénario comprenait un élément surnaturel en la présence de loups-garous, histoire d'avoir une plus-value. En fin de compte, il manque au film une vraie valeur ajoutée. Lone Ranger se voudrait une réinterprétation épique du western mais derrière les belles images de Verbinski et son chef opérateur Bojan Bazelli, on s'ennuie terriblement face à ces constants allers-retours narratifs et spatiaux. A l'instar du troisième Pirates des Caraïbes, on s'enlise dans du blabla et une trame fonctionnelle en attendant péniblement d'avoir enfin une scène d'action et elle n'arrivera que lors du climax qui se fait plutôt poussif. En reprenant le thème de la série télévisée originale, qui n'est autre que l'ouverture de Guillaume Tell, le film abandonne toute vocation sérieuse et verse dans la gaudriole. Tout film ne demande pas à être investi de gravitas mais on a du mal à ressentir une véritable implication. Une fois de plus, c'est un choix délibéré, assumé, mais qui tue dans l’œuf toute l'ampleur de la séquence et s'avère à peu près aussi drôle que le reste des blagues du film, à base de cheval alcoolo et de lapins cannibales. Et de Johnny Depp qui fait les gros yeux, évidemment.