Les Acacias
Acacias (Las)
Argentine, 2011
De Pablo Giorgelli
Scénario : Pablo Giorgelli, Salvador Roselli
Avec : Narya Calle Mamani, Germán De Silva
Photo : Diego Poleri
Durée : 1h25
Sortie : 04/01/2012
L’autoroute qui relie Assomption à Buenos Aires. Un camionneur doit conduire une femme qu’il ne connaît pas. La femme n'est pas toute seule. Elle a un bébé. 1500 kilomètres restent à parcourir.
ROAD TO NOWHERE
Les Acacias est-il un road movie ? A priori : oui, tout à fait. Le film se passe effectivement sur la route, à l’intérieur même d’une voiture la plupart du temps, et parle d’un voyage aussi bien géographique que spirituel, enfin du moins en théorie. Le long-métrage de Pablo Giorgelli commence pourtant sur une piste un peu moins familière. Avec son absence relative d’explications sur le background de ces personnages, son unité de lieu assez restreinte et surtout une absence de dialogues assez remarquable, il semble prendre la voie d’une sorte d’un mini-radicalisme surprenant et bienvenu. Et patatras, un élément soudain vient faire tout basculer. Non pas un événement dans le récit mais un élément du film jusqu’ici ignoré, dont on craignait le pire et auquel on pensait avoir réchappé : l’irrésistible bébé mignon. A mi-film, le bambin jusqu’ici très discret se met à faire son grand numéro (composé de la sainte trinité pouponne : risette, pleurs et couches à changer au moment le plus inopportun, ho ho). Dès lors, fatalement, le public potentiel se renverse de joie et d’émotion à l’unisson, le héros bougon et taiseux commence à voir sa carapace se fissurer, et le film ne sera plus vraiment le même.
Alors qu’on espérait que cette singularité irait en s’amplifiant, on tombe au contraire dans le plus familier des films-world-gentils. Alors évidemment, il ne faut pas juger le long métrage sur ce qu’il n’est pas, ni parler de déception face à ce qu’on aurait aimé y voir (et puis : comment vouloir être méchant avec un film gentil ?) mais Les Acacias devient tellement prévisible, si commun qu’il finit par manquer de personnalité propre. Tout en restant tout à fait regardable, il ne se départit jamais d’un solide sentiment de déjà vu. Ailleurs, dans d’autres films, sur tous les fonds exotiques possibles (enfant de Kaboul, cerf-volant chinois etc…). Las Acacias rentre dans la grande famille des films à bébé, comme si la moindre tête de poupon était un tampon magique à coller sur le passeport d’un film pour lui garantir une exportation et lui faire hériter d’un public acquis. Du coup, le bébé-movie est-il soluble dans le road movie ? En théorie pourquoi pas, mais Las Acacias n’y parvient qu’à moitié. La réussite d’un road-movie se mesure en partie sur son dénouement : sur le chemin mental accompli au fil du déplacement géographique. Ce chemin-là est ici prévisible (le bébé fait craquer le héros, qui du coup craque aussi pour la maman), pas très habile (la scène de déclaration finale, sans spoiler, est assez décevante par sa banalité), et surtout inachevé, car l’amour naissant n’est ni réciproque, ni clairement rabroué, mais laissé au prochain épisode. Une non-conclusion qui laisse un peu sur sa faim, et qui surtout rend rétrospectivement les enjeux du film assez banals.
Revenons un instant sur la Caméra d’or, décernée cette année au film par un jury présidé par Bong-Joon Ho. Le réalisateur coréen a-t-il été sensible à un exotisme si éloigné de son cinéma ? Plus sérieusement, que le prix soit perçu comme une récompense pour un très bon film, ou plutôt comme un encouragement à aller de l’avant, un pari sur une carrière à venir, on ne peut que se demander s’il n’y avait cette année des candidats autrement plus surprenants, plus contemporains, des films avec plus de personnalité ? Quoi qu’il en soit Las Acacias, qui vient d’être également primé à San Sebastian, ne devrait avoir aucun mal à trouver son public.