Fuocoammare, par-delà Lampedusa
Fuocoammare
Italie, 2016
De Gianfranco Rosi
Durée : 1h48
Sortie : 28/09/2016
Située à 200 kms de la côte sud de l'Italie, l'île de Lampedusa est le port d'accueil de centaines de migrants espérant s'installer en Europe et y trouver une vie meilleure. Le réalisateur Gianfranco Rosi a passé des mois sur cette île de la Méditerranée, apprenant son histoire, sa culture et la manière dont vivent ses 6000 habitants. Ce documentaire se focalise sur la vie du jeune Samuel, 12 ans, un garçon né à Lampedusa.
LA VIE DES AUTRES
Trois ans après son Lion d'or offert avec grande générosité par Bernardo Bertolucci à Venise, le réalisateur italien Gianfranco Rosi a cette fois été sélectionné à la Berlinale avec son nouveau documentaire, Fire at Sea. Le flux continu de migrants arrivant sur l'île de Lampedusa offre au film un sujet bouillant d'actualité. Mais, autant que les drames vécus par les migrants, Rosi raconte la vie des habitants autour. Comment peut-elle continuer ? Dans quelles conditions ? Le réalisateur s'invite chez une dame pieuse qui prépare sa cuisine du dimanche tandis que le transistor énumère les nouvelles arrivées et les corps repêchés. L'instant d'après, on oublie et on passe à un morceau de variété italienne ringarde. Rosi s'attache également à un garçonnet charismatique, au bord de la caricature du garçonnet-clown de cinéma. Celui-ci confectionne un lance-pierre comme s'il s'agissait de la chose la plus sérieuse du monde – à ce moment précis, dans son monde, c'est certainement le cas. Quelque chose se joue autour, à quelques pas, et dont il n'a pas conscience.
Le Fuocoammare du titre original (Fire at Sea pour le titre original) est évoqué par une grand mère qui se souvient d'un temps en guerre. La vie pourtant s'écoule sur l'île. Un médecin avoue qu'on ne peut pas s'habituer aux cadavres. Le film est-il indécent ? Difficile en tout cas de traiter de cette situation en y jetant un voile pudique. On entend des enregistrements glaçants d'hommes et femmes appelant à l'aide et dont les embarcations sont proches de couler. Le garçonnet italien va chez son médecin, cabotine avec emphase sur ses bobos. Le public rit. Mais la situation est-elle si légère ? La scène suivante, Rosi donne à voir des migrants qui arrivent en morceaux. Les malheurs quotidiens semblent alors bien peu de choses en comparaison – quitte à ce que la mise en perspective manque de finesse et de subtilité. Derrière ses apparences confortables et bien-pensantes, Fire at Sea parle aussi d'une certaine indifférence. La scène la plus puissante, et la plus désespérée, est celle du chant d'une sorte de griot racontant le périple subi, persuadé qu'il est plus risqué de ne pas prendre de risque.
L'Oursomètre: Le sujet fort et actuel, le traitement accessible de Rosi, la tradition politique de la Berlinale - tous les voyants sont au vert émeraude pour que Fire at Sea se glisse aux plus hautes marches du palmarès.