Chemin de croix
Kreuzweg
Allemagne, 2014
De Dietrich Brüggemann
Durée : 1h47
Sortie : 29/10/2014
Le quotidien de Maria, 14 ans, ressemble en apparence à celui de n'importe quelle adolescente. Mais sa vie est conditionnée par les préceptes de la communauté catholique fondamentaliste dans laquelle elle vit...
CROIX DE FER
Dans l’interview qu’il nous a accordée, Dieter Kosslick, sélectionneur de la Berlinale, cite Dietrich Brüggemann (lire notre entretien), réalisateur de Chemin de croix (Kreuzweg), parmi les réalisateurs qu’il est fier d’avoir amenés en compétition. Il peut l’être. Car peu de films dans la course à l’Ours d’or auront été plus forts que Chemin de croix cette année. Ce long métrage raconte le chemin de croix d’une jeune fille allemande qui suit une éducation religieuse extrêmement stricte. Si le long métrage de Brüggemann peut parfois évoquer le cinéma d’Ulrich Seidl, il y a une différence fondamentale entre les deux réalisateurs et Chemin de croix n’est pas un remake de l’impressionnant Paradis : Foi. Chez Seidl, les héroïnes construisent leur propre enfer en cherchant l’amour là où il ne se trouve pas. La jeune héroïne de Chemin de croix, Maria, est une victime. Celle d’une idéologie qui l’écrase, qui structure sa vie (avant la religion, elle n’était rien, comme le commente un séduisant prêtre) et qui voit Satan partout, même dans le moindre biscuit.
Brüggemann chapitre son film en autant d’étapes du chemin de croix de Jésus. Son cadre est quasi-immobile ; on ne dénombre que 4 mouvements de caméra pendant tout le film : deux travellings qui se succèdent lors d’une séquence, un panoramique et enfin un plan de grue. Pour chacun de ces mouvements, un décrochage dans la narration. Si chaque cadre est pensé, la mise en scène de Brüggemann ne pointe pas une épée de Damoclès sur ses personnages. Elle essore les situations, rend incroyablement intense la moindre discussion. Le premier plan séquence laisse déjà pantois par son ambition et sa puissance.
Chemin de croix n’est pas non plus un film à charge. Le réalisateur nuance son propos qui n’est pas intrinsèquement anti-religieux : pour un portrait d’une mère folle de dieu, d’autres personnages croyants qui ne sont pas des Monstroplantes. C’est la manipulation mentale qui intéresse le cinéaste, le fondamentalisme qui pousse une brebis dans ses retranchements. L’humour noir et absurde donne de l’air à ce récit, comme lors de ces discussions sur les musiques sataniques aux rythmes proprement démoniaques, par exemple lorsque les élèves courent, lors de leurs leçons de gym, sur… du Roxette. Certains, lors d’une même situations, voient dans Chemin de croix un miracle ou un enfer. Ce qui est sûr, c’est que malgré toute la bienveillance de dieu, sa poignante héroïne est seule au monde.