Les Mille et une nuits - l'enchanté
Portugal, 2015
De Miguel Gomes
Scénario : Miguel Gomes
Durée : 2h05
Sortie : 26/08/2015
Où Schéhérazade doute de pouvoir encore raconter des histoires qui plaisent au Roi, tant ses récits pèsent trois mille tonnes. Elle s’échappe du palais et parcourt le Royaume en quête de plaisir et d'enchantement. Son père, le Grand Vizir, lui donne rendez-vous dans la Grande Roue. Et Schéhérazade reprend : « Ô Roi bienheureux, quarante après la Révolution des OEillets, dans les anciens bidonvilles de Lisbonne, il y avait une communauté d’hommes ensorcelés qui se dédiaient, avec passion et rigueur, à apprendre à chanter à leurs oiseaux... ». Et le jour venant à paraître, Schéhérazade se tait. 3ème volume des mille et une nuits
NUIT BLANCHE
La nuit touche à sa fin avec ce dernier volet de la trilogie Mille et une nuit de Miguel Gomes. Une nuit longue et folle, d’abord assommante (dans le premier volume) puis enivrante et hilarante (dans le deuxième). De mieux en mieux, donc ? Sauf que ce troisième film (L’Enchanté) est à mi-chemin entre les deux premiers, offrant plutôt un résumé de l’expérience totale plutôt qu’une conclusion en beauté. On y trouve pourtant encore plus d’humour, de décalages et d’anachronismes. Devant la caméra de Gomes, qui amalgame avec ludisme les frontières et les époques, l’ancienne Bagdad et ses trésors se révèlent être en fait… le port de Marseille et ses petites frappes. Autre nouveauté : l’apparition du texte, qui se substitue à la parole de Shéhérazade. Un texte superposé aux images, qui elles-mêmes se superposent à d’autres, se découpent en split screen, laissant un temps entrevoir une folie visuelle à la Greenaway.
Mais pour filer la métaphore nocturne qui sied bien à un film aussi onirique et secret, on peut dire que le jour point progressivement, et que les mystères du film vont être non pas révélés, mais hélas affadis, ternis. Si le tout premier volume commençait par un réalisme documentaire, l’irréel et le surnaturel ont fini par prendre toute la place, et c’est un retour au réel qui clôt également cette trilogie. Un réel pas dénué d’absurde mais qui souffre à nouveau d’une interminable langueur, d’un rythme paradoxalement propre à l’endormissement. On sort de la trilogie de Gomes comme d’une nuit blanche, avec une certaine gueule de bois et une fatigue peu excitante, mais aussi avec une impression plus rare et précieuse : celle d’avoir fait un rêve curieux. Un rêve dont les éléments semblent hétéroclites, insensés, mais qui résonne tout de même curieusement avec notre vie quotidienne. Si à Cannes, de nombreux spectateurs s’étaient effectivement endormis devant le premier volet, ce sont finalement ceux qui ont su rester éveillés qui ont le plus rêvé.