Xenia
Grèce, 2014
De Panos Koutras
Scénario : Panos Koutras
Durée : 2h08
Sortie : 18/06/2014
Le film raconte l’histoire de Danny, 16 ans, et Odysséas, 18 ans qui, étrangers dans leur propre pays après la mort de leur mère albanaise, vont traverser la Grèce de part en part, dans le but de trouver leur père grec et le forcer à les reconnaître officiellement. Sur la route, ils feront face aux fantômes de leur passé, à la cruauté des hommes et à un rêve qui doit devenir réalité, quel que soit le prix à payer. Ils parviendront finalement à devenir adultes dans un pays qui refuse de les suivre.
LA VIE EN ROSE
Il y a plusieurs manières d’aborder et de rentrer dans le nouveau film de Panos Koutras (L’Attaque de la moussaka géante), Strella - lire notre entretien) : son réalisme social ou son ouverture fantastique, son outrance queer ou sa poésie modeste, sa superficialité ou son énergie… Mais aucune de ces pistes n’égale à elle seule la foisonnante combinaison qu’elles forment ensemble. L’hybridation est présente dès le départ, dans un quotidien provincial grec à la fois rêveur et concret, vécu depuis la rue à hauteur d’adolescent. Des rues où l’on peut autant flâner au soleil que tomber sur de dangereux fachos avides de castagne. Il faut dire que l’adolescent en question n’est pas banal. Dany est à la fois une petite frappe méditerranéenne, un étranger en situation irrégulière, et un homo très efféminé à la mèche peroxydée, portant les fringues et accessoires fluos de Cyndi Lauper. Son look, sa démarche, son incapacité à se séparer de son lapinou domestique, son hystérie et son apparente légèreté d’esprit créent à eux seuls une extravagance déjà démesurée, un caillou dans la chaussure du terre-à-terre social, un kaléidoscope de Pikifous arc-en-ciel qui déborde et contamine le naturalisme ambiant.
La contagion se fait d’abord en filigrane. La frontière qui oppose Dany à son frère Ody (sérieux, posé, baraqué, hétéro) se fait de plus en plus poreuse. Et celle qui sépare le réalisme (social et cinématographique) du fantastique est elle aussi mise à mal par des séquences onirico-fantastiques où les fantasmes inanimés prennent vie. Il est vrai que, un temps, Xenia semble ne pas proposer grand-chose d’autre qu’un imaginaire queer débridé, où l’on se dandine en chantant en play-back et en rêvant d’icônes gay. La première partie du film possède en effet le côté attachant mais bancal des premiers Almodovar, avec ses détails tocs assumés (musique décalée, effets spéciaux approximatifs). Mais Koutras sait où il veut en venir. Xenia est le nom d’un hôtel abandonné dans la forêt où les deux frères fugitifs trouvent refuge. Un abri en ruine mais cosy, dont on ne sait pas très bien s’il est réel ou imaginaire, et où le film révèle sa véritable générosité. En bifurquant vers le conte fantastique, Koutras donne en effet une épaisseur et une émotion jusqu’alors inédites à son récit d’apprentissage.
Mais Xenia, c’est surtout le mot grec désignant l’hospitalité que chacun doit aux étrangers. C’est tout le propos de Koutras qui, après les transsexuels de Strella épouse à nouveau le point de vue des marginaux. A part un chaste baiser, l’hétérosexualité y est en effet non-dépeinte. Sans que l’homosexualité soit elle-même un enjeu du scénario, seuls les personnages queer ont droit à une vie de couple et une sexualité. Chez les autres, tout est pour une fois relégué au hors-champ, dans une joyeuse inversion des rôles. Xenia avance bille en tête, à cheval sur un fil, un pied dans le drame sérieux et un pied dans la comédie folle, jusqu’à un dénouement à l’énergie très contagieuse. Xenia est un film où l’on peut chanter tout en prenant des otages, on peut filmer des peluches qui deviennent vivantes et filmer en même le temps le dynamisme d’une Grèce cosmopolite menacée par la xénophobie. Xenia a l’air gentiment superficiel et convenu, il est au contraire frondeur et jamais lisse. Et comme chez son protagoniste, il n’hésite jamais à se battre (dans combien de films a-t-on vu déjà des garçons efféminés se battre – et non se faire battre ?), et le glitter est son arme pour abattre les murs.
En savoir plus
Notre entretien avec le réalisateur, Panos Koutras
Bonus DVD
Xenia est disponible en DVD à partir du 5 novembre. Un making of d'une demi heure en forme de carnet de route, intitulé La Route de Xenia, figure parmi les bonus. Le réalisateur Panos Koutras ainsi que ses collaborateurs reviennent sur les différentes étapes de la confection du film et sur les difficultés rencontrées au fil des différents lieux de tournage. Deux interviews complètent ce programme: un entretien avec Koutras qui évoque ses influences, notamment queer, et sur la dimension politique de Xenia, et un autre entretien avec les deux acteurs du film, Kostas Nikouli et Nikos Gelia, réalisé lors du passage du long métrage à Cannes.