White Night
Won-gyu est un stewart constamment en transit. Tae-Jun est un coursier qui passe son temps à arpenter la ville en moto. Ils se sont fixé rendez-vous sur internet, mais ils n’ont que quelques heures.
LA VILLE EST TRANQUILLE
White Night est à l’image de son titre : trompeur et beau. Beau comme la splendide photo du film, magnifiant les illuminations nocturnes, mais aussi la moindre larme ou le moindre reflet humide dans un œil. La bande son permanente des sons étouffés de la ville forme un écho lointain presque cosy, transformant en cocon les quartiers désertés dans lesquels évoluent les protagonistes. Beau également comme la mise en scène de Lee Song Hee-Il, qui isole avec élégance ses personnages sans les écraser. White night est tout simplement superbe, à l’opposé des clichés crades de récits urbains.
Mais White Night est trompeur, car cette beauté cache quelque chose de beaucoup mois lisse. Un récit où le romantisme n’exclut ni la colère ni l’amertume. La nuit blanche attendue n’est pas exactement celle d’une rencontre amoureuse, d’un plan cul où naîtraient des sentiments inattendus. Il y a de ça dans cette histoire d’attirance et de répulsion, mais il y a surtout une violence assez surprenante. Une violence qui n’apparaît jamais à l’image, comme si elle ne disait pas clairement son nom mais qui est partout autour des deux amants. Cette violence existe, mais elle s’avère triviale face cette histoire qui, de faits divers en récits familiaux, dresse peu à peu une cartographie de l’homophobie et de la violence inhérente à la clandestinité. Le ronronnement du trafic alentours et les océans de néons ne sont qu’un leurre. Les protagonistes sont désespérément seuls, livrés à eux-mêmes même en couple. La nuit blanche possède des taches noires. White Night raconte bien la naissance d’une potentielle histoire d’amour, mais c’est l’œuvre d’un cinéaste qui n’a pas peur de montrer sa saine colère.
Cependant, White Night n’aurait pas la même force singulière s’il s’arrêtait à cette ambivalence-là. Si le titre est trompeur c’est aussi dans sa manière de parler d’une nuit au singulier. Le film est en effet raconté en flashback, mais ce flashback se passe bel et bien fin 2012. Depuis quand est-il alors raconté ? En filigrane, la trame temporelle se ponctue de quelques indices venant la flouter. Sans sauter aux yeux ou verser dans le fantastique, le traitement du temps est mine de rien assez audacieux. Comme si tout était contenu dès la première nuit : l’espoir, la désillusion, les retrouvailles. Certains de ces éléments sont ils fantasmés, imaginés ? Ils font en tout cas tous partie de la même réalité, celle du film. Cette nuance apporte in fine un certain charme mélancolique à ce long métrage qui, s’il ne brosse personne dans le sens du poil, sait être émouvant le moment venu. Une vraie découverte, et une vraie personnalité d’écriture et de mise en scène.