Zack Snyder's Justice League

Zack Snyder's Justice League
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Zack Snyder's Justice League
États-Unis, 2021
De Zack Snyder
Scénario : Will Beal, Zack Snyder, Chris Terrio
Avec : Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Ezra Miller, Jason Momoa
Musique : Junkie XL
Durée : 4h01
Sortie : 18/03/2021
Note FilmDeCulte : ****--

Bruce Wayne est déterminé à faire en sorte que le sacrifice ultime de Superman ne soit pas vain; pour cela, avec l'aide de Diana Prince, il met en place un plan pour recruter une équipe de métahumains afin de protéger le monde d'une menace apocalyptique imminente. La tâche s'avère plus difficile que Bruce ne l'imaginait, car chacune des recrues doit faire face aux démons de son passé et les surpasser pour se rassembler et former une ligue de héros sans précédent.

IF YOU SEEK HIS MONUMENT, LOOK AROUND YOU

Longtemps vilipendé, notamment pour un deuxième film un peu malade, le DC Extended Universe entamé au cinéma par Zack Snyder, et délibérément oublié par les mauvais films sortis depuis, se réduit finalement à une trilogie avec ce Justice League tardif, enfin celui voulu par son auteur, pour le meilleur et pour le pire. Si Batman v. Superman semblait trancher avec Man of Steel, leur différence esthétique s’avère en réalité le fruit d'une démarche cohérente, celle d'un diptyque montrant justement le basculement du monde humain vers l'âge des dieux, de la mise en scène "naturaliste" à l'iconisation snyderienne, épousant le regard des humains sur ces figures mythologiques. Une évolution confirmée maintenant que le projet du cinéaste a enfin été restauré. Toutefois, si la version Snyder s'avère évidemment supérieure à celle de Joss Whedon, appelé il y a quatre ans pour accoucher d’un blockbuster plus digeste et user-friendly, le résultat final demeure malheureusement toujours inégal sous cette forme sans concessions, qui s'apparente presque davantage à un bout-à-bout de chaque séquence tournée, où les passages incarnés côtoient une écriture fonctionnelle.

Dans un premier temps, lors des chapitres 1 et 2 de ce film qui en compte six, c’est une réussite. A l'instar de Batman v. Superman, l'ouverture de Justice League revisite le climax du précédent film, le réécrivant même, en commençant sur une note qui ancre d'emblée le film dans la douleur : Superman est en train de mourir et son cri tonitruant résonne à travers le monde, une onde de choc littérale. Quand on enchaîne tout de suite sur cette première tentative de Wayne de recruter Aquaman, dont le départ est accompagné d'un chant solennel diégétique, le film se teint définitivement d'une atmosphère endeuillé, souligné par les propos de Wayne, converti depuis la fin de BvS donc et désormais missionnaire, qui souhaite "honorer la promesse que j'ai faite sur sa tombe". Le fait que ce film ait été abandonné suite au suicide de la fille de Snyder et qu'il soit finalement terminé après colore inévitablement l'expérience. Un film s'écrit une troisième fois au montage après tout.

Pour suivre sur ces belles pistes thématiques, l'action n'est pas en reste. Le premier morceau de bravoure du film voit Wonder Woman intervenir pour empêcher des criminels de faire exploser une banque pleine d'enfants et le pâté de maisons avec et la scène enterre en 5 minutes l'intégralité des deux films solo de l'héroïne réunis. Les scènes situées à Themyscyra et les flashbacks, qui adoptent une ampleur plus épique, rendent l'approche de Snyder on ne peut plus claire : Marvel a choisi de "clore" sa saga en plusieurs phases par deux crossovers qui optaient pour le space opera, ici on est dans l'heroic fantasy pure. L'approche mythologique n'est plus un sous-texte. C'est le texte. Et quel spectacle, mes aïeux ! Comme le titre du deuxième chapitre l'indique, c'est vraiment l'"Age Of Heroes". Adieu les humains. Et c’est là que le bât commence à blesser.

Les deux précédents volets de la série renvoyaient constamment au regards des humains. Man of Steel emploie les codes du film d'arrivée d'un extra-terrestre sur Terre de façon "réaliste", Batman v. Superman diégétise les reproches fait au caractère destruction porn des événements du premier film, filmés dans cette suite comme des quidams témoignant du 11-septembre. Les ralentis, absents du premier, épousaient alors le regard de l'Homme sur Dieu, comme dans cette séquence où Superman accomplit plusieurs exploits tandis qu'en off, on entend les médias s'interroger sur ses droits et devoirs. Les humains sont presque complètement absents de Justice League, surtout passés les premiers chapitres. Ce générique que l'on pouvait voir dans la version sortie il y a quatre ans, semblablement due à Snyder pour sa ressemblance avec celui de Watchmen et l'utilisation d'une chanson de Leonard Cohen est peut-être la seule séquence dont on regrette la disparition car elle avait le mérite de montrer "un monde sans Superman". Après deux films sur la réaction du peuple à l'existence de Superman, c'est ce deuil-là qu'il aurait fallu montrer. En l'état, il n'y a guère plus que le deuil de Lois qui apparaît bien trop sporadiquement sur 4h pour que faire effet. Il y a aussi celui de Bruce mais il cède très vite la place aux besoins de l'intrigue, ce qui nous amène au principal souci du film.

Dans le contexte d'une approche à la Seigneur des Anneaux, les McGuffin BASIQUES que sont les Motherboxes sont moins ennuyeux que la première fois, surtout que la téléportation n'est plus un raccourci scénaristique ici, le méchant galérant à les trouver. D'ailleurs, Steppenwolf est un chouille plus incarné, déjà parce que les VFX sont meilleurs (ses yeux ont une âme, cette fois) mais aussi parce qu'ils étoffent un poil sa caractérisation. Ça reste davantage un Azog (souvenez-vous, dans Le Hobbit) qu'un Thanos mais il est surtout moins intéressant que Zod et Luthor. Et quand le récit sur les chapitres 3 et 4 s'articule majoritairement autour de scènes où Steppenwolf essaie de réunir les Motherboxes et Bruce & Diana essaient de réunir les autres héros, le tout étiré sur près de deux heures, l'assemblage de l'équipe se fait laborieux et leurs missions tombent dans une fonctionnalité peu entraînante comparée à l'exposition qui a précédé. Il y a de très belles choses parmi les nouvelles scènes de Cyborg et Flash qui leur permettent enfin d'exister, des choix de storytelling visuel qui témoignent du talent et du savoir-faire de Snyder (comment Wayne révèle à Flash qu'il est Batman en l'amenant simultanément à révéler le pouvoir de ce dernier, comment Cyborg créé une projection pour verbaliser ce que tout le monde pense sans le dire) mais le film aurait gagné à explorer les atermoiements empêchant chacun de faire cohésion plutôt que "on ressuscite Superman?". Surtout qu'ils ne cherchent pas à le ressusciter pour ce qu'il incarne mais parce que "c'est le seul qui peut battre Steppenwolf" (sic).

En effet, le scénario ne sait pas trop quoi faire de lui une fois ressuscité à part le faire se bastonner (les scènes avec Lois ou avec Martha sont plates), que ce soit face aux autres héros (et même si le passage des coups de boule est rigolo, quand on y pense, cette scène n'a pas grand sens, un Superman méchant, ok, mais là c'est trop ou pas assez) ou face au méchant (même si le combat est bonnard). C'est clairement pas son film, il n'a pas d'arc, comme Diana, qui reste au moins badass, et Aquaman, toujours ridicule en biker bro. A l'inverse, Cyborg et surtout Flash ont des trajectoires intéressantes, notamment dans le rapport à leurs pères respectifs et, une fois de plus, dans leur rapport à la mort et au deuil, et le second bénéficie d'un pay-off inattendu qui donne une fin émouvante et visuellement époustouflante à un climax déjà réjouissant. L'épilogue continue cette touchante remontada...avant ces trois scènes finales, INUTILES (surtout que deux ont été tournées POUR ce nouveau montage) qui cassent l'ambiance, l'équivalent de post-génériques Marvel mais sans aucun sens (vu qu'il n'y aura pas de suites) autre que le fan service. Au bout du compte, si le film n'est pas entièrement concluant, il reste épatant par moments. Suffisamment pour que l'on en vienne à espérer que Snyder fasse comme Stone sur Alexandre ou Mann sur Ali ou Coppola sur Apocalypse Now et qu'après avoir tout remis ainsi, il propose un nouveau montage, plus resserré, autour de la notion de deuil et de la mémoire qu'on honore, pour que le peu que raconte le film soit moins perdu dans la masse.

par Robert Hospyan

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