Yourself and Yours

Yourself and Yours
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Yourself & Yours
Corée du Sud, 2016
De Sang-Soo Hong
Scénario : Sang-Soo Hong
Durée : 1h26
Sortie : 01/02/2017
Note FilmDeCulte : *****-
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Le peintre Youngsoo apprend que sa petite amie Minjung a bu un verre avec un homme et s’est battue avec lui. Le couple se dispute et Minjung s'en va, déclarant qu'il est préférable qu’ils ne se voient plus pendant un certain temps. Le lendemain, Youngsoo part à sa recherche, en vain. Pendant ce temps, Minjung (ou des femmes qui lui ressemblent) rencontre d’autres hommes...

LE PRINCIPE DE L'INCERTITUDE

In Another Country, Hill of Freedom, Woman on the Beach... Les personnages d'Hong Sang-Soo partent souvent à la recherche d'un ailleurs, un lieu lointain symbolisant leurs attentes affectives profondes. C'est l'inverse dans Yourself and Yours, où le quotidien le plus familier devient étrange et étranger. Le film débute dans l'intimité d'une chambre conjugale à la fois sobre et particulièrement cosy (on la croirait dupliquée sur la chambre de Marie Rivière dans La Femme de l'aviateur!). Bien emmitouflés, Youngsoo et Minjung se disputent pourtant. Apprenant qu'elle s'est battue avec un autre homme(!), Youngsoo ne reconnaît plus sa petite amie, il la quitte. L'image de la fiancée modèle vole en éclat, et passé ce postulat, Hong Sang-Soo s'amuse à pousser la métaphore très loin, vers les sommets narratifs les plus enthousiasmants.

Quand Youngsoo, repenti, recroise Minjung le lendemain, elle dit ne pas le reconnaître et ajoute ne même pas s'appeler Minjung. Ment-elle? Joue t-elle un jeu pour le punir? S'agit-il réellement d'une autre jeune femme? Avec un clin d'oeil au Bunuel de Cet Obscur objet du désir, Hong Sang-Soo s'amuse à nous mener par le bout du nez, et ne donne aucune réponse évidente. Frustrant ? Au contraire, car il y a une dimension particulièrement ludique dans cette perpétuelle redécouverte du personnage de Minjung. Celle que vous voyons à l'écran est-elle la même que dans la scène précédente ? La même qu'au début du film ? Est-elle la vraie Minjung ou bien une version fantasmée par son ex ? Par elle-même ? Le film et son héroïne sont comme un puzzle que l'on souhaite assembler avec avidité et malice. Peu importe qui elle est: le mystère de son identité la rend irrésistible.

Youngsoo fait-il semblant de croire à ce jeu ? Tombe t-il amoureux de cette autre femme ou de la même qu'avant ? Toujours est-il qu'il se lance dans une drôle d'enquête pour la (re)conquérir, et le spectateur suit un parcours similaire. Tout comme lui, il nous faut lâcher prise, nous laisser aller à l'abandon. Face au film comme dans une relation amoureuse, l'attitude à adopter est ici la même: il faut accepter de ne pas tout pouvoir expliquer, accepter de ne pas tout savoir, pour mieux être récompensé. Apprendre en désaprennant. Grandir en oubliant. Le petit labyrinthe narratif d'Hong Sang-Soo n'a pas pour but de nous semer: à la faveur d'un émouvant dénouement, reflet malin (mais pas cynique) de la scène d'ouverture, Yourself and Yours se révèle étonnamment chaleureux et bienveillant, comme une étrange comédie de remariage où l'on retomberait sur ses pattes après une pirouette qu'on ne se soupçonnait pas capable d'effectuer. Le couple du début est reformé, mais sont-ils exactement les mêmes qu'avant? "Merci d'être toi", confie alors Minjung à son amoureux retrouvé. La réplique pourrait n'être qu'une blague paradoxale; à l'image du film, elle est étonnamment émouvante.

par Gregory Coutaut

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