Trois soeurs
Abrir puertas y ventanas
Argentine, 2011
De Milagros Mumenthaler
Scénario : Milagros Mumenthaler
Avec : Maria Canale, Martina Juncadella, Ailín Salas
Photo : Martin Frias
Durée : 1h39
Sortie : 18/07/2012
Buenos Aires, à la fin de l’été. Marina, Sofia et Violeta vivent seules dans la maison familiale à la suite du décès de leur grand-mère qui les a élevées, tentant de combler, chacune à sa manière, cette absence. Marina se consacre à ses études tout en se souciant de la bonne gestion du foyer tandis que Sofia se concentre sur son apparence et les biens matériels; quant à Violeta, elle flâne de la chambre au salon, recevant occasionnellement la visite d’un homme plus âgé. Désaccords, rigolades, mesquineries et gestes d’affection rythment cette période de transition et d’incertitude...
ÂMES SŒURS
Premier long métrage pour la réalisatrice argentine Milagros Mumenthaler et coup de maître puisqu'elle a reçu le Léopard d'or du meilleur film l'été dernier lors du Festival de Locarno. Trois sœurs (Abrir puertas y ventanas) raconte l'histoire de trois sœurs pas particulièrement tchekhoviennes, s'inscrivant plutôt dans une réalité très argentine, comme le commente la réalisatrice: "Beaucoup d'enfants ont été élevés par leurs grands-parents durant les derniers jours de la dictature. Bien que ni le contexte, ni l'âge des filles ne correspondent à cette époque, je suis convaincue qu'il existe un courant de conscience, quelque chose de l'histoire récente de l'Argentine qui a laissé une marque dans la mémoire collective". Trois sœurs fait partie de ces films qui laissent plus de place à ce qui n'apparaît pas à l'image qu'à ce que contient le cadre. Une ellipse, une absence d'explication (la disparition de la grand-mère est au centre du film mais aussi en pointillés), cachent une ellipse plus grande encore (que sont devenus les parents?). Cette plongée sans sous-titres, sans repères, dans le quotidien de trois jeunes filles observé au microscope éveille parfois le malaise d'un Canine, décidément maître-étalon ces dernières années en matière de narration claustrophobe, familles cassées et inquiétante étrangeté. Trois sœurs flirte même avec le fantastique le temps d'une apparition nocturne. La caméra de Mumenthaler, de temps à autre, semble s'échapper par de longs et lents panos sur un jardin, une chambre vide, comme à la recherche d'une présence invisible dans la maison.
Ouvrir portes et fenêtres. Le titre original du film sonne à la fois comme un injonction triviale mais aussi un mystère. Celui-ci se dissipe peu à peu car il est bel et bien question de se réapproprier l'espace dans Trois sœurs après la disparition de l'aïeule, se le réapproprier ou bien le quitter. Dans un dénouement peut-être plus programmatique, en tout cas plus symbolique, la réalisatrice achève de filmer le lieu comme un souvenir, un lien ou un poids, on ouvre les fenêtres pour aérer, on bouge les meubles comme on tourne la page. La caméra, avant le générique de fin, reste plantée dans le décor nu. Avec ce long métrage élégant et incarné, Milagros Mumenthaler se signale comme un nom à suivre.