Les Elues
Elegidas (Las)
Mexique, 2015
De David Pablos
Scénario : David Pablos
Durée : 1h45
Sofia, 14 ans, est amoureuse d’Ulises. A cause de lui, et malgré lui, elle devient la proie d’un réseau de prostitution. Pour l’en sortir, Ulises devra lui trouver une remplaçante..
LES NOUVEAUX MACS
Premier long métrage d’un réalisateur venu du Mexique, Les Elues est un film très beau... à défaut d’être un très beau film. En effet, l’ordre des mots a ici son importance. Sens du cadre, de la couleur, de la composition… David Pablos prouve dès ses débuts qu’il sait créer des images qui percutent la rétine, et tout le monde ne peut pas en dire autant. Mais des belles images font-elles une bonne scène ? A l’image d’une scène de split-screen horizontal, visuellement marquante mais dont on se demande quel est le sens, on s’interroge parfois sur le bien-fondé de toute cette beauté. En outre, et sans vouloir jouer à la police de la morale, il y a quelque chose de curieux à voir des destins si sombres et cruels enveloppés dans un tel écrin esthétique. Pour un peu, ce harem de mineures prostituées ressemblerait presque à une location de vacances.
En terme de représentation de violence sociale, Les Elues ressemble tout à fait au cinéma mexicain tel qu’on le connait et le montre à Cannes (Los Bastardos, Despues de Lucia…). Des films qui ont en commun de montrer sans concession une société ultraviolente et sans justice, mais qui n’ont pas tous un point de vue satisfaisant sur la violence qu’ils dépeignent. Dans Les Elues, la violence physique est hors champ, mais jamais très loin. Si David Pablos ne montre pas l’héroïne se prendre des coups de ceinture, il s’assure que le bruit des coups nous parvienne, et ce de plus en plus fort. Même chose pour les scènes de sexe, qui reposent pourtant sur une bonne idée : plutôt que de filmer les rapports eux-mêmes, Pablos filme les visages des clients successifs, comme dans un improbable défilé de photos d’identité, mais place par-dessus des halètements et d’autres bruits de coups. Pas très subtil, au final.
Mais l’ambiguïté la plus entêtante, la maladresse qu’on préférerait ne pas remarquer, c’est celle du titre. Les élues, au féminin pluriel, ce sont toutes ces jeunes filles kidnappées et retenues dans des harems pour prostituées. Le film ne s’attarde que sur deux d’entre elles, mais les laissent progressivement de côté pour se concentrer sur le vrai protagoniste du film : Ulises, le petit ami de l’une d’entre elles, qui l’a vendue pour de l’argent et qui le regrette aujourd’hui. Or c’est sur sa culpabilité à lui que s’attarde le film. Pourquoi pas, mais pourquoi dès lors nommer le film ainsi ? La propre violence de ce jeune héros, qui ne remet jamais en perspective sa souffrance par rapport à celle de ces filles, n’est jamais clairement abordée. Comme si c’était lui qu’on était censé plaindre ? Bizarre et dommage. On espère que Pablos rectifiera le tir et mettra sa science de l’image à profit d’un récit moins suspect.