Les Nuits d'été
France, 2014
De Mario Fanfani
Avec : Jeanne Balibar, Guillaume de Tonquedec
Durée : 1h40
Sortie : 28/01/2015
Metz 1959. Michel, un respectable notaire de province et sa femme Hélène, qui partage son temps entre les œuvres caritatives et l'éducation de leur fils, forment un couple exemplaire. Le tableau serait banal si Michel ne dissimulait un lourd secret : tous les week-end, il s'absente dans sa résidence secondaire, pour devenir Mylène sous le regard de Flavia, travesti expérimenté et ancien camarade de la drôle de guerre. Sous son influence, le lieu devient la Villa Mimi, point de ralliement d’une petite communauté d’hommes qui jouent librement à être des femmes…
UNE ROBE D’ÉTÉ
Un film historique centré sur des crossdressers ? Ce n’est pas la seule surprise de ce curieux film français difficile à apprivoiser, à la fois drôle et sérieux, où les apparences sont trompeuses mais où ce qu’elles révèlent n’est pas forcément moins trompeur. Cinématographiquement, mais aussi dans le récit-même, les premiers abords sont classiques. Le couple bourgeois mène une vie normale de notables de province, la guerre d’Algérie n’est qu’un arrière-plan étouffé, et à l’image de leur maison bien entretenue, le film entier se présente sous un jour à la fois solide, propre et un rien désuet. Format d’image à l’ancienne, photo parfois légèrement floue comme dans de vieilles photos de familles... Déjà, le cadre a priori très classique du film d’époque prend des allures un peu singulières. Comme dans une scène de chasse où, à mesure que la brume envahit l’écran, on se retrouve plongé en pleine fantasmagorie. Et pourtant, aussi récurrente soit-elle (un long plan fétichiste sur les mollets de Jeanne Balibar), cette étrangeté ne prend jamais clairement le dessus. Comme un arrière-goût entêtant, comme un faux-semblant de plus.
Parmi les autres trompe l’œil, il y a la guerre d’Algérie, dont la fonction semble d’offrir un contrepoint viril d’où les vrais hommes sont absents, et qui révèle la force des femmes (Jeanne Balibar et son discours). Et bien sûr il y a cette histoire de travestissement. A la fois au cœur du récit et pourtant bizarrement traitée en creux. Aucune explication psychologique n’est abordée, pas plus que le potentiel subversif. Sur ce point, le traitement est d’ailleurs volontairement différent d’Une nouvelle amie d’Ozon, avec qui il partage néanmoins le goût du ludique. Les travestis sont ici traités avec dignité, mais toujours au bord du too much, du franchouillard qui tache, accent régional inclus. Les Nuits d’été n’est pas un film à thèse, choisit de ne pas analyser ou de faire de sociologie (c’est dans doute le point sur lequel il se démarque le plus du tout-venant du cinéma français), préfère la juxtaposition poétique, et tant mieux. Plus d’une fois, Les Nuits d’été semble « sur le point de ». De dévoiler quelque chose de gros, de s’emballer, de retourner la situation… S’il y a une légère frustration à ne pas voir certaines pistes pleinement exploser à l’écran, il y a un vrai plaisir à prendre devant ce mélange de nostalgie, de trivial et de mystère. Il y a surtout dans cette réécriture et réappropriation queer d’un épisode de l’histoire de France, où si un jeune soldat devient un homme, c’est uniquement grâce à la fréquentation de travestis. Pas banal.