Reality

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Reality
Italie, 2011
De Matteo Garrone
Scénario : Maurizio Braucci, Ugo Chiti, Matteo Garrone, Massimo Gaudioso
Photo : Marco Onorato
Durée : 1h50
Sortie : 03/10/2012
Note FilmDeCulte : *-----
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Au coeur de Naples, Luciano est un chef de famille exubérant qui exerce ses talents de bonimenteur et de comique devant les clients de sa poissonnerie et sa nombreuse tribu. Un jour, poussé par ses enfants, il participe sans trop y croire au casting d’une émission de télé-réalité. Dès cet instant, sa vie entière bascule, déformée par le prisme de la téléréalité : Plus rien ne compte désormais, ni sa famille, ni ses amis, ni son travail ni même la petite arnaque imaginée par Maria, son épouse, qui améliorait un peu leur ordinaire. Le rêve de devenir une personnalité médiatique modifie radicalement son destin et celui de tout son entourage.

TELE POUBELLE, CINE POUBELLE

Alors que le meilleur de cinéma italien contemporain se trouve à la marge de la marge, dans les oeuvres novatrices d'Alessandro Comodin ou Michaelangelo Frammartino par exemple, le cinéma transalpin "du milieu" continue d'offrir le triste spectacle du fantôme de son âge d'or, révolu depuis bien longtemps. Que ce soit le soi-disant retour de la comédie italienne (annoncé chaque trimestre et qu'on attend toujours) ou les films de Daniele Luchetti ou Paolo Sorrentino, c'est à dire ce que la compétition officielle de Cannes a pu présenter à nos yeux de plus pédant ces dernières années. Ce n'est pas peu dire qu'on retrouve dans Reality ce qui fait le pire de ce cinéma-là : un inintérêt total pour la subtilité, et surtout un coté donneur de leçon associé à une naïveté qui fait perpétuellement grincer des dents. Si un film peut "survivre" à l'un de ces défauts pris séparément, leur alliance maléfique est un peu l'équivalent cinématographique des quatre cavaliers de l'apocalypse.

Le nouveau film de Matteo Garrone parle de la contamination de la réalité (reality n°1) par la télé-réalité (reality n°2, tout le monde a-t-il bien noté le clignotant autour du titre-symbole?). Le problème c'est que la "vraie vie" est dès le début du film filmée avec une grande vulgarité, avec ses personnages grossiers pleins de hurlements et de couleurs criardes, filmés à travers des plans-séquences avec moult mouvements de grues complètement inutiles : une manière de filmer ni réaliste, ni influencée par la télévision pour le coup (plutôt friande de gros plans et de découpage rapide justement). Du coup la télé-réalité ne parait jamais beaucoup plus vulgaire ou minable que la vraie vie, et la contamination en question tombe rapidement à l'eau. C’est même plutôt l’inverse. Au cœur du récit se trouve un personnage de bon gars sympathique mais crédule, sur lequel le spectateur a toujours un dérangeant train d'avance. Sa trajectoire n'a dès lors plus rien d'une descente aux enfers puisqu'il n'est prisonnier que de sa propre bêtise. La Nostra Vita, présenté en compétition il y a deux ans, mettait déjà très mal à l'aise avec son cortège de personnages racistes et égoïstes traités en héros du quotidien, dont les défauts n'étaient jamais contredits. Pas de mépris affiché autour de ce anti-héros, mais aucune empathie non plus, Garrone semblant être plus préoccupé par afficher sa virtuosité technique qu'à se soucier de ses personnages : le malaise ne vient pas du fait que tous les personnages de Reality soient stupides, c’est surtout qu'ils sont regardés avec énormément de cynisme.

Le sujet même de Reality condamne le film à être immédiatement obsolète quand ce genre télévisuel aura disparu, mais son discours plein de fausse-sagesse et de distance est déjà incroyablement ringard. Rappelons que les premières émissions d'enfermement en Europe remontent déjà à il y a douze ans. Et là encore, l'absence de subtilité fait plus d'une fois lever les yeux aux ciels. Le héros a beau être adulte, le film semble parler d'une jeune génération accro à ce miroir aux alouettes, et donne l'impression d'être réalisé par quelqu'un de déjà trop vieux pour traiter son sujet avec une véritable acuité, avec modernité.

par Gregory Coutaut

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